NOUVELLES TECHNOLOGIES, POLITIQUE DE L'ENSEIGNEMENT SUPERIEUR

Quelles mutations s’imposent dans l’enseignement supérieur ?

Encore plus à l’heure d’un Covid-19 qui ne semble pas prêt à disparaître, l’enseignement supérieur doit se réinventer. En France, au Royaume-Uni, aux Etats-Unis, en Inde et en Afrique du Sud, dans ces cinq pays phares en matière d’enseignement, l’EDHEC Business School et OpinionWay, en partenariat avec l’Institut Montaigne, ont mené l’enquête. Leur étude Les nouvelles frontières de l’enseignement supérieur « compare leur vision et leur perception des défis que les systèmes éducatifs devront relever pour les générations futures ». Avec un résultat immédiat : le recours à la digitalisation de l’enseignement est plébiscité.

Une image positive de l’enseignement supérieur. Si 77 % des Français se déclarent satisfaits de la formation qu’ils ont reçue, ce taux de satisfaction un peu plus élevé dans les autre pays étudiés (84% au Royaume-Uni, 86% en Inde et 83% aux Etats-Unis et en Afrique du Sud). La France doit en effet encore progresser sur plusieurs dimensions. En premier lieu, l’insertion professionnelle est pointée comme l’un des points faibles de notre système éducatif : seuls 41% le jugent apte à préparer suffisamment les jeunes à entrer sur le marché du travail, contre 75% au Royaume-Uni et 72% aux Etats-Unis.

Un autre axe d’amélioration est l’accessibilité de l’enseignement supérieur. Si 53 % des Français interrogés le jugent ouvert au plus grand nombre, ce taux est inférieur à ceux exprimés au Royaume-Uni (60%) et en Inde (77%), mais supérieur à celui des États-Unis qui ne comptent que 42 % d’opinions positives.

En matière de défis sociétaux, la majorité des Français interrogés jugent notre système d’enseignement supérieur efficace pour sensibiliser les jeunes générations aux questions sociales et environnementales. Toutefois, avec 57% d’opinions favorables, la France apparaît en retrait par rapport à l’Inde (85%), au Royaume-Uni (74%) et aux Etats-Unis (72%).

Le digital plébiscité. Quelles que soient les polémiques, le digital est perçu comme un moteur de la transformation de l’enseignement supérieur. L’adoption des nouvelles technologies est considérée comme bénéfique par 87% des Français qui estiment, par ailleurs, que leur système éducatif s’est déjà engagé dans la transformation digitale (81%). Un résultat supérieur au Royaume-Uni et aux Etats-Unis (64% chacune) et à l’Inde (49%).


86% des Français estiment que le contexte actuel va accentuer l’essor du travail collaboratif et 80% le perçoivent comme un levier de motivation puissant, favorisant une plus grande diversification des formats pédagogiques ainsi qu’une meilleure connaissance des élèves et de leur rythme d’apprentissage (73%).

La crise sanitaire a renforcé cette adhésion au digital. L’enseignement à distance, pendant la période de confinement, a été vécu comme une expérience positive par 67% des Français et des Britanniques interrogés et par 87% des Indiens. Si près de la moitié des Français (45%) jugent qu’un apprentissage mixte, combinant présentiel et online, est le modèle qu’il faudra privilégier demain, cette tendance de fond est encore plus forte en Afrique du Sud (70%), au Royaume-Uni (63%) et aux Etats-Unis (53%).

Un rôle crucial et en évolution pour les professeurs. Aux yeux des Français, l’enseignant tient une place stratégique que les nouvelles technologies ne peuvent remplacer. Néanmoins, plus de deux Français sur trois imaginent une transmission de la connaissance différente à l’avenir, laissant davantage de place aux objets connectés ou à l’Intelligence artificielle (70%). Loin de faire disparaître les professeurs, les nouvelles technologies joueront un rôle complémentaire. Pour les Français, elles permettront avant tout d’aider les enseignants au quotidien en les déchargeant des tâches routinières (67%) ou en leur octroyant du temps pour personnaliser leur enseignement et mieux connaître les élèves. « L’enseignement à distance est une autre forme pédagogique que pratiquent la plupart des universités dans le monde depuis longtemps. Une forme qui remet le professeur au centre du dispositif. On ne fait pas d’enseignement à distance sans professeur ! La crise nous a fait évoluer et de nouvelles habitudes ont été prises », commente le directeur d’EDHEC Online, Benoît Arnaud.

Les Français restent en effet profondément attachés au rôle de l’enseignant comme vecteur de savoir et de connaissances (56 %) tout en intégrant la nécessaire mutation de leur mission. Le professeur doit relever le défi d’enseigner de nouvelles compétences : méthodes pour s’informer via les nouvelles technologies, développement de la motivation et savoirs comportementaux font désormais partie de la palette des enseignements attendus par un grand nombre de Français interrogés.

