Ils étaient prêts à passer leur concours. Il leur faut attendre deux mois de plus. Le quotidien des élèves de classes préparatoires a été particulièrement bouleversé par le Covid-19. Le président de l’APHEC (Association des professeurs des classes préparatoires économiques et commerciales), Alain Joyeux, revient sur ces semaines où il a fallu tout réorganiser.
Olivier Rollot : Comment les professeurs de classes préparatoires ont-ils vécu cette période de confinement loin de leurs élèves ?
Alain Joyeux : Nous travaillons à distance avec des cours que nous délivrons sur différentes plateformes y compris celle fournie par l’Education nationale. Nous donnons du travail à faire, conseillons et rassurons. En seconde année les cours étaient presque finis et, passés le choc de l’annonce de la suppression des oraux, beaucoup d’élèves plutôt bien vécu cette période même si cela a été plus difficile pour certains.
La continuité pédagogique a été assez rapidement assurée car tous les professeurs se sont mis au numérique, même ceux qui y étaient auparavant très réticents, grâce à un partage constant d’informations entre nous. Et nos étudiants ont très bien joué le jeu. Au final c’est pour nous tous un saut technologique imprévu.O
O. R : Où en est-on de la réouverture des classes ? Cela pourrait se faire dès juin prochain ?
A. J : Les secondes années ne vont pas rouvrir. Nous ne le souhaitions d’ailleurs pas dans la mesure où certains élèves ne seraient sans doute pas revenus. Notamment ceux qui étaient logés dans des internats qui sont aujourd’hui difficile à rouvrir. Ces élèves-là auraient eu des difficultés particulières à rejoindre leurs lycées et cela aurait créé des inégalités un mois avant les écrits. En première année, nos élèves pourraient reprendre les cours en petits groupes mais cela va dépendre des lycées. Certains établissements ont déjà annoncé qu’il n’y aurait pas de retour des premières années non plus.
D’autres problèmes vont se poser. Les khôlles ont été arrêtées par le ministère au 31 mars 2020. Or, les cours d’informatique sont statutairement délivrés sous forme de khôlles. De ce fait, les élèves n’ont plus de cours d’informatique. En 2021 il faudra sans doute revoir à la baisse les exigences des concours sur la discipline. L’APHEC lancera en juin à ce propos une consultation auprès de ses professeurs adhérents. De nombreux directeurs d’école se sont déjà montrés très ouverts à tenir compte de problème.
O. R : Reportés de plus de deux mois les concours vont bien avoir lieu. Êtes-vous satisfait de leur organisation ?
A. J : Plutôt oui. D’autant que nous avons un temps tremblé que les écrits ne puissent pas se tenir. Or dans notre cas le contrôle continu ne pouvait pas être une solution de substitution et nous ne voyions vraiment pas comment nous organiser pour pallier un éventuel renoncement aux écrits.
Aujourd’hui les candidats vont bien passer le nombre d’épreuves prévues. Mais cela va être difficile pour eux dans la mesure où le rythme des épreuves va être beaucoup plus dense que d’habitude du fait d’un calendrier plus ramassé.
Quant aux oraux leur suppression est forcément pénalisante pour des profils qui misaient beaucoup sur eux. Même si cette suppression est en réalité la moins mauvaise des solutions au vu des circonstances, professeurs et candidats l’ont accueillie difficilement. Elle est désormais intégrée. Mais nous savons aussi que l’annulation des oraux est un lourd sacrifice pour les écoles qui profitent traditionnellement de la venue des candidats sur leurs campus pour les séduire. Le contexte sanitaire et économique qui frappe de nombreuses familles, dont celles des candidats, ainsi que les demandes de la Ministre Frédérique Vidal ont imposé cette décision.
O. R : Cela a dû être un choc pour vos élèves !
A. J : Quand la décision a été prise de les reporter ils s’apprêtaient à passer leur concours. Ils ont dû se demander s’ils continuaient à travailler sur le même rythme ou se relâcher un peu. Leur préparation est devenue un marathon alors qu’ils pensaient courir un 100 mètres.
O. R : Où vont se dérouler les concours ? Uniquement dans des lycées comme d’habitude ?
A. J : Peut-être aussi dans des collèges, voire des Grandes écoles. L’idée est en effet d’ouvrir plus de centres pour que les candidats aient moins à se déplacer et que les barrières sanitaires puissent être respectées. Mais encore une fois où vont loger les internes ? Dans des chambres CROUS puisque l’année universitaire est terminée ? A l’hôtel s’ils sont ouverts ? Aura-t-on des accords entre des centres de concours et des hôtels voisins ? Et pour ceux qui vont devoir se déplacer plusieurs jours loin de chez eux, pourra-t-on prévoir un défraiement ? Il y a aussi la question des candidats d’outre-mer, notamment des Antilles où le décalage horaire pose des contraintes supplémentaires. Quant aux étudiants marocains qui devaient passer leurs examens en France, ils le feront finalement dans des centres au Maroc.
Reste maintenant à envoyer les sujets au bon endroit, au bon moment et dans des quantités suffisantes.
O. R : Et comment se présente la rentrée ? Dans les écoles comme dans les classes préparatoires ?
A. J :Nous savons déjà que la rentrée des élèves issus de classes préparatoires en grande école sera sans doute repoussée de quinze jours. La ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, Frédérique Vidal, a en effet demandé que les étudiants bénéficient d’un mois de repos entre les résultats de leurs concours et la rentrée.
Pour nos classes, la rentrée devrait avoir lieu normalement dans les lycées le 1er septembre.