Administrateur général du groupe Grenoble INP, présidente du tout nouveau Groupe INP, d’Allistene (alliance de recherche dédiée aux sciences et technologies du numérique) et de l’Association des femmes dirigeantes de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, Brigitte Plateau est aujourd’hui l’une des femmes les plus puissantes de l’enseignement supérieur français. Mais aussi une scientifique qui veut montrer la voie à des jeunes filles encore trop réticentes aujourd’hui à se diriger vers les sciences et les technologies.
Olivier Rollot : Vous venez de créer le Groupe INP qui regroupe les quatre INP (Bordeaux, Grenoble, Lorraine et Toulouse), c’est-à-dire 20 900 étudiants, 30 grandes écoles d’ingénieurs et 99 laboratoires de recherche. Vous aviez déjà beaucoup de liens entre vous, pourquoi aller plus loin aujourd’hui ?
Brigitte Plateau : Nous travaillons effectivement ensemble depuis 45 ans mais sans jamais aborder vraiment le travail sur notre marque commune. La création du Groupe INP correspond à ce besoin de faire connaître notre spécificité et tout ce que nous avons en commun. Les INP sont tous des ensembles d’écoles d’ingénieurs dont les enseignants-chercheurs travaillent comme dans les universités, partageant leur temps entre formation et recherche.
O. R : Mais vos logos restent assez différents.
B. P : Celui de Toulouse est assez différent mais, si vous regardez les trois autres, vous verrez qu’ils ont une identité graphique commune : l’arc en ciel interprété de différentes façons.
O. R : Sur quels sujets allez-vous principalement travailler ensemble ?
B. P : La marque, je l’ai dit, mais aussi la communication. Avec les futurs candidats, en nous focalisant sur le Concours commun polytechnique, par le biais duquel nous recrutons la majorité de nos élèves issus de prépas, mais aussi notre propre système de prépa, la Prépa des INP, et les recrutements sur titre. Nous voulons montrer à tous les candidats que nous sommes un groupe avec des possibilités de passerelles entre les écoles.
Le Groupe INP a aussi vocation à être un interlocuteur de partenaires industriels et institutionnels. Nous avons ainsi créé un partenariat commun à tous les INP avec CEA Tech, l’accélérateur d’innovation du CEA, et nous travaillons à un accord global avec des universités américaines. Dernier sujet : les problématiques de mécénat..
O. R : Beaucoup de réseaux se constituent ou se renforcent aujourd’hui, notamment dans les écoles d’ingénieurs avec le réseau des Écoles centrale ou celui des Insa. Ces réseaux nationaux ne sont-ils pas antinomiques avec la logique des Comue (communautés d’universités et d’établissements) fondées sur des territoires ?
B. P : A l’instar des autres sites, et en nous réunissant sur un site géographique, la Comue Université Grenoble Alpes (UGA) nous donnera plus de visibilité, notamment à l’international puisque tous ses membres ont accepté une signature commune des articles de recherche. En tant qu’« engineering institute » d’UGA nous pourrons ainsi progresser dans les classements comme celui de Shangaï où l’Université Joseph Fourier est déjà classée 99ème.
Mais la Comue est aussi un outil indispensable pour répondre à des appels d’offre, comme les initiatives d’excellence (Idex), ou pour négocier les contrats de projet État-région (CPER). Ce que nous demandons à la Comue c’est de faire ce que nous ne pouvons pas faire tout seuls au plan des sites géographiques et de créer un marque internationale. Cela n’a rien d’antinomique avec un réseau d’écoles d’ingénieurs, dont nous attendons un impact plus national.
O. R : Parlons un peu de votre INP. Beaucoup considèrent que Grenoble est un modèle pour l’université française. Pourquoi ?
B. P : Grenoble a beaucoup d’atouts dont celui de concentrer beaucoup d’établissements d’enseignement supérieur et d’entreprises dans un environnement resserré. Il y aussi une tradition de liens étroits entre les universités et les grandes écoles d’un côté, le monde industriel de l’autre. Grenoble INP a été créé par la volonté des industriels.
O. R : Tout le monde parle de pédagogie aujourd’hui et on cite souvent Grenoble INP pour la qualité de ses innovations en la matière.
B. P : Il y a effectivement longtemps que nous avons une équipe au service des innovations de l’enseignement appelée PerForm. Aujourd’hui nous allons pouvoir travailler avec les autres membres de la Comue. Il y a aujourd’hui un vrai besoin pédagogique. Il y a quarante ans nous étions tous très bien formatés pour suivre un enseignement traditionnel, assis sur nos chaises à écouter sagement. Aujourd’hui avec la massification de l’enseignement supérieur les élèves de ce type ne sont plus que 30%. Ce sont 70% qu’il faut traiter différemment.
Parce que nous sélectionnons nos étudiants c’est sans doute moins vrai dans les INP. Mais nous voulons aussi former des élèves plus autonomes et créatifs, avec de la mixité culturelle, des compétences qu’on n’acquiert pas avec les modalités traditionnelles. Le tout dans un environnement où nos étudiants sont habitués à tout trouver sur Internet.
O. R : Vous investissez également dans les MOOCs (massive open online courses, ces cours gratuits et en ligne), et le premier, intitulé Des rivières et des hommes, vient de démarrer. Qu’en attendez-vous ?
B. P : La Comue UGA a aussi reçu un financement de 500 000€ pour nous aider à créer un espace de créations de MOOCs [massive open online courses] et nous allons candidater pour le prochain appel à projet Idefi numérique. Pour ce premier MOOC, nous avons de l’ordre de 3000 inscrits dans une thématique qui n’est pas totalement grand public. Combien serons assidus jusqu’au bout ? 200, 300 ? De toute façon ce sera déjà un premier bon résultat pour un MOOC dont nous sommes pilotes et qui associe des partenaires francophones en Belgique et au Vietnam. Une approche à la fois pluriculturelle et pluridisciplinaire, donc emblématique de notre projet d’établissement. D’autres MOOCs sont en projet.