UNIVERSITES

« Les étudiants de l’École du management et de l’innovation de Sciences Po apportent une indéniable valeur ajoutée »

En quatre ans l’École du management et de l’innovation de Sciences Po s’est installée comme l’une de ses composantes principales tout en devenant une alternative crédible aux meilleures business schools. Sa directrice, Marie-Laure Salles Djelic, dresse avec nous le portrait d’une école particulièrement impliquée dans les évolutions de la société. (Photo : Emerson Kailey)

Olivier Rollot : L’École du Management et de l’Innovation de Sciences Po vient de sortir sa première promotion « complète » (y compris tous les étudiants qui ont opté pour une année de césure). Comment se déroule l’insertion professionnelle des étudiants des dix masters que délivre l’école ?

Marie-Laure Salles-Djelic (Photo : Emerson Kailey)

Marie-Laure Salles-Djelic : D’abord une excellente insertion professionnelle de nos étudiants puisque, selon l’enquête insertion 2019, 65% de nos diplômés ont trouvé un emploi avant même leur graduation, 15% dans les trois mois suivant, encore 13% dans les trois mois suivant et enfin 7% au bout de six mois. Les autres ont opté pour un doctorat ou d’autres projets personnels. Nous nous situons donc tout à fait dans les mêmes chiffres que les meilleures écoles de management.

Quant au salaire moyen de nos diplômés du master Finance et stratégie, il est comparable à ceux des diplômés de HEC ou de l’Essec. Si on prend l’ensemble des programmes, les salaires de nos diplômés se situent dans le top 10 des écoles de management.

J’ajoute que des entreprises dans le secteur de l’audit, du conseil, de la banque, du Luxe etc. considèrent nos diplômés au même niveau que les meilleurs diplômés de ces écoles, tout en appréciant leur ouverture intellectuelle et leur réflexivité critique.  L’École du management et de l’innovation étant très engagée et très en pointe sur les grandes tendances et évolutions de la société, nos étudiants apportent une indéniable valeur ajoutée à l’heure où les entreprises ont besoin de recrues ayant une largeur de vue plus importante.

O. R : Tellement engagée que tous les étudiants de première année de master commencent leur cursus par un semestre intitulé « The Great Transition – Responsability, Innovation, Commons ». En quoi cela consiste-t-il ?

M-L. S-D : Après une formation aux 17 Objectifs de développement durable de l’ONU (ODD) nos 530 étudiants de première année passent dès leurs dix premiers jours de formation le Sulitest pour évaluer leurs connaissances en la matière. Pendant un semestre ils vont suivre ce que nous appelons l’expérience « Great Transition » pour explorer plus avant les enjeux associés aux ODD.  Cette exploration est théorique. Mais nos étudiants ont aussi l’opportunité d’interagir avec des acteurs investis concrètement sur les ODD – entreprises, ONGs, associations…

Enfin, nous créons l’opportunité pour nos étudiants de se saisir eux-mêmes, en pratique, de ces questions en travaillant pendant un semestre sur un projet concret. Réunis par groupes de cinq mêlant les différents masters, nos étudiants déploient des solutions concrètes, à vocation entrepreneuriale, à un problème qu’ils ont identifié comme particulièrement important ou préoccupant. Il s’agit pour eux de s’approprier en profondeur ces questions pour arriver à inventer des solutions en travaillant collectivement pendant tout un semestre.

A la fin du processus, douze nominés sont sélectionnés parmi l’ensemble des 110 projets. Ces douze projets sont présentés devant un Jury de professionnels impliqués. Le Jury sélectionne trois gagnants et le public vote aussi pour son projet préféré.  Ces projets sélectionnés pourront ensuite être accompagnés s’ils le souhaitent dans le contexte du Centre pour l’entrepreneuriat de Sciences Po et de son incubateur.

O. R : Au deuxième semestre vos étudiants poursuivent-ils dans la même optique ?

M-L. S-D : Il faut bien comprendre qu’aujourd’hui la gestion durable est au cœur de la stratégie des entreprises, bien au-delà de la seule RSE (responsabilité sociale des entreprises), et se doit d’impacter toute la chaîne de valeur.

Si nos étudiants commencent à se spécialiser dans le cadre de leur master au deuxième semestre, ils peuvent également suivre des cours au choix parmi 35 sur deux grandes thématiques : « l’innovation » et la « responsabilité ». Par exemple, « L’impact de l’intelligence artificielle sur le monde du travail » ou « L’impact environnemental de la blockchain ».

En parallèle, nous insistons dans certains programmes sur la notion de responsabilité. Le « luxe responsable et durable » revêt par exemple une importance toute particulière dans le master « Marketing : New Luxury & Art de Vivre ». Le master « Economics and Business » est maintenant intitulé « International Management & Sustainability ». Le master « Innovation et transformation numérique » se situe dans le même esprit. Il s’agit de comprendre les défis mais aussi les enjeux du développement du numérique en termes de démocratie par exemple. Il est d’ailleurs possible d’obtenir un double diplôme avec Strate École de design ou l’Institut Mines Telecom, École d’Ingénieurs.

