ECOLES DE MANAGEMENT, PERSONNALITES, PROGRAMMES

« Audencia ambitionne d’être une business school meilleure pour le monde ! »: entretien avec son directeur, Christophe Germain

Deux ans après avoir pris la direction d’Audencia, Christophe Germain présente avec des équipes plus que jamais investies un nouveau plan stratégique. Ambitieux en termes de développement, il se veut également ouvert sur les nouvelles problématiques que doivent affronter les business schools.

Olivier Rollot : Un nouveau plan stratégique, c’est toujours un événement majeur pour une école comme pour toute entreprise. Comment Audencia a-t-elle préparé son plan « ECOS 2025 » ?

Christophe Germain : C’est un processus qui a démarré en mai 2020 en invitant tous nos parties prenantes à réfléchir à un retour aux racines d’Audencia, à son ADN, à son identité et à la façon dont l’école devait œuvrer pour le bien commun de la société. Pour cela, nous avons déployé trois dispositifs à destination de nos parties prenantes (étudiants, diplômés, professeurs, entreprises, etc.) : une boite à idées, des groupes thématiques et surtout un dispositif d’incubation similaire à ceux que nous mobilisons pour encadrer les projets entrepreneuriaux des étudiants.  L’ensemble du dispositif a été encadré par une équipe interne.

Il est ressorti des contributions et projets proposés qu’Audencia devait s’engager au travers de son nouveau plan stratégique à avoir un impact sur les trois défis majeurs suivants :

  • la création et l’utilisation de technologies et d’information responsables ;
  • la définition et l’adoption d’approches managériales favorisant des organisations et des sociétés inclusives ;
  • la conception et la mise en œuvre de modèles d’affaires et de développements soutenables (en phase, notamment, avec les objectifs de neutralité carbone).

Audencia entend ainsi être un acteur majeur et leader de la transformation vertueuse des individus, des organisations et de la société. En résumé, Audencia n’ambitionne pas d’être la meilleure business school du monde mais d’être une business school meilleure pour le monde !

Une proximité avec Centrale Nantes qui amène beaucoup de projets communs entre les deux grandes écoles

O. R : Quelles formes va maintenant prendre votre plan stratégique ?

C. G : Nous avons défini quatre grands axes de mise en œuvre. Le premier réside dans la création d’une école dédiée à la transition écologique et sociale : Gaïa. Ce sera une école immersive au sein de laquelle tous les étudiants d’Audencia effectueront des étapes de leur cursus pour acquérir des compétences en développement durable et en transition écologique et sociale. Elle possédera son bâtiment propre, son incubateur et son catalogue de formations dans tous les domaines. Un étudiant de notre programme Grande école devra par exemple y suivre des modules de formation sur les basiques liés aux sujets de l’alimentation, de l’agriculture, de l’écologie, des équilibres sociaux ou encore de l’urbanisme, puis des enseignements en lien avec sa spécialisation. De plus, une série de cours et d’activités gratuites seront ouverts à tous, pour permettre à tous ceux qui se sentent concernés par les grands enjeux contemporains de se former, ou de se reconvertir. Gaïa est une école qui se veut invasive, dans le bon sens du terme, pour irriguer l’ensemble de nos activités. Pour l’instant, elle n’a pas vocation à délivrer des diplômes mais cela peut évoluer dans les cinq ans à venir.

Notre deuxième axe est de renforcer et d’augmenter l’hybridation des compétences chez nos étudiants. L’étudiant d’Audencia de demain, « l’Homo Audenciens » devra posséder trois types de compétences : des compétences sociétales, des compétences professionnelles et des compétences comportementales validées par un passeport keys. Depuis 10 ans grâce à l’Alliance avec Centrale Nantes et l’ensa, nous avons été des pionniers dans ce domaine comme le prouve le lancement de notre nouveau BBA Big Data & Management délivré avec Centrale Nantes qui est le premier programme en France qui a obtenu la double reconnaissance (visa et grade) de la Commission des titres d’ingénieur (CTI) et de la Cefdg (Commission d’évaluation des formations et diplômes de gestion). Pour renforcer l’hybridation, nous allons réformer nos programmes existants pour y intégrer des enseignements relatifs à l’intelligence artificielle (IA), les data et l’information responsable.

Audencia proposera par ailleurs des parcours doubles compétences à l’international. Pour leur séjour à l’étranger, les étudiants pourront par exemple suivre un semestre dans une école de gastronomie à Florence, suivre des cours dans une école de gaming aux Pays Bas ou bien dans une école de diplomatie à Washington, etc. Nous avons pour ce faire déjà signé 10 accords de partenariats dans des domaines très variés.

Le passeport KeyS évoqué précédemment (Know and Engage for Your Success and Society) est un ensemble de dispositifs qui permettra aux étudiants de définir, valider et développer son parcours et son projet professionnel tout au long de son parcours. Il intègre notamment le passeport citoyen – véritable document d’identité validant le parcours de l’étudiant – ou encore l’oral citoyen – grand oral de sortie au cours duquel l’étudiant doit démontrer son appartenance à la communauté des « Homo Audenciens ».

