Non classé, POLITIQUE DE L'ENSEIGNEMENT SUPERIEUR

A-t-on encore les moyens de faire de la recherche en période de crise ?

En 2009, et pour la première fois depuis vingt ans, les dépenses de recherche ont baissé dans les pays de l’OCDE. Certes avec – 1,6 % en volume, le recul a été plutôt modéré mais le symbole est fort comme le rappelle le Centre d’analyse stratégique dans sa note « L’évolution récente des systèmes de recherche » parue en avril. Cette étude montre également que la France fait partie des rares pays qui ont accru leurs efforts (+ 1,9 % en 2008 et + 3,5 % en 2009) quand le Japon chutait (- 8,6 %) et que les États-Unis restaient dans la moyenne de l’OCDE (- 1,6 %). Des États-Unis qui représentent toujours à eux seuls 40 % des dépenses totales de la zone OCDE en R & D (plus de 402 milliards de dollars en 2009 sur des dépenses mondiales estimées à 1 276 milliards).

Une baisse après un véritable effort en matière de R & D

Ces baisses interviennent il après des années de hausse qui avaient vu les investissements des pays de l’OCDE dans la R & D doubler en dix ans (à prix courant) pour atteindre en 2010 près de 1 300 milliards de dollars (en parité de pouvoir d’achat). Cela tant dans le public que dans le privé car, comme le note le Centre d’analyse stratégique « à l’exception des périodes 1991-1993 et 2001-2005, la croissance des activités de recherche dans la zone OCDE financées par les entreprises a été supérieure à celle du PIB ».

Toujours en 2008, l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) a enregistré un recul de 5% du taux de croissance du nombre de dépôts de brevets « PCT » (1) (+2,1% en 2008 contre une moyenne de 7% les années précédentes). Alors que la baisse est particulièrement forte aux États-Unis (- 16 %) ou, en Allemagne (- 9 %), la hausse est tout aussi spectaculaire en Chine plus de 40 % sur la période 2007-2009). La France (+ 10 %), le Japon (+ 7,4 %) et la Corée (+ 13 %) sont parmi les rares autres pays à progresser également.

Si l’effort de la Chine est spectaculaire – le ratio des dépenses de recherche (DIRD) rapportées au PIB a presque doublé en dix ans, passant de 0,9 % en 2000 à 1,7 % en 2009 – il n’en reste pas moins encore loin de la moyenne de l’OCDE, qui s’établit, malgré la crise, à 2,4 %. Au total l’investissement de la Chine représente un peu plus d’un tiers de celui des États-Unis avec près de 1,5 million de chercheurs, soit l’équivalent aujourd’hui des États-Unis et de l’Union européenne. Mais rapporté à leur poids parmi les actifs, il demeure très faible avec deux chercheurs pour mille actifs, soit une proportion près de quatre fois inférieure à celle de la France.

 

Source : Centre d'analyse stratégique

 

Une remontée depuis 2010

Après la baisse de 2008-2009, les dépenses en R & D de plupart des pays sont reparties à la hausse en 2010 (+3,6% en Allemagne, +1,4% en France, etc.) avec une mention spéciale pour la Corée du Sud (+11,5% et au total +60% depuis 2005). À l’autre extrémité, les dépenses continuaient à baisser au Canada (- 3,4%) et au Royaume-Uni (-3,1%). Comme l’explique le Centre d’analyse stratégique (CAS) dans sa note, « les analyses économiques des cycles d’affaires considèrent que les périodes de récession incitent les entreprises à innover davantage et à se tourner vers de nouveaux marchés ».

