Depuis 2018 The Shift Project s’est lancé dans l’étude de la transition écologique dans l’enseignement supérieur. Depuis septembre 2020 le think tank créé par Jean-Marc Jancovici travaille avec le Groupe INSA pour transformer l’ensemble des formations d’ingénieur. Ils publient aujourd’hui un guide méthodologique Former l’ingénieur du XXIème siècle, un manifeste et des retours d’expérience. « Les Insa ont toujours eu vocation à former différemment. Nous devons aujourd’hui nous positionner comme les acteurs d’un monde durable », assure Bertrand Raquet, président du groupe Insa et directeur de l’Insa Toulouse. Certes il y avait déjà des actions pourtant dans les écoles du groupe mais « il manquait une action transformante pour faire évoluer le cahier des charges du futur ingénieur en créant un référentiel de compétences climat-énergie. Le tout en assurant toujours l’employabilité de nos diplômés ». Le référentiel sera partagé avec l’ensemble de l’enseignement supérieur pour créer un « nouveau profil de l’ingénieur en embarquant les alumni dans la démarche et le soutien des entreprises ».
200 heures de cours en 5 ans. Pour créer ce nouveau référentiel de compétences et connaissances dédié à la transition écologique, le guide propose de délivrer en tout 200 heures de cours en 5 ans. « Il serait aussi intéressant que, chaque année, les établissements se posent des questions sur le rôle de l’ingénieur », établit Damien Amichaud, le responsable du projet au sein du Shift Project. Le guide Former l’ingénieur du XXIème siècle propose huit étapes pour réorganiser complétement les cursus sur une durée de 2 à 3 ans.
Un travail de titan quand on sait qu’aujourd’hui dans les Insa seulement 1% des cours sont consacrés à la transition écologique et 6,5% les évoquent. La plupart du temps délivrés en fin de cursus. Seul l’Insa Lyon a d’ores et déjà entrepris une transformation complète de son cursus. « Nous avons posé ensemble comment une dynamique devait venir de l’établissement en profitant de leur autonomie. Mais cela ne suffit pas », résume Clémence Vorreux, en charge des questions d’enseignement supérieur au sein du Shift Project, qui demande à ce que le Hcéres (Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur) comme la Commission des titres d’ingénieur (CTI) prennent en charge l’évaluation des bonnes pratiques. « Ils ont un rôle majeur pour définir des critères que les classements peuvent reprendre », insiste Clémence Vorreux.
Un projet collectif. « Le projet est porté par le Groupe INSA et toutes ses écoles. Les étudiants sont particulièrement impliqués parce qu’ils constatent le décalage entre ce qu’on leur enseigne et leurs demandes », définit le coordonnateur du projet au sein du Groupe INSA, Claude Maranges. Pour cristalliser les attentes et convaincre l’ensemble des personnels, des ateliers ont été organisés pendant 18 mois. « Toutes les disciplines sont concernées : comment parler de ces sujets pendant un cours de mathématiques ? », interroge Damien Amichaud.
Les questions qui se sont posées lors de ces ateliers ont été multiples : « Comment intégrer ses compétences dans nos enseignements sans en enlever d’autres ? Comment donner à nos étudiants tous les outils pour prendre les bonnes décisions ? Alors que la science ne peut pas tout résoudre ? etc. », définit Claude Maranges. Les nombreux cours – au moins 20% – délivrés par les Insa sous forme de projets permettent déjà de développer ces dimensions.
Des entreprises demandeuses. Les Insa travaillent avec tous types d’entreprises, pas forcément d’accord avec la démarche mais qui se désolent toutes de ne plus parvenir à trouver des talents, faute d’être en adéquation avec les diplômés sur les questions écologiques et sociétales. « Les entreprises nous soutiennent dans tous les secteurs et c’est très important de construire avec elles l’évolution des maquettes pédagogiques », rappelle Bertrand Raquet.
Beaucoup d’entreprises aimeraient en effet avancer dans le sens des transitions mais manquent de compétences pour cela. Le manque d’ingénieurs capables de réaliser des bilans carbone est patent mais il faudra encore trois à cinq ans pour les diplômer.
- Le 5 mai le rapport intermédiaire du projet « ClimatSup Business & Finance », mené notamment avec Audencia, sera publié.