O. R : Quels sont les deux autres axes de votre plan stratégique ?

C. G : Troisième axe : notre développement doit se faire au service d’un impact renforcé. Nous allons lancer vingt nouveaux programmes en cinq ans. Nous créons un CFA (centre de formation d’apprentis) pour développer l’apprentissage. A Paris intra-muros, nous allons ouvrir un nouveau campus de 6000 à 7000 m2 pour y accueillir 2000 étudiants issus de toutes nos formations, dont les étudiants du programme Grande école qui seront en apprentissage. A l’international, sur le modèle de ce que nous avons déjà développé en Chine, à Shenzhen, avec SABS (Shenzhen Audencia Business School), nous lançons un campus au Brésil, à São Paulo, avec la FECAP (Fundação Escola de Comércio Álvares Penteado), une institution experte en agribusiness dont nous sommes déjà partenaires. Nous prévoyons aussi une nouvelle implantation en Chine et le développement de nos activités à Shenzhen.

O. R : Votre modèle de développement à l’international, ce sont les alliances avec des acteurs locaux ?

C. G : Nous pensons qu’il est préférable de partager des expertises avec des partenaires que de tout développer par soi-même. Au Brésil, nous allons nous développer comme à Shenzhen en conjuguant la force d’un acteur local bien implanté et d’une école triplement accréditée.

De plus, cette année, nos programmes de formation en Chine ont été assurés. Nous avons pu accueillir sur nos campus chinois des étudiants internationaux qui ne pouvaient pas venir en France. En complément des cohortes d’étudiants internationaux qui viennent se former en France, nous investissons donc localement là où sont les marchés.

O. R : Tous ces développements vont-ils profondément modifier le périmètre d’Audencia ?

C. G : Pour pouvoir avoir un impact sur les 3 défis qui ont été cités il est indispensable d’avoir des perspectives de développement ambitieuses. L’objectif à cinq ans est ainsi de passer de 55 à 100 M€ de budget, de 6500 à 10 000 étudiants, de 390 à 600 collaborateurs ou encore de tripler le nombre de nos étudiants internationaux formés sur nos campus à l’étranger. Le volume de notre formation continue doit doubler, en commençant par le lancement de notre EMBA au Maroc et à Dakar dès 2021.

Mais nous voulons également faire progresser de 18 à 25% le pourcentage de nos étudiants boursiers avec deux dispositifs. Nous créons à cet effet une formation propédeutique d’un an accessible aux bacheliers professionnels pour les amener vers notre bachelor en trois ans. Nous allons également profiter de l’expérience acquise dans le cadre de BRIO, notre dispositif qui a accompagné depuis 15 ans plus de 1500 lycéens issus de milieux défavorisés vers des études supérieures, pour lancer un dispositif similaire orienté vers l’intégration de ce même programme bachelor en trois ans ! Dans ce cadre, notre objectif est d’accompagner 120 lycéens chaque année soutenus et tutorés par nos étudiants et des membres de notre communauté.

O. R : Allez-vous vous réorganiser pour gérer tous ces développements ?

C. G : C’est notre quatrième axe : un nouvel alignement organisationnel. Nous allons mettre en place un nouvel outil de pilotage de la performance conçu par la chaire Performance Globale Multi-Capitaux de l’école. En parallèle, l’implication de nos parties prenantes (étudiants, diplômés, entreprises partenaires…) dans l’ensemble des activités de l’école, sera mesurée, inscrite et valorisée au travers d’un dispositif technologique ouvert et transparent basé sur la blockchain, et élaboré par une start-up créée par Audencia, « Token for Good ». La contribution de chacun sera transformée en tokens, une forme de monnaie virtuelle. Un alumni pourra ainsi donner 20 h de son temps pour par exemple enseigner dans l’année de propédeutique et obtenir en retour des tokens pour suivre, par exemple, un programme de formation continue.

Nous allons également profondément faire évoluer nos activités académiques et de recherche avec la création de 3 centres d’excellence transversaux (« Information et Technologies responsables », « Organisations et Société inclusives » et « Modèles d’affaires et de développement soutenables » auxquels seront associés des chaires pour inciter nos professeurs à travailler encore davantage en synergie en encourager l’interdisciplinarité.

Enfin, nous allons amplifier la transformation digitale de l’école avec le déploiement la 5G privée, la mise à disposition d’une « calculette carbone » pour que chacun puisse s’évaluer régulièrement, et le lancement d’une plateforme d’Intelligence Artificielle afin de développer l’immersive learning. L’objectif est également de faire de tous nos campus des « smart campus » en intégrant, pour nos sites existants comme pour les constructions prévues, des solutions actives et passives de gestion énergétique, visant à optimiser la consommation, mais également à favoriser le confort et la sécurité des utilisateurs de nos espaces. A cela s’ajoutera une plateforme Internet des Objets.

O. R : Et pourquoi votre plan stratégique est-il baptisé « ECOS 2025 » ?

C. G : ECOS préfixe d’économie, d’écologie vient du grec ancien OIKOS qui signifie « la maisonnée ». Il peut aussi représenter la société dans son ensemble. Une maisonnée qui doit vivre dans une cohabitation harmonieuse, en respectant des équilibres pour pouvoir perdurer dans le temps. Une société inclusive qui sera actrice d’une transition vertueuse de la société.

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Olivier Rollot est directeur du pôle Information & Data de HEADway Advisory depuis 2012. Il est rédacteur en chef de "l’Essentiel du Sup" (newsletter hebdomadaire), de "l’Essentiel Prépas" (webzine mensuel) et de "Espace Prépas". Ancien directeur de la rédaction de l’Etudiant, ancien rédacteur en chef du Monde Etudiant, Olivier Rollot est également l'un des experts français de la Génération Y à laquelle il a consacré un livre : "La Génération Y" (PUF, 2012).

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