Olivier Rollot : L’Isat (Institut supérieur de l’automobile et des transports) de Nevers que vous dirigez est la seule école publique d’ingénieurs spécialisée dans les métiers de l’automobile et des transports. De quand date votre création ?
Luis Le Moyne : En même temps que le circuit de Magny-Cours et la technopole ; nous sommes nés en 1991 de la volonté de Pierre Bérégovoy et François Mitterrand de faire naître un pôle automobile sur le territoire. Aujourd’hui les étudiants nous rejoignent de toute la France pour y obtenir un diplôme d’ingénieur en automobile mais aussi transport ferroviaire et aéronautique. Nos promotions sont aujourd’hui de 130 à 150 étudiants par an, soit en tout 650 étudiants, et nous allons en recevoir 1000 en 2020.
O. R : On recherche tant d’ingénieurs dans les transports ?
L. L-M : L’automobile est un secteur très concentré mais avec énormément de sous-traitants et une mondialisation qui fait qu’il n’y a pas de crise dans la recherche et le développement à l’international. Aujourd’hui 20% de nos diplômés s’expatrient. Quant à l’aéronautique, elle recherche aussi des compétences différentes de celles auxquelles préparent Sup Aero ou les écoles très spécialisées.
O. R : Vous lancez à la rentrée 2051 une nouvelle spécialisation «infrastructures et réseaux de transport». Que va-t-elle apporter à vos étudiants ?
L. L-M : Aujourd’hui aucun professionnel n’est formé au lien entre les infrastructures et le matériel. Qui peut comprendre à la fois les impératifs d’exploitation d’une autoroute et d’une automobile ? L’objectif est de former des cadres de maintenance des équipements d’infrastructures et de réseaux (maintenance prédictive, gestion de trafic, accidentologie…). Entre 50 et 70 nouveaux étudiants devraient s’y inscrire chaque année et nous espérons que beaucoup seront des filles, qui ne représentent aujourd’hui que 7% de nos effectifs.
Il faut apprendre à échanger entre les véhicules et les routes en toute sécurité. Si on lance sur les autoroutes des véhicules automatiques qui se repèrent sur les lignes blanches il faut garantir qu’elles sont partout bien dessinées ! Ce sera sans doute beaucoup plus difficile dans les villes mais il faut commencer par les trajets les plus stratégiques : 60 à 70% des émissions polluantes viennent des poids-lourds sur nos autoroutes, comment les réduire en rendant la conduite plus efficace. Voire en inventant des autoroutes électriques avec des caténaires comme certains y songent…
O. R : La propulsion électrique, cela passionne vraiment vos étudiants ?
L. L-M : Au départ ils réfléchissent plutôt en termes de piston et de moteurs V12 mais la moitié de leurs projets concerne aujourd’hui la voiture électrique sur des concours internationaux comme le Formula Student auquel nous sommes la seule école française à participer.