Résolument œcuménique car issue des Assises de l’enseignement supérieur et de la recherche, les contours de la prochaine loi précisant le projet du gouvernement pour l’enseignement supérieur se précisent peu à peu avec la remise à la ministre des conclusions de son rapporteur, le député Jean-Yves Le Déaut, dans un document intitulé « Refonder l’université, dynamiser la recherche » qui commence de façon assez dramatique par un « Les Assises de l’enseignement supérieur et de la recherche ont révélé un traumatisme ».
Les collectivités locales veulent avoir leur mot à dire
Résolument œcuménique mais pas forcément consensuelle en tout, la loi devrait être marquée par un élargissement des votants au sein du conseil d’administration aux collectivités locales, organismes de recherche et aux personnalités extérieures. Devant le congrès de la Cdefi (Conférence des directeurs des écoles françaises d’ingénieurs), Geneviève Fioraso, qui fut une élue locale grenobloise très impliquée dans le développement de l’offre d’enseignement supérieur, avait déjà insisté en novembre sur ce point : elle tient absolument à que tous ceux qui participent au CA y votent, y compris pour l’élection du président, un point sur lequel justement la Conférence des présidents d’université (CPU) est en total désaccord.
Mais un point sur lequel les collectivités locales, largement dominées par le PS, sont en pointe. L’introduction du rapport de Jean-Yves Le Déaut établit d’ailleurs qu’« il faut apporter à cet ensemble davantage de pondération, de cohérence, et surtout de démocratie et d’équilibre, en redéfinissant le rôle dévolu aux territoires ».
Réformer l’offre de formation
Comme l’expliquent Nathalie Brafman et Isabelle Rey-Lefebvre sur le site du Monde, la ministre entend simplifier l’offre de premier cycle en divisant le nombre de licences par 15 pour « parvenir à une nouvelle nomenclature nationale d’une centaine d’intitulés de licences générales par grands domaines ». De la même façon, les IUT et les STS devraient dorénavant être ouverts en priorité aux bacheliers technologiques et professionnels. Une mesure particulièrement problématique à imposer quand on sait comment certains DUT sont aujourd’hui réservés aux meilleurs des bacheliers S. Sans oublier qu’elle risque encore plus de détourner de l’université d’excellents profils qui appréciaient la sélectivité des IUT… Les spécialisations en licence devraient également être plus progressives.
Très emblématique, le rapprochement prépas/universités devrait se traduire par le rattachement par partenariat de chaque lycée ayant au moins une CPGE (ou une STS d’ailleurs) avec « un établissement d’enseignement supérieur de son académie qui effectue de la recherche ». « Il ne faut pas casser ce qui marche bien » affirme encore Jean-Yves Le Déaut, professant que « le système de préparation aux grandes écoles a fait ses preuves » tout en suggérant de rattacher progressivement les CGPE qui resteront dans les lycées aux universités.
Toutes les écoles d’ingénieurs sous co-tutelle ?
L’École polytechnique sous co-tutelle du ministère de la Défense et du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, est-ce pour demain ? Dans un document intitulé « Refonder l’université, dynamiser la recherche » le rapporteur de la future loi sur l’enseignement supérieur, le député Jean-Yves Le Déaut, lui-même ancien professeur d’université en biologie moléculaire, propose en tout cas de « confier au ministère chargé de l’enseignement supérieur, seul ou conjointement avec d’autres ministères, la tutelle sur toutes les formations d’enseignement supérieur ». Une proposition directement issue des Assises de l’enseignement supérieur et à laquelle la Cdefi (Conférence des directeurs des écoles françaises d’ingénieurs) répond dans un communiqué que « les règles de gouvernance (…) doivent laisser un maximum d’autonomie aux établissements quant à leur organisation ».
Rapprocher les grandes écoles de l’université
De la même façon, estimant que « certaines » écoles forment de bons ingénieurs – « certaines ? », merci pour toutes les autres ! -, il veut les inciter à des « regroupements dans des ensembles universitaires qui permettront des passerelles entre les formations et dans lesquelles les écoles doctorales accueilleront des doctorants d’origines diverses ». Le tout pour que « l’université retrouve un rôle central dans le dispositif d’enseignement supérieur et de recherche ». Sans contester le principe, la Cdefi insiste pour que le mode de fonctionnement de ces rapprochement s’apparente « plus à un modèle de type fonctionnement des communautés de commune que comme des structures préfiguratrices de modèles fusionnels dont chacun peut craindre, au vu des différentes expériences actuelles, une réelle difficulté de pilotage des différents acteurs potentiellement présents sur le site ».
Olivier Rollot (@O_Rollot)
Nous sommes un nombre d’enseignants et d’enseignants chercheurs de plus en plus élevé à être profondément heurtés et découragés par la volonté de diriger de force vers les IUTs des élèves en grandes difficultés scolaires. Nos formations professionnelles seront rapidement déconsidérées et dévaloriséees par les industriels et les familles car les élèves ne seront plus à la hauteur de leurs exigences. Beaucoup de collègues des IUTs sont vraiment démoralisés et baissent les bras suite aux differentes déclarations de notre ministre Mme Fioraso. Nous avons toujours fait correctement notre travail en faisant attention à la promotion sociale etc. Mais nous ne pouvons transformer un élève de faible niveau scolaire en un bon élève de DUT malgré toute notre volonté. Encore une fois c’est un très profond désarroi pour la majorité des collègues des IUTs. Bien cordialement. Laurence B.