CentraleSupélec, Kedge, emlyon, Skema, Ipag, Neoma… très nombreuses sont les écoles de management françaises à s’être implantées en Chine où sont également installés sept instituts franco-chinois de coopération universitaires dans lesquels sont impliquées de nombreuses universités françaises. Parmi les pionnières, l’Essca fêtait cette année les 10 ans de son implantation à Shanghai. L’occasion de revenir sur un « eldorado éducatif » toujours porteur qu’il s’agisse de s’y installer, d’y envoyer des étudiants, d’en recevoir ou ensuite de les aider à y travailler.
Les instituts franco-chinois : la « patte » française
Sept instituts franco-chinois de coopération universitaires (IFC) constituent la manifestation la plus éclatante de la volonté des autorités françaises et chinoises de développer ensemble l’enseignement supérieur. Situés à Pékin, Shanghai ou encore Tianjin, ils réunissent les compétences d’universités et grande écoles françaises et d’une université chinoise comme par exemple au sein de l’Institut franco-chinois de l’énergie nucléaire monté par Grenoble INP, les Mines de Nantes, Chimie Montpellier, Chimie ParisTech et le CEA avec l’université Sun Yat-Sen de Zhuhai (au sud-est de la Chine). « Ce sont les 0,1% des meilleurs étudiants chinois qui peuvent intégrer nos IFC. Ils viennent notamment y chercher une formation d’ingénieur à la française très reconnue ici », explique Axel Cruau, le consul général de France à Shanghai (photo : sa réception de l’équipe de l’Essca). Six des sept IFC sont en effet tournés vers les sciences, seul l’IFC de l’université de Renmin, monté par les universités Paul-Valéry de Montpellier, Paris-Sorbonne et Kedge BS, étant de son côté spécialisé en finance.
Les étudiants chinois inscrits dans les IFC viennent y chercher la promesse de belles carrières pour lesquelles la possession d’un double diplôme étranger est de plus en plus nécessaire. « Les IFC sont également perçus comme une porte d’entrée vers l’Union européenne et le continent africain », commente le diplomate pour lequel « les relations éducatives sont essentielles pour développer les relations entre les peuples tout en constituant un enjeu économique majeur ». Plus de 30 000 des quelques 712 000 étudiants chinois qui étaient en mobilité en 2013 avaient choisi la France, leur cinquième destination après les Etats-Unis, le Japon, l’Australie et le Royaume-Uni.
S’implanter en Chine : l’exemple de l’Essca
Quand elle venue en Chine il y a dix ans, l’Essca a choisi la ville la plus ouverte, Shanghai, et s’est installée à quelques pas des Champs-Elysées locaux qu’est le « Bund », la grande artère locale qui longe le fleuve et fait face aux célèbres tours de Pudong. Mais elle a aussi pris la précaution de s’appuyer sur l’expertise de Christophe Rouillon, lui-même créateur d’une école de management en Chine en 2002 et qui dirige aujourd’hui le campus de l’Essca : « Au début je voulais recevoir des étudiants chinois mais cela s’est vite révélé très difficile. J’ai donc accueilli des étudiants français puis l’Essca m’a proposé de me confier son campus et nous travaillons ensemble depuis maintenant dix ans ». Ses atouts : parler parfaitement le chinois – rencontrée à l’université en France, sa femme est chinoise – et maîtriser les arcanes de l’enseignement supérieur local tout en y délivrant l’enseignement de l’Essca. « Avec nos campus de Shanghai et Budapest, nous avons une bonne expérience du déploiement multi-campus. Nous savons dupliquer des contenus tout en conservant la qualité. Nous savons aussi faire vivre l’ambiance Essca sur tous nos sites », commente la directrice générale du groupe, Catherine Leblanc.
Aujourd’hui dans un immeuble de 1200 m2 – pollution oblige, toutes les salles sont équipées de filtres à particules – où on trouve également l’Alliance française, l’Essca reçoit chaque année 250 étudiants des trois dernières années de son cursus mais aussi d’universités partenaires qui suivent des cours entièrement en anglais. Tous sont d’abord là pour comprendre la culture d’un pays aussi différent que possible de la France. « Nous sommes allés sur un marché de rue pour apprendre à négocier », se félicite par exemple Laurenn quand Etienne compte également sur les colocataires chinois qu’ont pratiquement tous les étudiants pour progresser dans la culture et la langue. « J’étais très fier de pouvoir récupérer mes chemises chez le teinturier », confie-t-il alors que son objectif est d’obtenir le premier niveau (il en compte six) du test officiel de mandarin du gouvernement chinois le HSK. « Mais il ne faut pas se faire d’illusion, le chinois est extrêmement difficile à apprendre et je suis déjà contente de pouvoir commander un taxi et à déjeuner », assure Inès Muselli, qui n’en va pas moins rester travailler à Shanghai à la fin de sa 5ème année pour importer des spiritueux allemands dans des grands hôtels chinois, où on parle anglais. « Ici soit on travaille, soit on apprend le chinois », commente Augustin Missoffe, un entrepreneur français expatrié en Chine depuis déjà plusieurs années.
Des études et après ?
S’il est relativement facile de venir étudier en Chine pour peu qu’on soit dans un cursus adapté, il est devenu très difficile d’y effectuer un stage depuis 2013. Un accord dit des « 1000 stagiaires » a bien été signé avec les autorités centrales mais il est diversement apprécié par des autorités locales qui appliquent clairement des règles protectionnistes pour favoriser les étudiants chinois. Il reste donc aujourd’hui extrêmement difficile d’obtenir un stage en Chine de France, ce qui n’est pas le cas pour les étudiants français déjà présents en Chine dans le cadre de leurs études.
Parmi tous ces étudiants et stagiaires nombreux sont ceux à tenter leur chance en Chine. « Avec le ralentissement économique, nous constatons que leur nombre baisse sensiblement mais nous avons toujours de l’ordre de 20 000 expatriés français à Shanghai », commente le consul. Les entreprises françaises du numérique sont par exemple tellement nombreuses à Shanghai qu’elles viennent même d’être « FrenchTech ». En Asie depuis 1998 et en Chine depuis 2008, Pascal Duriez y a ainsi créé NetBooster, une entreprise spécialisée dans le conseil en marketing digital. « Aujourd’hui on trouve facilement des capitaux et les démarches administratives vont très vite quand il fallait un an il y a dix ans encore », explique-t-il, se félicitant également qu’il ne « faille plus forcément avoir aujourd’hui un partenaire local pour monter son entreprise ». Pour autant le lancement de son entreprise n’a pas été un long fleuve tranquille : « Je me suis magistralement planté au départ et il m’a fallu deux ans pour comprendre l’approche commerciale alors même que nous sommes excellents en marketing digital ». Mais maintenant son entreprise est prospère…