ECOLES DE MANAGEMENT, PORTRAIT / ENTRETIENS

Portrait : Bruno Ducasse, la « passion Montpellier » du directeur de Montpellier BS

Comment se forge un destin ? Pour le directeur de MBS, Bruno Ducasse, « l’événement qui m’a fait voir la vie d’une manière différente, aller de l’avant, à prendre des responsabilités c’est mon AVC fin 2008. Ce fut un déclic qui, de manière plus ou moins consciente, m’a fait lever des barrières ». Rescapé sans séquelles de son AVC, Bruno Ducasse accepte en 2012 de prendre la direction de la chambre de commerce et d’industrie de Montpellier devenue ensuite celle de l’Hérault. Puis en 2019 de MBS : « Après mon AVC j’ai récupéré très rapidement en me disant que c’était vraiment dommage de ne pas profiter de toutes les occasions de la vie ».

Les « années fantastiques » de MBS

Originaire de Louvres, dans le Val d’Oise, Bruno Ducasse est lui-même diplômé de ce qui était alors l’ESCAE Montpellier. En 1990, après une scolarité au lycée Lamartine à Paris, il choisit d’entrer en classe préparatoire, au lycée La Tour d’Auvergne, car il ne « veut pas s’enfermer dans un domaine précis » : « J’en garde de bons souvenirs après une première année compliquée au sortir du lycée où je n’avais pas eu besoin de travailler beaucoup pour réussir ». S’il obtient d’intégrer des écoles dès sa première année – à l’époque les classes préparatoires économiques et commerciales durent un an – il préfère redoubler pour obtenir de meilleures écoles.

L’année suivante, il fait le tour des écoles et se fixe sur l’ESCAE Montpellier : « A l’époque je ne connaissais pas Montpellier. L’accueil lors des oraux, par les étudiants comme par le jury, m’a convaincu de choisir l’école alors que je pouvais aller vers d’autres plus intéressantes pour obtenir le DCEF ». Il y passe des « années fantastiques » : « J’ai apprécié la quasi-totalité des matières enseignées tout en me passionnant particulièrement pour tout ce qui était en rapport avec les chiffres ». C’est aussi la première fois qu’il vit pleinement la vie étudiante après toujours habité chez ses parents jusqu’ici. « Je m’investis dans le BDE et la junior entreprise »

Contrôleur de gestion

En 1993, son diplôme en poche, Bruno Ducasse part effectue un Volontariat à l’aide technique à la chambre de commerce et d’industrie de Guyane. Le voilà dans le système CCI qui va marquer sa vie : « Pendant un an et demi j’ai travaillé avec le directeur général à la remise sur les rails des pratiques de la CCI et particulièrement du contrôle de gestion ».

A son retour Bruno Ducasse continue à travailler dans la sphère parapublique en entrant à La Croix Rouge. Il en sort terriblement déçu : « Les pratiques ne correspondaient pas à l’image idéaliste que je m’en faisais. Mon ancien patron en Guyane me propose donc de rejoindre l’ACFCI, CCI France, aujourd’hui, où je suis contrôleur de gestion puis responsable financier pendant 3 ans ».

Retour à Montpellier

C’est sur le journal des emplois des CCI que Bruno Ducasse va trouver son prochain poste : « J’avais très envie de revenir à Montpellier et cela a été possible en 2010 quand la CCI cherchait un directeur financier ». Douze ans plus tard il en devient directeur et prend alors une part active à l’autonomisation de MBS : « Le dossier n’avançait pas comme nous le souhaitions et cela a été ma première priorité ».

En 2012 l’association Sup de Co Montpellier BS voit le jour. « Depuis j’assistais à toutes les réunions de gouvernance », se souvient celui qui en deviendra directeur en mai 2019, succédant ainsi à Didier Jourdan, presque 30 ans à ce poste, dont il avait été l’élève : « Un directeur emblématique qui a eu l’audace de croire en un modèle un peu différent, mettant en avant l’apprentissage et la mixité sociale, quand beaucoup d’élus ne comprenaient pas comment l’école allait pouvoir se développer ».

Le successeur

Jusqu’ici directeur général de la CCI, Bruno Ducasse change alors totalement de métier : « Après 19 ans à la CCI j’envisageais une évolution et j’ai décidé de répondre à la proposition qu’on me faisait de prendre la direction de MBS ». Le bureau de l’association qui gère l’école, dont il n’est pas membre et dans lequel la CCI n’a que six des dix-neuf sièges, l’élit alors.

Bruno Ducasse arrive à la direction après une absence de près de dix-huit mois de Didier Jourdan, malade, qui part en retraite après avoir transformé une PME en ETI. Mais aussi à un moment où les subventions de la CCI et des collectivités tombent à zéro. « Nous étions en crise de croissance et nous devions trouver des relais de croissance », se souvient le directeur qui arrive « avec un profil un peu atypique, venant du monde de l’entreprise » : « Les professeurs se demandaient donc ce que je connaissais vraiment à l’enseignement supérieur sans avoir jamais enseigné ou fait de la recherche ». Il convainc vite ses équipes qu’une « Grande école de management doit être gérée comme une entreprise, sans profil type de dirigeant ».

