Forte de ses 600 étudiants, l’Ecam Strasbourg Europe a choisi cet été de rejoindre l’Icam. Le directeur général délégué de l’Icam, Alexandre Dufer, nous explique comment son groupe ouvre ainsi son septième campus en France, avec 6 campus à l’étranger, tout en revenant sur ce qui constitue le « modèle Icam ».
Olivier Rollot : L’Ecam Strasbourg Europe est devenue en cette rentrée l’Icam Strasbourg Europe. Comment s’est déroulé ce passage d’un groupe à l’autre ?
Alexandre Dufer : Ecam et Icam sont des cousines germaines. Dans le passé, nous avons eu une association de diplômés et avons développé des logiciels de gestion communs. L’Ecam Strasbourg Europe s’est rapprochée de nous il y a maintenant un an parce qu’elle était séduite par notre modèle de construction collective et l’accompagnement que nous proposons à nos écoles. C’est important pour une école qui fête seulement ses dix ans. De plus un projet d’absorption par l’Ecam LaSalle n’avait pas abouti et l’Ecam Strasbourg Europe proposait toujours le diplôme de l’Ecam Lyon.
Nous avons donc démarré une étude d’opportunité il y a un an pour voir quel chemin de convergence nous pouvions envisager. C’est un chemin complexe à mettre en œuvre avec deux modèles pédagogiques différents qui vont se conjuguer maintenant pendant cinq ans. Les étudiants qui sont entrés à l’Ecam Strasbourg Europe jusqu’à cette rentrée obtiendront un diplôme de l’Ecam Lyon. A partir de la rentrée 2023 les nouveaux étudiants seront diplômés de l’Icam qui est unique sur tous ses campus.
O. R : N’est-ce pas très compliqué de faire cohabiter un temps deux cursus différents dans la même école ?
A. D : Les cursus restent assez proches sans être dispensés de la même manière. La convergence va être coordonnée dès début septembre par un nouveau directeur, Nicolas Juhel. Collaborateur de l’Icam depuis 2009, ce dernier a rejoint le site de Strasbourg-Europe avant l’été en tant qu’adjoint de l’ancienne directrice, Sonia Wanner, avant qu’elle ne parte pour prendre la direction de l’Eseo. La Commission des titres d’ingénieur (CTI) veille de près à ce que la transition se passe bien. Aujourd’hui l’Icam Strasbourg-Europe compte 120 étudiants par promotion et souhaite monter jusqu’à 150 en période de croisière.
Par ailleurs l’Icam Strasbourg-Europe possède des cursus propres que nous pourrions dupliquer sur d’autres campus. Je pense en particulier à son Cursus préparatoire avec immersion à l’international (CPII) qui fonctionne très bien.
O. R : On pourrait voir naitre de nouveaux campus de l’Icam dans un avenir proche ?
A. D : Nous effectuons une étude de faisabilité pour une implantation sur l’Académie Aix -Marseille à l’initiative d’élus locaux. Ils sont notamment séduits par nos modèles pédagogiques ainsi que nos actions auprès des décrocheurs scolaires. On peut imaginer une implantation en 2026-27 sous réserve que l’immobilier nous soit apporté. Nous n’avons pas la surface financière pour porter l’investissement nécessaire au-delà du paiement de loyers modérés.
O. R : Aujourd’hui il est encore possible pour vous de recruter des enseignants et des personnels sur un marché de l’emploi qu’on sait très tendu ?
A. D : Notre modèle attire des enseignants habités par notre projet et un vrai engagement collectif. Sans oublier des perspectives de mobilité internationale pour construire un modèle pédagogique différent.
O. R : Ce que vous appelez le « parcours ouvert » – dès le bac, en six ans dont le cycle ingénieur – est au cœur de votre développement. Comment ce parcours est-il organisé ?
A. D : Le « parcours ouvert » porte une grande partie de notre développement. Il connait un succès important en France comme à l’international car il correspond avec pertinence à ce que va être une carrière d’ingénieur avec à la fois beaucoup de mises en situation autour de problématiques industrielles, un projet multiculturel, un passage international et des cours en anglais. Nous recevons de nombreuses sollicitations des universités jésuites dans le monde entier, tout récemment au Mexique et en Uruguay, pour en étudier la pertinence de nouveaux déploiements.