O. R : Tous vos programmes sont alignés sur ce format développement durable ?

M-L. S-D : Ceux dont nous avons hérités évoluent progressivement. En finance, nous avançons vers la finance durable mais c’est un travail très long de mettre en concordance finance durable et finance classique. Le monde va très vite sur certains axes alors qu’il existe encore des doctrines très ancrées qui ont du mal à évoluer. Nous sommes poussés par les étudiants qui relèvent les incohérences qui subsistent entre nos cours. Les entreprises aussi nous demandent d’avancer dans ce sens. C’est cet effet de levier qui, en quatre ans, nous a vraiment permis de faire évoluer les choses de façon significative.

O. R : Comment recrutez-vous vos candidats ? Avec quels profils ?

M-L. S-D : A 58% cette année ils viennent du collège de Sciences Po, répartis en 400 français et 200 internationaux. La hausse en interne est de 33% cette année où nous sommes la deuxième école la plus demandée après l’École d’affaires publiques et devant l’École des affaires internationales. Dans la mesure où ne pouvons plus augmenter nos effectifs globaux et que notre attractivité augmente aussi beaucoup à l’externe, notre sélectivité bien sûr s’accroît.

Nous souhaitons conserver une vraie diversité dans les profils et notre politique est de ne pas prendre des étudiants qui ont suivi des études de gestion en bachelor. Nous préférons recruter des étudiants diplômés en droit, physique, des ingénieurs etc. Nous voulons répliquer avec nos étudiants externes la formation très large que nous proposons depuis notre premier cycle. Nous ne faisons pas du management pendant 5 ans, cela n’a pas de sens.

O. R : Vos concurrents ce sont HEC ou l’Essec ? Comment vous différenciez-vous d’elles ?

M-L. S-D : Nous intégrons effectivement régulièrement des reçus de ces écoles qui ont finalement préféré nous rejoindre. Notre grande différence avec une école de management c’est que nous faisons partie d’une université de sciences sociales. Nous nous inscrivons dans le double prisme de l’entreprise régie par les évolutions de la société et de l’impact sociétal sur l’entreprise. Nous choisissons nos professeurs, nous créons nos programmes dans cet esprit. En montant le master consacré au luxe nous avons travaillé sur la perception du luxe comme un phénomène social, sociologique et culturel. Pas seulement sur des questions de marketing et de gestion de la marque.

Un autre élément très fort de différenciation est de considérer les formes économiques comme contextualisées, dans le temps et dans l’espace. Une approche en sciences sociales permet de comprendre comme notre monde évolue et se transforme et d’identifier des alternatives. A partir de là, nos étudiants ont les moyens d’envisager leur rôle comme étant celui de co-concepteur d’un nouveau modèle, plus adapté aux grands enjeux d’aujourd’hui. Les défis sont grands et nous imposent de repenser nos modèles; c’est une question de survie ! C’est dans ce contexte que les écoles de management doivent se transformer en profondeur. Ce que nous avons fait à l’École du Management et de l’Innovation a eu un effet d’aiguillon sur d’autres Écoles. Notre ancrage dans une université de sciences humaines et sociales nous a donné les outils nous permettant d’être un peu en avance – mais nous devons tous aller à terme dans cette direction.

O. R : Vous allez quitter Sciences Po cet été pour partir diriger l’Institut de hautes études internationales et du développement à Genève. Quel bilan tirez-vous de la création de l’École du management et de l’innovation ?

M-L. S-D : Quand nous nous sommes lancés, il s’agissait de réunir différents programmes préexistants, d’en créer de nouveau et de donner à cet ensemble une vraie identité et un vrai projet collectif. Aujourd’hui nous avons créé un projet fort et visible – en interne comme en externe – autour duquel notre équipe s’est mobilisée de manière enthousiaste.

Je pars à Genève en laissant une base solide et un beau bébé ! Nous allons maintenant trouver quelqu’un qui poursuivra ce que j’ai lancé et qui, j’en suis convaincue, fera passer un nouveau cap à l’École. A Genève je vais poursuivre un projet de transformation qui s’inscrit en cohérence avec celui que j’ai déployé à Sciences Po – mais en direction cette fois des acteurs et des décideurs du monde des organisations internationales et transnationales.

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Olivier Rollot est directeur du pôle Information & Data de HEADway Advisory depuis 2012. Il est rédacteur en chef de "l’Essentiel du Sup" (newsletter hebdomadaire), de "l’Essentiel Prépas" (webzine mensuel) et de "Espace Prépas". Ancien directeur de la rédaction de l’Etudiant, ancien rédacteur en chef du Monde Etudiant, Olivier Rollot est également l'un des experts français de la Génération Y à laquelle il a consacré un livre : "La Génération Y" (PUF, 2012).

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