Son atout principal à la direction de celle qui est encore Montpellier Business School: « Un management participatif. Didier Jourdan avait débuté sa direction dans une école qui comptait 50 salariés et nous étions 240. On ne manage pas du tout de la même manière une équipe aussi nombreuse dont une majorité a été recrutée dans les sept ou huit dernières années. Je libère les initiatives pour favoriser un management participatif ».

Le plan stratégique 2015-2020 arrivant à échéance, le tout nouveau directeur lance un nouveau plan stratégique, qui arrivera à son terme en 2025, et marque ainsi de sa patte une école en pleine mutation rebaptisée MBS.

Le modèle MBS

A partir de 1997 Sup de Co Montpellier a su développer un modèle original avec le soutien de la région Occitanie. Peu à peu la très grande majorité des étudiants du programme Grande école a ainsi pu suivre son cursus en alternance, les deux tiers des contrats provenant d’entreprises partenaires. « Pour autant il aura également fallu composer avec la baisse des dotations du conseil régional et compenser en allant chercher plus de taxe d’apprentissage auprès des entreprises, puis des « restes à charge » (la partie non payée par les régions aux entreprises) qui peuvent s’élever à plusieurs milliers d’euros par an et par contrat auprès des entreprises », explique Bruno Ducasse. Pour relever ses défis MBS a structuré un carreer center qui suit les étudiants et les aide à affiner leur projet avec toute une équipe dédiée aux relations entreprises.

La réforme de la formation professionnelle de 2020 a été une très bonne nouvelle pour MBS : « Les branches ayant accepté de nous financer à nos coûts réels, elle nous a permis de supprimer le reste à charge. Depuis nous avons dû renégocier avec certaines entreprises car certaines branches, privilégiant un niveau plus fable comme la métallurgie, ont révisé leur niveau de prise en charge ». Et si MBS a obtenu le meilleur niveau de prise en charge c’est qu’elle avait indiqué ses coûts complet en préfectures, incluant la formation, l’immobilier ou encore la recherche.

Aujourd’hui, face aux menaces que fait poser sur l’apprentissage une éventuelle remise en cause de ses financements, Bruno Ducasse insiste pour que l’Etat considère son investissement dans le dispositif également comme une « mesure sociale » : « Les étudiants que nous recrutons auraient-ils les moyens de suivre leur cursus sans être en apprentissage ? Pour au moins un tiers ce ne serait pas le cas ».

Pragmatique le directeur envisage d’autres moyens de financement : « Nous pourrions être forcés de réfléchir à un système où l’étudiant participerait financièrement au coût de sa formation ou au reste à charge en fonction des échelons de revenus de ses parents ».

Un nouveau campus en 2025

Aujourd’hui MBS s’apprête à déménager de son campus historique – l’école y est implantée depuis 1972 et « un peu à l’étroit » – pour voguer vers un nouveau quartier en devenir de la ville près de la nouvelle gare TGV. « Nous y travaillons depuis 2012 et cela a pris du temps face à des recours en justice et des changements politiques mais nous avons finalement pu acheter le terrain en 2018 et les travaux démarreront au printemps 2023. »

Construire un campus, un nouveau challenge passionnant pour Bruno Ducasse qui suivait déjà le dossier de près à la direction de la CCI : « Depuis trois ans nous travaillons sur le montage financier avec les CCI de l’Hérault et d’Occitanie et la région. Avec les architectes nous affinons le projet pièce par pièce ». En 2025, MBS emménagera donc dans un nouveau bâtiment de 22 000 m2 contre 14 000 aujourd’hui sur sept étages. Les locaux actuels ont quant à eux été vendus pour y construire des logements.

Internationalisation et recherche

Ce nouveau campus doit également permettre de mieux accueillir les étudiants comme les professeurs internationaux. Le tout alors que le développement international de l’école passe aujourd’hui par Dakar – MBS y délivre des formations depuis 2 ans – avec de « nouveaux partenaires rencontrés en Asie et en Amérique du Nord depuis un an ».

Un développement international qui s’appuie sur la production de recherche des enseignant-chercheur de MBS, seule école autonome à être répertoriée dans le Classement de Shanghai. Une recherche particulièrement reconnue dans la responsabilité sociale et environnementale (RSE) et maintenant dans la transition économique, domaine dans lequel un centre, ImpactS, a été créé pour regrouper toutes les actions de l’école, tant pédagogiques qu’en recherche avec des chaires dédiées. « Nous avons développé un parcours « Act for Change » qui permet à tous nos étudiants d’aller plus loin en matière de RSE et de transition écologique. Cela nous permet également d’aider les entreprises partenaires pour mettre en œuvre leurs actions de transition. »

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Olivier Rollot est directeur du pôle Information & Data de HEADway Advisory depuis 2012. Il est rédacteur en chef de "l’Essentiel du Sup" (newsletter hebdomadaire), de "l’Essentiel Prépas" (webzine mensuel) et de "Espace Prépas". Ancien directeur de la rédaction de l’Etudiant, ancien rédacteur en chef du Monde Etudiant, Olivier Rollot est également l'un des experts français de la Génération Y à laquelle il a consacré un livre : "La Génération Y" (PUF, 2012).

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