POLITIQUE DE L'ENSEIGNEMENT SUPERIEUR

900 millions de crédits annulés : l’enseignement supérieur et la recherche inquiets

Le Campus Bordeaux Carreire de l’université de Bordeaux

C’est peu de dire que le monde de la recherche et de l’enseignement supérieur se sent particulièrement visé par les annulations de crédit décidées par Bruno Le Maire. Dans le cadre de plan d’économie de dix milliards sur les dépenses de l’État, les budgets de l’écologie, du travail et de l’enseignement supérieur sont en effet ceux qui connaissent les ponctions les plus importantes. Si ce sont 7,5% du budget alloué à la mission « écologie, développement et mobilité durables » qui sont annulés d’un trait de plume pour l’année 2024 (plus de 2 milliards) suivent « travail et emploi » (5,4%) et « recherche et enseignement supérieur » avec 2,89% de budget amputé soit 904 millions d’euros. Autant de ministères qui touchent de près à la recherche avec une question majeure maintenant : qui exactement va être ponctionné ?

Où le MESR se serrera-t-il la ceinture ? Du côté du budget du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche (MESR) ce sont les « réserves de précaution » des programmes 231 (Vie étudiante, 125 M€), 150 (Enseignement supérieur et recherche universitaire, 80 M€) et 172 (Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires pour 383,1 M€) qui sont concernées. 192 M€ sont également annulés pour la recherche spatiale. Ni le budget de la vie étudiante, ni les dotations initiales 2024 des établissements, ni les mesures RH de la loi de programmation de la recherche (LPR) ne sont pour l’heure touchées. Ce qui conduit France Universités à écrire dans un communiqué que « l’incidence réelle de tels arbitrages, à court et moyen termes, ne manque pas d’interroger » tout en rappelant que « les établissements devaient déjà faire face à des dépenses en constante augmentation, qui n’ont été que très partiellement, voire pas compensées. Il ne faudrait pas que ces nouvelles « économies » soient le signe d’un désengagement durable de l’État vis-à-vis des universités ».

Au menu des économies possibles, et alors que la campagne de recrutement 2024 a été lancée, France Université craint un non-remplacement de milliers de départs en retraite de chercheurs et d’enseignants-chercheurs et un nouveau report de la deuxième étape de la réforme des bourses.

  • Les « réserves de précaution » : au début de chaque année, le ministère du Budget gèle 4 % de ses crédits, hors dépenses de personnel. En principe le ministère du Budget attend la fin de l’année, pour les dégeler. Une partie peut être consommée, une autre peut être vraiment annulée. Ce sont elles qui ont été supprimées.

Où prendre l’argent au ministère du Travail ? Initialement c’étaient 550 millions d’euros que le ministère du Travail était censé économiser : 200 millions d’euros en moins pour le compte personnel de formation (CPF), 200 millions d’euros soustraits des dotations pour les centres de formation d’apprentis (CFA) et 150 millions d’euros retirés au plan d’investissement dans les compétences (PIC). Le décret double la mise et appartient maintenant à Catherine Vautrin, la ministre du travail, « d’affiner et de documenter le quantum restant », explique-t-on à Bercy.

Lyon 3 attaque le décret devant le Conseil d’État. Passée un certaine stupeur la première réaction est venue de l’Université Jean Moulin Lyon 3 qui attaque le décret de Bercy portant annulation de 10 milliards de crédits devant le Conseil d’État. « L’éducation, l’enseignement supérieur, la recherche et la transition écologique sont les principales victimes de ce désengagement de l’État. Ce coup de rabot témoigne d’une erreur manifeste d’appréciation et de choix politiques contraires aux intérêts de la jeunesse et à la nécessaire préservation du climat », écrit Éric Carpano, le président de l’Université Jean Moulin Lyon 3. Arguant que « le Gouvernement a choisi d’outrepasser ses compétences et de contourner le Parlement en modifiant, au-delà des plafonds prévus par la loi, le budget de la Nation », l’Université Jean Moulin Lyon 3 a décidé de saisir le Conseil d’État afin de faire annuler ce décret et de « rendre la parole à la représentation nationale. »

Le gouvernement a le pouvoir de prendre un décret pour annuler des crédits budgétaires « afin de prévenir une détérioration de l’équilibre budgétaire défini par la dernière loi de finances » selon la LOLF (La loi organique relative aux lois de finances) si le montant cumulé des crédits annulés dépasse par 1,5 % des crédits ouverts par les lois de finances afférentes à l’année en cours. Un volume de 10 milliards d’euros de crédits annulés par décret resterait sous le plafond légal autorisé sur un total de 813,5 milliards crédits de paiement « ouverts pour l’ensemble des missions de l’État ». Dans ce cas il n’y aurait pas de nécessité à présenter au Parlement un projet de loi de finances rectificative (PLFR).

Quoi qu’il en soit le signal est clair : le gouvernement a placé en priorité ses mesures d’économies – même virtuelles pour l’instant – sur les questions de recherche et d’éducation – le ministère de l’Education perd également 691 millions de crédits – et sur la transition environnementale. Autant de thématiques qui engagent pourtant l’avenir du pays.

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Olivier Rollot est directeur du pôle Information & Data de HEADway Advisory depuis 2012. Il est rédacteur en chef de "l’Essentiel du Sup" (newsletter hebdomadaire), de "l’Essentiel Prépas" (webzine mensuel) et de "Espace Prépas". Ancien directeur de la rédaction de l’Etudiant, ancien rédacteur en chef du Monde Etudiant, Olivier Rollot est également l'un des experts français de la Génération Y à laquelle il a consacré un livre : "La Génération Y" (PUF, 2012).

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