POLITIQUE DE L'ENSEIGNEMENT SUPERIEUR

Colloque du HCERES : quel avenir pour l’évaluation ?

 Le débat reste vif sur le rôle que doivent avoir les agences d’évaluation en France alors que de nouveaux textes vont préciser ses missions en 2020. Se targuer comme le président du HCERES (Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur), Michel Cosnard, de « n’avoir vu aucun rapport contesté devant la commission de recours » lors du colloque annuel qui s’est tenu cette semaine dans les locaux de l’Université de Paris, n’est-ce pas admettre que ses rapports sont devenus bien tièdes ? « Les débats de 2012 ont euphimisé les évaluations. En tant qu’universitaires nous passons notre temps à noter, donc nous connaissons les limites, mais comment les refuser ? Nous devons réfléchir à comment rendre les notations utilisables », regrette le conseiller à l’enseignement supérieur du président de la République, Thierry Coulhon. Une critique que ne lui fait pas la directrice de la Dgesip, Anne-Sophie Barthez, qui loue plutôt un « accompagnement dont ont besoin les établissements ». Quant à la ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, Frédérique Vidal, elle souligne que « l’évaluation doit avant tout donner les capacités à l’Etat de juger si les politiques publiques qu’il lance sont bien suivies d’effet ».

Un HCERES trop tiède ? « Si Michel Cosnard a permis de rendre l’évaluation incontournable il reste à reconstruire le lien entre l’évaluation et l’allocation des moyens », insiste encore Thierry Coulhon. Vice-président de la région Grande Aquitaine en charge de l’enseignement supérieur, Gérard Blanchard aimerait également des « recommandations plus fortes du HCERES ». Aujourd’hui président de PSL après avoir été président du CNRS, Alain Fuchs garde des souvenirs plutôt pénibles du travail de l’Aeres, « tatillon et peu utile » avec lequel il avait des « relations très compliquées ».

Quant à Frédéric Dardel, président de l’université Paris-Descartes et co-auteur du rapport qui a donné naissance au HCERES, il remarque que « les contacts avec les experts lors de l’évaluation apportent souvent des remarques qu’on ne lit pas dans les rapports – sans doute parce que les experts d’une même discipline ne veulent pas se heurter ». Une question qui se pose également à la Commission des titres d’ingénieurs (CTI) à laquelle les évaluateurs européens ont pu reprocher de livrer deux types de recommandations : certaines publiées d’autres pas.

Se pose également la question des effets mêmes de l’évaluation. « Faire un évaluation qui n’a pas de retombées concrètes en termes de financement ce n’est pas très motivant », confirme la présidente de la toute nouvelle Université de Paris, Christine Clerici quand Alain Fuchs ne « croit pas à une allocation des ressources fondée sur la performance » qui demanderait une « évolution considérable de l’enseignement supérieur ». Au Royaume-Uni ou en Italie les deux sont par exemple liés.

 

Les deux représentants du HCERES, Annie Vinter et Michel Robert, accueillent la présidente de l’université Paris-Saclay, Sylvie Retailleau, le président de PSL, Alain Fuchs, le vice-président de la région Grande Aquitaine en charge de l’enseignement supérieur, Gérard Blanchard, et la directrice de la cellule exécutive de l’Aeques, Cathy Duykaerts.

Quelle amplitude ? Le passage sous les fourches caudines du seul HCERES doit-il être obligatoire ? Christine Clerici ne le croit pas : « L’établissement autonome ait le choix de son organisme d’évaluation. Le HCERES doit pouvoir accréditer des processus ». Un choix que préconise également la directrice de la cellule exécutive de l’agence belge qu’est l’Aeques, Cathy Duykaerts. Jusqu’à Michel Cosnard qui pose la question de la « nécessité pour les écoles de management accréditées internationalement de chercher également des accréditations en France ».

Quant à Alain Fuchs il demande même que le « HCERES incorpore la Commission des titres d’ingénieurs (CTI) » qui est une agence « archaïque ». Un point sur lequel Michel Cosnard rebondit : « La CTI ne devrait-elle pas laisser le choix de l’agence comme nous le faisons au HCERES » (un choix très théorique puisqu’aucun établissement n’a encore demandé à être accrédité autrement…). Aujourd’hui déjà les deux agences travaillent de concert sur des évaluations forcément différentes, le HCERES jaugeant les établissements quand la CTI évalue les diplômes. Le débat qu’on croyait un peu oublié sur la « toute puissance » du HCERES pourrait en tout cas revenir avec notamment une possible absorption de la Commission d’évaluation des formations et diplômes de gestion (CEFDG) par le HCERES dans le cadre de la mise en place du grade de licence.

Alors qu’en Italie l’agence Anwur accorde par exemple toujours des accréditations a posteriori personne ne demande leur retour en France. Quant à l’autre sujet un peu mis sous le tapis aujourd’hui qu’est la notation des diplômes telle que le faisait l’Aeres, Alain Fuchs n’est pas « contre l’idée de la réintroduire ». « Et comment va-t-on évaluer demain les universités expérimentales, européennes, des agences étrangères comme l’AACSB vont-elles prendre de plus en plus de poids ? », s’interroge le président de la Conférence des présidents d’université et de l’université Marne-la-Vallée, Gilles Roussel, qui regrette également que « le gouvernement ne sache pas trop quelle est la mission qu’il confie au HCERES ». Et même que les établissements ne versent rien pour leur évaluation « ce qui ne les encourage pas à faire de l’évaluation interne ».

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Olivier Rollot est directeur du pôle Information & Data de HEADway Advisory depuis 2012. Il est rédacteur en chef de "l’Essentiel du Sup" (newsletter hebdomadaire), de "l’Essentiel Prépas" (webzine mensuel) et de "Espace Prépas". Ancien directeur de la rédaction de l’Etudiant, ancien rédacteur en chef du Monde Etudiant, Olivier Rollot est également l'un des experts français de la Génération Y à laquelle il a consacré un livre : "La Génération Y" (PUF, 2012).

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