- Tout l’été nous vous proposons de retrouver des grands entretiens publiés sur ce blog en 2014-2015 et qui présentaient des stratégies d’établissements.
L’École des Mines de Nantes accueille chaque année plus de 1000 étudiants dans ses différentes formations et les encourage de plus en plus à créer leur propre entreprise. Rencontre avec Anne Beauval, la directrice d’une école membre de l’Institut Mines Télécom qui s’engage vers une fusion avec Télécom Bretagne à l’horizon 2017.
- Olivier Rollot (@O_Rollot) : Quelles sont les principales formations que dispense l’École des Mines de Nantes?
Anne Beauval : Nous proposons tout d’abord un diplôme d’ingénieur généraliste qui se porte très bien avec un recrutement en prépas en 2014 au-delà de nos espérances. Notre développement se poursuit avec la création d’un diplôme d’ingénieur en ingénierie logicielle. Ce nouveau diplôme, en répondant aux besoins de recrutement de la filière, correspond bien aux missions de l’école. Une première promotion d’une vingtaine d’étudiants a été diplômée fin 2014. Enfin, nos trois masters internationaux, entièrement dispensés en anglais, nous permettent d’être l’une des écoles qui reçoit le plus d’étudiants venus du monde entier. Cette année, ils sont 150.
O. R : D’où viennent vos étudiants ?
A. B : Pour le diplôme d’ingénieur, les étudiants viennent à 85% de prépas et 15% sont des admis sur titre (licence et 1ère année de master). Le diplôme d’ingénieur en ingénierie logicielle est, pour sa part, accessible après un BTS ou un DUT. En termes de provenance géographique, ils viennent dans les mêmes proportions d’Ile-de-France, du Grand Ouest et du reste de la France.
O. R : Vous allez également bientôt recruter en PACES (première année commune aux études de santé).
A. B : Oui, nous participons à une expérimentation que monte l’université d’Angers et qui permet aux étudiants qui ne réussissent pas les concours des études de santé (médecine, etc.), d’intégrer une licence « pluri-santé » qui pourra leur permettre, en troisième année de licence, d’intégrer une école d’ingénieurs. Nous espérons ainsi recruter cinq à dix étudiants par an à partir de 2017.
O. R : On dit que les étudiants veulent de plus en plus créer leur entreprise. Que faites-vous pour les y aider ?
A. B : Nous avons créé un incubateur en 2011 qui accompagne une dizaine de projets dont les deux tiers dans le numérique. Nous créons ainsi un contact entre nos laboratoires et le monde industriel qui permet d’aller jusqu’au transfert par la création d’entreprise. Mais il y a aussi un véritable intérêt pour nos étudiants à réaliser leur stage dans une entreprise incubée.
Nous travaillons sur ces dimensions avec l’École de Design de Nantes. Au final, 7 à 8% de nos diplômés créent une entreprise : pas forcément dès l’obtention de leur diplôme mais au cours de leur vie professionnelle. C’est d’ailleurs bien dans la culture des écoles sous tutelle du ministère de l’Industrie, comme la nôtre, d’accompagner les porteurs de projets de création d’entreprises technologiques innovantes, qui ont tous accès à notre incubateur.
O. R : Vous évoquez les stages. Que vous inspire leur nouvelle réglementation, nettement plus contraignante pour les grandes écoles ?
A. B : Elle n’a pas de sens ! Pourquoi mettre des bâtons dans les roues des écoles d’ingénieurs et des entreprises alors que les stages participent fortement de notre pédagogie et du caractère professionnalisant de nos formations. Avec un professeur pour huit élèves nous n’avons de toute façon pas de problème d’encadrement des stagiaires [la nouvelle loi prévoit qu’un responsable de stages dans une école ne peut pas encadrer plus de 16 stagiaires à la fois] et nous ne proposons pas non plus d’année de césure [prohibée par la loi mais de nouveau appelée à être autorisée selon François Hollande].
Il faut garder en tête que les stages et l’apprentissage sont les deux modalités d’un même objectif : former nos diplômés en connexion étroite avec le monde de l’entreprise. Nos étudiants ne suivent pas moins de 10,5 mois de stage en 3 ans.
O. R : On sait que le financement de l’État est plutôt en baisse pour les écoles d’ingénieurs. La taxe d’apprentissage baisse. Comment les Mines de Nantes se portent-elles financièrement ?
A. B : Nous faisons partie des écoles qui dégagent le plus de ressources propres. Elles représentent aujourd’hui 40% de notre budget de 30 millions d’euros, pour 60% provenant de l’État. Logique puisque l’école s’appuie notamment sur 6 à 7 millions de contrats de recherche. Depuis 2011, nous avons aussi développé nos chaires industrielles, aujourd’hui au nombre de trois, qui disposent chacune d’un financement d’1,5 million d’euros sur cinq ans. Pour ce qui concerne la taxe d’apprentissage, nous sommes une école jeune donc nous sommes peu concernés. Néanmoins, nous devrions perdre de 30 à 50% de la collecte actuelle.
Pour assurer notre financement, nous avons enfin été le premier groupe d’écoles d’ingénieurs à augmenter, en 2014, nos droits de scolarité, afin de disposer de moyens nécessaires pour une formation de qualité. Ils sont aujourd’hui respectivement de 1850€ par an (contre 850 € auparavant) et de 3850€ pour les étudiants non Européens. Cela n’a eu aucun effet sur notre recrutement.
O. R : Vos masters internationaux sont encore plus chers !
A. B : 16 000€ pour deux ans, mais c’est le coût moyen d’un master dit international en France. Nous y recevons 150 étudiants, soit 8 à 10% du nombre total d’étudiants venus en France dans le cadre de cette filière. Ce succès de nos masters internationaux, nous le devons à un positionnement déjà ancien. Nous avons lancé le premier dès 1998 ! Ils sont très axés sur la recherche et notamment sur le nucléaire, spécialité dans laquelle seuls ParisTech et Mines Nantes sont présents. Nous avons aussi la chance de posséder une UMR (unité mixte de recherche) « le laboratoire de physique subatomique et des technologies associées », avec l’université de Nantes et le CNRS, qui nous donne une grande légitimité dans ce domaine.