ECOLE D’INGÉNIEURS

50 ans et maintenant ? La Conférence des Grandes écoles s’interroge

Laurent Champeney clot l’année du cinquantenaire de la CGE au côté de Tamyn Abdessemed

Après son congrès en mars dernier, la Conférence des Grandes écoles (CGE) organisait cette semaine des assises qui concluaient cette année de commémoration de ses 50 ans au sein de la Cité internationale universitaire de Paris. Des assises pour se « projeter et définir des perspectives, faire la synthèse des débats, des déclarations d’engagement et des contributions des parties prenantes  » comme l’explique Tamyn Abdessemed, commissaire chargé de l’organisation des événements de ses 50 ans et directeur d’Excelia BS. « Cette année nous a permis de mieux comprendre qui nous sommes dans une période de mutations continuelles » conclut Laurent Champaney, président de la CGE et directeur général des Arts et Métiers. Nous vous proposons ici une synthèse des travaux de l’année résumés dans ces assises et qui ont donné lieu à des ateliers de travail. La CGE a également souhaité faire le point sur l’image de ses écoles avec Ipsos.

Une enquête sur le regard porté par les Français sur les Grandes écoles. L’institut Ipsos vient de réaliser pour la CGE une étude sur la perception par le grand public des Grandes écoles. Et si 67% des Français pensent qu’il faut réformer l’accès à des Grandes écoles, 61% ne veulent pas les voir supprimées alors qu’ils étaient 52% en 2019. Pour autant on perçoit la vision très restrictive qu’ils en ont : sept Français sur 10 pensent qu’elles sont moins de 50 et 17% entre… une et cinq.

71% des Français ont une bonne opinion des Grandes écoles pour seulement 11% une mauvaise, les jeunes et les plus âgés étant les plus enthousiastes (plus de 80% de bonnes opinions). Une bonne opinion qui varie selon les écoles : de 79% pour les école d’ingénieurs à 62% pour les écoles de management (près d’un tiers des jeunes de 18-24 ans a une mauvaise opinion des écoles de management) et même 55% pour les Sciences Po qui sont considérés comme les « plus élitistes ».

Les mots qui caractérisent le mieux les Grande écoles selon l’étude sont de très loin « élite » (10% des réponses spontanées) puis viennent « excellence », rigueur », « savoir », « prestige » mais aussi « cher » et « argent ». Seules l’ENA et HEC sont citées. Avec des mots suggérés c’est « excellence » qui arrive en tête. Chez les Français qui ont atteint le niveau bac+5 c’est « élitisme » qui arrive en tête avec un « réseau » qui monte à 31%.

A la question « où étudier dans un établissement de renom » les Grandes écoles écrasent la concurrence : 52% de citations pour seulement 9% de l’université ! Elles sont à plus de 70% « utiles » pour les entreprises, la recherche, la compétivité ou encore la société. Mais attention, cette proportion n’est que de 33% chez les plus jeunes pour 85% chez les plus âgés.

Excellence mais aussi diversité ! « Les Grande écoles sont le creuset de l’excellence pour former les cadres de demain. Elles portent la recherche et l’innovation sans sacrifier une vision de long terme et plus fondamentale », était venue exprimer en mars dernier Sylvie Retailleau, ministre de l’Enseignement supérieur et la Recherche. S’il est un mot sur lequel s‘accordent tous pour définir ce qu’est une Grande école c’est effectivement « excellence » : « Mais une excellence ouverte au plus grand nombre pour accompagner tous ceux qui sont méritants », souligne Laurent Champaney. « Comment repenser un modèle d’enseignement supérieur qui puisse répondre aux besoins des entreprises tout en donnant à tous les talents le potentiel d’y accéder ? », renchérit Sannaa Nahla, la responsable des relations académiques du groupe Engie, qui recrute aujourd’hui 10% de ses recrues en apprentissage. Un défi qui passe, selon la vice-présidente accès aux Grande écoles de la CGE et directrice générale de Neoma, Delphine Manceau, par une plus grande diversité de genres – « Très peu de jeunes filles se forment aux métiers de la tech et cela me gêne que les femmes ne soient pas au centre de ces évolutions demain » – de diversité sociale mais aussi une attention particulière donnée à l’expérience étudiante.

« Il faut que les Grandes écoles soient plus inclusives, notamment en se rapprochant des universités dans une politique de site » insiste Olivier Ginez, recteur délégué pour l’enseignement supérieur, la recherche et l’innovation de la région académique Ile-de-France lors des assises. Mais comment accroitre une diversité sociale jugée également unanimement insuffisante dans l’enseignement supérieur ? « Pourrait-on imaginer dans les concours des exercices qui permettent des mises en situation et montrent des compétences ? », s’interroge Anne-Sophie Barthez, la Dgesip. « Il faut réinterroger les voies de recrutement pour promouvoir de nouvelles compétence », corrobore Pierre Mathiot, directeur de Sciences Po Lille qui a participé à une évolution des épreuves du réseau des IEP dans ce sens mais a « rapidement constaté que les organismes de préparation s’emparaient des épreuves que nous jugions impréparables ».

