ALTERNANCE / FORMATION CONTINUE, ECOLE D’INGÉNIEURS

Télécom SudParis se met à l’apprentissage: entretien avec son directeur, Christophe Digne

Spécialisés dans le numérique, membre du campus de Saclay, Télécom SudParis fait partie de ces écoles d’ingénieurs dont les entreprises s’arrachent les diplômés. Christophe Digne, son directeur, nous explique pourquoi et s’interroge sur la place des docteurs dans l’enseignement supérieur et l’entreprise.

Christophe Digne

Olivier Rollot : Quels sont les points forts de Télécom SudParis?

Christophe Digne: Nous sommes focalisés sur le secteur porteur qui est le numérique dans une région parisienne très riche industriellement. Aujourd’hui nous travaillons sur les réseaux mobiles, le très haut débit, le traitement de données massives ou encore l’aménagement du territoire, tous domaines où nous avons une compétence très affirmée en recherche.

O.R : Les diplômés du numérique ont la réputation de créer beaucoup d’entreprises. Est-ce le cas des vôtres?

C. D : Nous accueillons aujourd’hui dix à quinze projets de création d’entreprise chaque année dans notre incubateur implanté à Evry et Arcueil, dont en moyenne 30% sont portés par nos diplômés. Cette présence d’entrepreneurs sur le campus nous permet en retour de mieux sensibiliser tous nos étudiants à la création d’entreprise. Certains se lancent dans cette aventure dès leur sortie d’école ; nous ne nous fixons pas d’objectif en la matière mais ils étaient 3% de l’effectif diplômé en 2011, soit autant que l’effectif recruté par les opérateurs de télécom. D’autres ont un tel projet après quelques années d’expérience.

O.R : Cette créativité vous la suscitez avec une pédagogie spécifique ?

C. D : Nous proposons effectivement à nos étudiants une pédagogie faisant une large place aux stages et aux projets qui leur demandent de prendre des initiatives. Dès leur entrée en première année par exemple, nous constituons des équipes où ils ne se connaissent pas pour travailler pendant un an pour répondre à des besoins de véritables utilisateurs (notamment des associations ou des collèges locaux). Ainsi ils rompent avec les habitudes de la prépa en se consacrant à un projet sur le long cours – et ils se défoncent vraiment !

Avec Télécom École de Management qui est sur le même campus, nous organisons par ailleurs en seconde année un challenge annuel intitulé « Projets d’entreprendre » où tous nos étudiants imaginent et esquissent, là encore par équipe, des projets de création d’entreprise innovante. Nous en sommes à la quatorzième édition cette année.

O.R : Vous recrutez essentiellement vos élèves en prépa ?

C. D : Effectivement : à 95% en première année de formation d’ingénieur, et un peu moins ensuite, puisque nous avons une dizaine d’admis sur titre en deuxième année, plutôt des étrangers d’ailleurs.

O.R : La dimension internationale est de plus en plus importante pour vous?

C. D : Elle l’est depuis de nombreuses années. Sur le campus, cinquante nationalités sont représentées, ce qui en fait déjà un théâtre d’expériences interculturelles. Par ailleurs, nos élèves ont à faire une expérience obligatoire à l’étranger, que ce soit dans le cadre d’un échange académique ou d’un stage. Enfin, ils doivent avoir un bon niveau d’anglais, ce qui conduit à demander un niveau obligatoire minimum dès l’entrée dans l’école. Sur ce plan, les entreprises sont de plus en plus exigeantes et nous devons former des diplômés qui seront à l’aise dans la compréhension de la langue comme dans l’expression professionnelle.

O.R : Vous ouvrez à la rentrée une nouvelle formation en apprentissage destinée à des jeunes titulaires de DUT ou de BTS. Pourquoi un nouveau diplôme?

C. D : Nous avons souhaité élargir à la fois nos viviers de recrutement et les profils que nous formons. Une formation dans le domaine des réseaux très haut débit nous semble très porteuse en termes d’emploi. Notre objectif est de recruter 15 apprentis par an en nous ouvrant à des étudiants qui augmenteront encore la diversité présente dans l’école.

O.R : Dans vos précédentes fonctions vous avez participé à la création de l’Institut Mines-Télécom, qui réunit aujourd’hui toutes les écoles de ces deux réseaux plus quelques écoles associées. À quoi sert cet institut?

C. D : Nos écoles sont positionnées sur des secteurs stratégiques où l’innovation et la concurrence sont fortes au niveau mondial. Au sein de l’Institut Mines-Télécom, nous réfléchissons à l’évolution de nos secteurs industriels et aux contributions que nous pouvons apporter pour leur développement au niveau national et dans nos différents territoires. Chaque école ne peut pas non plus tout faire et l’Institut est un moyen d’assurer l’accès le plus large aux compétences de chacune. Ainsi, les étudiants ont maintenant la possibilité de passer facilement d’une école à l’autre en troisième année.

De même, les entreprises sont intéressées par la profondeur et l’envergure que nous atteignons collectivement dans nos domaines et notre capacité à nous mobiliser. C’est cette dynamique qui attire et que viennent renforcer nos 10 écoles associées.

O.R : On reproche souvent aux entreprises françaises de ne pas recruter assez de doctorants. Comment comptez-vous changer les mentalités?

C. D : Nous devons apporter plus d’attention aux débouchés des docteurs. On ne peut pas se contenter de dire que le doctorat est apprécié partout dans le monde sans se demander pourquoi il ne l’est pas plus en France. En Allemagne les sujets sont plus techniques, aux États-Unis les universités sont plus proches des entreprises. Pour que le doctorat soit davantage reconnu en France il faut à mon sens que les sujets de thèse et la formation des doctorants soient plus en prise avec l’entreprise. Des dispositifs comme le crédit d’impôt recherche ou les contrats Cifre, avec des doctorants salariés, me semblent de ce point de vue très vertueux.

O.R : On s’arrache toujours autant vos étudiants, crise ou pas crise?

C. D : Nos diplômés sont formés pour pouvoir être des acteurs du développement de leur entreprise. Ceci est essentiel et explique que plus de la moitié ont trouvé un emploi avant la fin de leurs études. Par ailleurs, les compétences dans le domaine du numérique sont recherchés dans tous les secteurs d’activité. Le salaire moyen des débutants a été de plus de 42000 euros en 2012 (et de près de 40000 euros pour ceux qui démarrent en France). Le marché reste donc très porteur et nous ne sommes absolument pas inquiets pour l’insertion professionnelle de nos étudiants.

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Olivier Rollot est directeur du pôle Information & Data de HEADway Advisory depuis 2012. Il est rédacteur en chef de "l’Essentiel du Sup" (newsletter hebdomadaire), de "l’Essentiel Prépas" (webzine mensuel) et de "Espace Prépas". Ancien directeur de la rédaction de l’Etudiant, ancien rédacteur en chef du Monde Etudiant, Olivier Rollot est également l'un des experts français de la Génération Y à laquelle il a consacré un livre : "La Génération Y" (PUF, 2012).

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