Insertion professionnelle et égalité des chances : au centre de la missions de l’enseignement supérieur. Le développement de l’esprit d’entreprise est perçu comme un facteur d’employabilité par 85% des Français interrogés tandis que 90% d’entre eux sont favorables à la promotion des compétences entrepreneuriales dans les méthodes d’enseignement via la mise en place d’actions de sensibilisation variées comme les concours de création d’entreprise ou les rencontres avec des entrepreneurs. De même, les nouvelles technologies sont considérées comme une voie d’accès vers la vie active : 80% d’entre eux estiment qu’elles permettront aux jeunes générations de mieux se préparer au monde professionnel.
Si l’égalité des chances est une priorité pour 9 Français interrogés sur 10, les efforts doivent, en premier lieu, se concentrer sur l’accessibilité géographique des établissements d’enseignement supérieur (58%) et pour 51% d’entre eux sur les conditions de vie étudiante (logement, nourriture, transport).
La pandémie de covid-19 a accentué cette attente et, là encore, le numérique apparaît comme une réponse possible. Pour 59% des Français interrogés en juin dernier, le développement de campus universitaires totalement à distance pourrait permettre de lever les barrières d’accès à l’enseignement supérieur dans les territoires les plus éloignés des métropoles. 69% des moins de 35 ans adhèrent à cette idée.
Plus largement, les Français souhaitent que leur système éducatif sensibilise davantage aux enjeux sociétaux, et plus particulièrement à la question des inégalités sociales (51%), de l’environnement (42%) et du respect de l’égalité hommes / femmes (40%). La crise sanitaire a fait émerger un intérêt pour les disciplines liées à la santé, premier type d’enseignement cité par tous les pays (entre 61% et 77%, 67% en France) ainsi que pour l’économie sociale et solidaire (entre 48% et 62%, 50% en France).

Internationalisation vs. Covid-19. Avant la crise sanitaire, l’offre d’échanges internationaux s’avérait être le point fort du système hexagonal, 73% estimant que l’enseignement supérieur français favorise l’ouverture internationale des jeunes, notamment via les échanges qu’il propose et l’accueil des étudiants étrangers.
Pour 85% des Français interrogés, effectuer une partie au moins de ses études à l’étranger est un atout pour les jeunes générations. Un chiffre bien plus élevé que dans les autres pays sondés, il est vrai anglophones : 61% au Royaume-Uni et 58% aux Etats-Unis et en Inde.

Si la pandémie de Covid-19 constitue, pour la majorité des pays sondés, une menace sur la mobilité étudiante, la France fait figure d’exception. Les Français interrogés s’avèrent en effet partagés sur l’évolution des échanges internationaux : si 52% estiment que la pandémie aura pour conséquence de limiter leurs déplacements dans les années à venir, 47% n’entrevoient aucune répercussion de la crise sur ces flux. Une fois n’est pas coutume les Français sont optimistes…

  • Méthodologie: étude quantitative réalisée par OpinionWay pour l’EDHEC Business School auprès de 5246 personnes au sein de 5 pays : France – 1049 interviews ; Royaume-Uni – 1053 interviews ; Etats-Unis – 1023 interviews ; Inde – 1071 interviews ; Afrique du Sud- 1050 interviews. Chaque échantillon est représentatif de la population nationale âgée de 15 ans et plus, et a été constitué selon la méthode des quotas. Les interviews ont été menées en ligne du 3 au 9 janvier 2020. Un sondage complémentaire a été conduit du 10 juin au 19 juin 2020 auprès des populations des cinq pays interrogés afin d’actualiser l’enquête au regard des conséquences de la pandémie de Covid-19.
  • Quatre études de cabinets de conseil américains et de médias spécialisés ont été récemment consacrées à la question des évolutions nécessaires de l’enseignement supérieur. Hors et avec Covid-19. La première date d’avant la pandémie (Kaufman Hall, 2020 Higher Education Financial Trends, Challenges, and Priorities Revealed) et les trois autres lui sont postérieures : Coronavirus: How should US higher education plan for an uncertain future? (McKinsey), Higher education remade byCOVID-19 Scenarios for resilient leaders | 3 – 5years (Deloitte), How Will the Pandemic Change Higher Education? (The Chronicle of Higher Education)
  • L’Association internationale pour l’évaluation des résultats scolaires (AIE) et l’UNESCO lancent une étude, en partenariat avec la Commission européenne, pour dresser un tableau complet de l’impact de la pandémie sur l’éducation mondiale, intitulé «Responses to Educational Disruption Survey» (REDS).
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Olivier Rollot est directeur du pôle Information & Data de HEADway Advisory depuis 2012. Il est rédacteur en chef de "l’Essentiel du Sup" (newsletter hebdomadaire), de "l’Essentiel Prépas" (webzine mensuel) et de "Espace Prépas". Ancien directeur de la rédaction de l’Etudiant, ancien rédacteur en chef du Monde Etudiant, Olivier Rollot est également l'un des experts français de la Génération Y à laquelle il a consacré un livre : "La Génération Y" (PUF, 2012).

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