 Excellence dans la recherche. « Il faut concilier le temps long dans la recherche avec des défis environnementaux et sociétaux qui appellent des réponses très rapides », rappelait utilement Philippe Veron, le président du réseau des Instituts Carnot. Avec la difficulté pour les écoles de conserver les excellents profils comme le note François Dellacherie, vice-président recherche de la CGE et directeur de Télécom SudParis, qui « pense à labelliser la gestion de ses chercheurs avec le Hcéres pour mieux le gérer ».

Une recherche qui a également un rôle crucial dans les écoles de management comme le souligne Delphine Manceau : « Nous soutenons une recherche d’excellence capable d’alimenter les débats sur les problématiques des entreprises et sur les enjeux de société, qu’ils soient actuels ou à venir ».

Le tout avec un équilibre pas toujours facile à trouver entre recherche et enseignement comme l’établit Laurent Champaney : « Nous avons également besoin d’enseignants moins académiques pour délivrer des cours en formation initiale mais aussi en apprentissage et en formation continue ».

Excellence à l’international. La dernière table ronde du congrès anniversaire de la CGE portait sur la façon dont le modèle des Grandes écoles françaises se projetait à l’international. « Le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères (MEAE) soutient l’enseignement supérieur à l’international. Notamment en Afrique avec le campus franco-sénégalais ou l’université française d’Égypte au Caire », soulignait Laurent Toulouse, sous-directeur de l’enseignement supérieur et de la recherche du MEAE, qui insistait sur la « nécessité d’aller chercher de nouveaux publics, notamment en Asie alors que nous sommes passés de la 3ème à la 7ème place en termes d’accueil des étudiants internationaux ». Lors des assises Mathieu Peyraud, directeur de la diplomatie d’influence de ce même MEAE, insistait quant à lui sur « le rôle moteur des Grandes écoles pour la diplomatie française » tout en soulignant l’aide que peut apporter son ministère à ces écoles, « en ce moment par exemple pour favoriser l’installation d’un campus des Insa en Uruguay ».

Si un établissement a réussi en 20 ans à se faire une « place au soleil » dans l’enseignement supérieur mondial c’est bien Sciences Po qui compte aujourd’hui 50% d’étudiants internationaux. « Les partenariats ont été le premier pilier de notre stratégie de développement international Po. Nous avons d’abord été reconnus par des alter ego qui avaient une notoriété internationale indiscutable. Avec des doubles diplômes, comme celui que nous avons passé avec Columbia, nous avons pu montrer qu’une grande institution reconnaissait nos diplômes », explique Vanessa Scherrer, la directrice des relations internationales de Sciences Po, qui insiste : « L’international a été au cœur de la transformation de l’institution. Aujourd’hui l’international est un pilier de l’identité et un des points d’attractivité parmi les plus importants de Sciences Po ».

Conseillère pour la science et la technologie à l’ambassade de France à Londres mais aussi ancienne vice-présidente relations internationales de PSL et déléguée internationale du CNRS, Minh Ha Pham met quant à elle en avant l’apport de la recherche : « Quand on veut attirer des internationaux, ce n’est pas que la qualité de la formation qui compte, le levier de la recherche est mieux compris, notamment parce qu’il est objectivé. On ne le met pas toujours bien en valeur car il y a une ségrégation entre formation et recherche. Les établissements intensifs de recherche jouent un rôle particulier à l’international ».

Reste la question des déplacements que génère l’internationalisation et que Vanessa Scherrer juge ainsi : « L’attention nécessaire à la sobriété énergétique ne doit pas se faire aux dépend de l’internationalisation et du dialogue. Les universités sont souvent les derniers liens qui unissent des pays en crise. Il ne faut pas opposer nécessité de préserver l’environnement et nécessité de préserver la paix ». Une phrase plus que jamais d’actualité.

  • Créée en 1973 : Le 16 mai 1973 onze Grandes écoles d’ingénieurs et HEC se réunissent aux Arts et Métiers pour créer la Conférence des Grandes écoles. 50 ans après elles sont 235 et la CGE a peu à peu étendu ses missions. Elle accrédite des diplômes (les mastères spécialisés depuis 1983, les MSc depuis 2002), publie des études (insertion professionnelle depuis 1993, livres blancs depuis 2010), des chartes (développement durable dès 2003) et fait de plus en plus de lobbying parlementaire.
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Olivier Rollot est directeur du pôle Information & Data de HEADway Advisory depuis 2012. Il est rédacteur en chef de "l’Essentiel du Sup" (newsletter hebdomadaire), de "l’Essentiel Prépas" (webzine mensuel) et de "Espace Prépas". Ancien directeur de la rédaction de l’Etudiant, ancien rédacteur en chef du Monde Etudiant, Olivier Rollot est également l'un des experts français de la Génération Y à laquelle il a consacré un livre : "La Génération Y" (PUF, 2012).

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