Oui mais encore faut-il en avoir les moyens. Le CAS note en effet que « la crise de la dette des États qui a suivi la crise financière de 2008 pourrait contraindre les entreprises à abandonner des projets de moyen et long termes, car jugés plus risqués et plus coûteux ». De plus le développement des jeunes entreprises innovantes pourrait être freiné faute de financements suffisants par le marché et les banques. Et le Centre d’analyse stratégique de conclure dans sa note que « durant les années à venir, la France gagnerait à poursuivre ces orientations incitatives en améliorant l’articulation entre les différents niveaux de soutien public (national, européen et régional) et en mobilisant davantage, au-delà de la politique de la recherche et de l’innovation, les autres politiques publiques (politique industrielle, politique de la concurrence, politique commerciale “stratégique”, politique d’éducation, marchés publics, etc.) »

Quel avenir pour l’ANR et l’Aeres ?

Au-delà, c’est  le pilotage même de la recherche française par l’Agence nationale de la recherche (ANR) depuis 2005 qui fait débat. Dans un entretien à l’Aef (avril 2012), Vincent Peillon, le responsable de l’éducation dans l’équipe de François Hollande, estimait ainsi que « le balancier était allé trop loin en faveur des crédits octroyés sur projets, au détriment des crédits récurrents ». Pour autant, il ne se déclarait « pas hostile à toute idée de recherche sur projets », et indiquait ne pas vouloir supprimer l’ANR tout en indiquant que « son recentrage sur certaines missions spécifiques était est indispensable ».

Si l’existence de l’ANR ne semble donc pas remise en cause, celle de l’Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (Aeres) est beaucoup plus problématique. « Nombreux sont les chercheurs – y compris parmi les meilleurs – pour qui l’évaluation, telle qu’elle est faite par l’Aeres, pose problème », estime ainsi encore le probable futur ministre de l’Éducation et de l’enseignement supérieur d’un François Hollande président avant de constater qu’il n’était « pas possible de faire progresser les chercheurs et les unités de recherche avec un système d’évaluation qui n’est pas reconnu par la communauté ». Ce seront des thèmes importants à traiter dans le cadre des grandes assises de l’Éducation que compte organiser Vincent Peillon et qui vont influer pour longtemps sur le paysage de la recherche en France.

Olivier Rollot (@O_Rollot)

(1)   Les brevets PCT sont ceux pour lesquels une demande dans un seul pays produit des effets dans les 142 pays liés par traité.

COMMENT SONT CALCULÉES LES DÉPENSES DE R&D

La dépense intérieure de recherche et développement (dIRd) correspond aux travaux de recherche et développement exécutés sur le territoire national quelle que soit l’origine des financements. Une partie est exécutée par les administrations : dépense intérieure de recherche et développement des administrations (dIRdA), l’autre par les entreprises : dépense intérieure de recherche et développement des entreprises (dIRde).

Elle comprend les dépenses courantes (masse salariale des personnels de R & D et dépenses de fonctionnement) et les dépenses en capital (achat d’équipements nécessaires à la réalisation des travaux internes à la R & D et opérations immobilières réalisées dans l’année). Elle intègre les activités de recherche financées par les programmes européens.

La dépense nationale de recherche et développement (dNRd) mesure, sans double compte, l’effort financier des acteurs économiques nationaux quelle que soit la destination des financements. L’écart entre le montant de la dépense intérieure de recherche et développement et celui de la dépense nationale de recherche et développement représente le solde des échanges en matière de recherche et développement entre la France et l’étranger, y compris les organisations internationales.

Source : Centre d’analyse stratégique

A lire aussi : Le rapport d’auto-évaluation de l’Agence nationale de la recherche (février 2012)

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Olivier Rollot est directeur du pôle Information & Data de HEADway Advisory depuis 2012. Il est rédacteur en chef de "l’Essentiel du Sup" (newsletter hebdomadaire), de "l’Essentiel Prépas" (webzine mensuel) et de "Espace Prépas". Ancien directeur de la rédaction de l’Etudiant, ancien rédacteur en chef du Monde Etudiant, Olivier Rollot est également l'un des experts français de la Génération Y à laquelle il a consacré un livre : "La Génération Y" (PUF, 2012).

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