La Fesic (Fédération des établissements d’enseignement supérieur d’intérêt collectif) a, depuis le début des discussions, porté le fer contre l’enseignement supérieur privé lucratif. Alors que la création d’un label pour l’enseignement supérieur privé semble prendre du retard la réaction de sa déléguée générale, Delphine Le Quilliec, après la publication du rapport parlementaire sur « L’enseignement supérieur privé à but lucratif »
La création d’un label qui validerait la qualité des formations de l’enseignement supérieur privé tarde à se concrétiser. Où en est-on selon vous ?
La publication du rapport de la mission parlementaire sur « L’enseignement supérieur privé à but lucratif » constitue une première étape qui s’avérait nécessaire : pour réguler l’enseignement supérieur privé, il fallait en effet commencer par en dresser le paysage, l’analyser et identifier les problématiques qui se posent. Les 22 propositions des rapporteurs rebattent les cartes en mettant en avant des mesures qui paraissent plus urgentes à prendre que la seule création d’un label. Nous saluons ce travail de qualité qui différencie clairement, au sein du privé, le modèle des établissements d’enseignement supérieur privés d’intérêt général (EESPIG), en contrat avec le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, et les formations qui relèvent du privé hors contrat
Je note également avec satisfaction la reprise de nos interrogations quant au développement de sociétés à mission dans l’enseignement supérieur privé, qui signifie aussi la financiarisation de ces établissements, qui doivent passer du statut d’association à celui de société anonyme.
Le nouveau label peut-il vraiment apporter une information pertinente supplémentaire dans le référentiel déjà conséquent des reconnaissances et certifications des établissements et des formations ? Comment lutter contre les promesses non tenues d’écoles qui séduisent de plus en plus de jeunes grâce à un marketing qui leur fait oublier que c’est d’abord la qualité de l’enseignement et de l’encadrement qui doivent prévaloir dans leurs choix ? Pour répondre à ces questions, nous appelons de nos vœux la mise en place de l’ensemble des propositions faites par le rapport.
La question de l’information des familles est cruciale selon vous ?
C’est indispensable, il faut améliorer l’information apportée aux jeunes et aux familles afin qu’ils puissent bien mesurer la valeur du type d’établissement ou de diplôme qu’il va choisir. Pour y contribuer, la Fesic a réalisé une campagne d’information qui donne les clés de compréhension et inviter à se poser les bonnes questions (qualité du diplôme, du contenu de la formation et de l’établissement).
Le schéma de l’enseignement supérieur que nous avons établi montre bien la distinction entre l’enseignement supérieur en contrat (Université, établissements publics, EESPIG), contrôlé et évalué par le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, aux missions de service public reconnues par l’État ; et le supérieur hors contrat, qui rassemble des établissements lucratifs ou non, de qualité certifiée ou non, qui ont fait le choix de ne pas être en contrat avec l’État. Ces établissements sont, certes pour certains contrôlés par le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche (MESR), mais la grande majorité ne délivre que des titres RNCP (Répertoire national des certifications professionnelles) qui ne garantissent pas une poursuite ou reprise d’études. Il faudrait maintenant que le MESR s’engage dans ce type de campagne de communication qui aidera, sans conteste, les familles à y voir plus clair.
Mais alors comment faut-il agir pour réguler l’enseignement supérieur privé ?
Il faut apporter du contrôle et de la transparence à un secteur parmi les moins régulés par l’État en France alors qu’on touche pourtant à l’essentiel, à la construction de l’avenir de notre société, avec la formation des jeunes. Établir un cadre protecteur pour l’intérêt général et le droit des étudiants est indispensable.
Parcoursup, par exemple, en tant que principal outil d’orientation, doit apporter une information claire, lisible et intelligible aux jeunes et à leur famille. Or, aujourd’hui si toutes les formations contrôlées par le MESR sont bien sur Parcoursup, on y trouve également les formations en apprentissage, toutes les formations, y compris celles qui ne sont pas contrôlées sur leurs pratiques pédagogiques et l’accompagnement quotidien de leurs étudiants. Être présent sur Parcoursup devrait être une garantie du contrôle du MESR ! Et s’il y avait un nouveau label, il devrait obliger les établissements à recruter via Parcoursup. Cela permettrait d’avoir un cadre commun à tous les établissements et de fluidifier la communication.
Le contrôle de France Compétences sur les formations en apprentissage n’est pas suffisant ?
La certification Qualiopi délivrée par France Compétences n’atteste que du respect d’un processus de formation. Elle ne contrôle pas la qualité du contenu de la formation. Comment le rappelle notre ancien président, Jean-Philippe Ammeux, le développement de l’enseignement supérieur privé lucratif actuel rappelle celui qui a eu lieu aux Etats-Unis il y a quelques années. Avec l’octroi de prêts étudiants sur fonds fédéraux, sans contrôle rigoureux de la qualité, les formations privées For-Profit se sont beaucoup développées. Elles délivraient des formations qui n’étaient pas à la hauteur, à des étudiants qui se sont considérablement endettés pour les financer et qui n’ont ensuite pas pu rembourser leurs dettes. La crise de la dette étudiante américaine était en fait due à 90% à des institutions For-Profit. Nous pouvons faire un parallèle avec la situation actuelle, en France, avec l’augmentation considérable des formations en apprentissage, financées sur fonds publics. Notamment quand les étudiants signent des contrats qui stipulent, en tout petit, qu’ils devront financer au tarif de la formation initiale, s’ils ne trouvent pas de contrat d’apprentissage dans une entreprise.
Nous appelons à la vigilance sur la qualité et le sérieux des formations en apprentissage, un contrôle plus strict des modalités de la formation et des chiffres d’insertion professionnelle réels, annoncés par l’établissement.