C’est un parcours centré sur une approche par compétences des étudiants plutôt que des validations traditionnelles. Les approches problème et projet sont au cœur de la pédagogie. En première année ils doivent ainsi construire un drone et acquérir au travers de ce projet les compétences nécessaires.
O. R : Le financement de l’apprentissage pose problème à beaucoup d’écoles avec le « coup de rabot » que promet France Compétences. Qu’en est-il pour l’Icam ?
A. D : Nos niveaux de prise en charge restent globalement inchangés à 9 000€ par étudiant et par an ce qui est proches des coûts de scolarité de notre parcours intégré. Il y a trente ans que nous délivrons des diplômes en apprentissage qui représentent la moitié de nos promotions. Nous diplômons ainsi chaque année de l’ordre de 350 apprentis.
Si nous avions dû subir une baisse de nos financements nous aurions pu imaginer de demander aux entreprises de participer au « reste à charge » mais ce n’est finalement pas nécessaire.
O. R : Avec maintenant sept campus en France, on imagine que la gestion des bâtiments est une vraie priorité pour l’Icam ?
A. D : Nous avons réalisé des investissements importants ces dernières années qui culmineront ces prochaines années par la rénovation de notre campus de Lille, pour lequel notre fondation (la Fondation Féron Vrau), qui est propriétaire du foncier (près de 17000 m2), va investir 35 millions d’euros d’ici 2024. Une fois cette rénovation terminée, notre parc immobilier sera en grande majorité à jour. Nous venons par exemple de doubler la taille de notre campus de Grand Paris Sud (ex Icam Paris Sénart) avec le concours de l’agglomération Grand Paris Sud.
O. R : Quelles sont aujourd’hui le priorités pédagogiques de l’Icam ?
A. D : A l’issue d’un processus collectif de notre plan stratégique mené avec tout l’écosystème de l’école – étudiants, professeurs, alumni, entreprises, etc. – nous avons défini trois grands axes avec, pour toile de fond, « l’écologie intégrale ». Dans ce cadre nous avons particulièrement veillé à retravailler nos formations pour intégrer les enjeux de développement durable pour lesquels chacun de nos étudiants recevra un enseignement d’environ 150 heures sur les questions écologiques.
Nous avons également établi un bilan carbone de chacun de nos campus de manière exhaustive. C’est-à-dire notamment en visualisant le parcours de chacun de nos collaborateurs et les impacts de nos achats fournisseurs. Nous allons développer nos expertises en la matière pour obtenir des labels, voire développer nos propres méthodes pour pouvoir les partager avec nos partenaires qui veulent établir des bilans carbone.
Certains de nos campus adhérent déjà aux accords de Grenoble mais nous entendons aller plus loin en allant chercher la labellisation développement durable et responsabilité sociétale (DDRS) en 2024 et même pourquoi pas la norme Iso 14001 le jour où sa déclinaison sera pertinente pour l’enseignement supérieur.
Enfin nous allons optimiser le brassage de nos étudiants internationaux sans obérer notre développement international. Aujourd’hui nous constatons déjà que nos étudiants privilégient de plus en plus les modes de déplacement doux, et en Europe. Ils ont une vraie conscience écologique que nous entendons encore développer dans le cadre de nos projets ERD (expérience / relecture / discernement).
O. R : Tout cela en gardant ce que vous appelez une « taille humaine » ?
A. D : Nos promotions doivent rester à taille humaine, c’est-à-dire ne pas dépasser une centaine de diplômés par campus et par parcours. C’est un « supplément d’âme » auquel nous tenons beaucoup et qui commence par un début de parcours en résidence sur nos campus qui donnent un esprit de promotion très fort.
De même nos écoles de production, destinées aux décrocheurs du secondaire et menant à des CAP sur des métiers de l’industrie en tension – permettent une grande mixité sociale sur nos campus. Nous avons en effet voulu institutionnaliser les échanges entre nos élèves en classes préparatoires intégrées et en cycle ingénieurs avec les élèves de ces écoles.
Nous regrettons juste de ne pas dépasser les 25% de jeunes femmes. D’autant que la réforme du bac en conduit beaucoup à abandonner les mathématiques. Heureusement notre parcours ouvert permet de recruter des profils plus larges.