ECOLE D’INGÉNIEURS, ECOLES DE MANAGEMENT

Grandes écoles et diversité sociale : l’atout de l’apprentissage

Alors que le projet de loi « Pour la liberté de choisir son avenir professionnel » réformant l’apprentissage a été présenté la semaine dernière au Conseil des ministres, la Conférence des grandes écoles vient de mener une enquête pour étudier l’origine sociale des apprentis de ses écoles membres. Elle montre qu’il y a deux fois plus d’élèves ayant un parent appartenant à la catégorie « ouvriers » en apprentissage que dans le cursus classique. La proportion de jeunes avec un parent « employé » est 40% plus élevée dans les formations en apprentissage que dans les formations classiques. Enfin la proportion d’étudiants avec un parent issu de la CSP « cadres et professions intellectuelles supérieures » est de 11 points moins élevée dans le cursus par apprentissage que dans le cursus classique. « Si on continuait à le développer ce pourrait être un levier d’ouverture encore plus massif pour beaucoup de familles », assure la présidente de la CGE, Anne-Lucie Wack.

Bientôt 25% d’apprentis dans les Grande écoles. Aujourd’hui 15% des diplômés des Grande écoles (17% dans les écoles d’ingénieurs et 10% dans les écoles de management) le sont par la voie de l’apprentissage et l’objectif est de monter à 25% à horizon 2025. Les école d’ingénieurs sont particulièrement en pointe. Le nombre d’apprentis préparant un diplôme d’ingénieur a augmenté de 32% de 2011 à 2016 et a été multiplié par 2,3 en 10 ans. Les formations d’ingénieurs accueillent ainsi 42% des apprentis inscrits dans des formations de niveau I, qui préparent à un diplôme de niveau égal ou supérieur à bac+5.

 

Dans une école qui s’est particulièrement mobilisée sur le sujet comme l’Icam le pourcentage monte même à 40% des effectifs dans une filière dédiée. « Nos futurs étudiants en apprentissage passent par un BTS ou un DUT, dans des établissements avec lesquels nous sommes partenaires, quand ceux qui suivent le parcours « intégré » passent deux ans dans des classes préparatoires dédiées », explique le directeur de l’Icam, Jean-Michel Viot. S’ils déboursent 3100€ pour chacune de leurs deux premières années, la troisième est gratuite et les trois dernières rémunérées.

Si l’apprentissage est moins développé dans les école de management, ses effets financiers y sont encore plus spectaculaires. « Si on fait les comptes un étudiant en apprentissage ne paye d’abord que la moitié des frais de scolarité (l’autre moitié est prise en charge par son entreprise) soit 13200€ pour trois ans et est rémunéré en moyenne 1100€ net par mois, soit 26 400€ en deux ans », explique le directeur de l’ESC Pau, Sébastien Chantelot, dont 160 des 250 étudiants de chaque promotion suivent leur cursus en apprentissage.

Un véritable effort financier. Plus de la moitié des Grandes écoles ont aujourd’hui au moins 30% d’étudiants boursiers dans leurs rangs, contre à peine un tiers en 2010 selon la dernière édition du Baromètre d’ouverture sociale des grandes écoles réalisé par la Conférence des grandes écoles et l’association Passeport Avenir. Des chiffres qui seraient encore bien supérieurs si le nombre apprentis (non éligibles aux bourses Crous en raison de leur statut salarié), dont bon nombre sont issus de milieu populaire, était pris en compte. Dans une université très élitiste comme Paris-Dauphine le nombre d’apprentis s’élève par exemple à 1200 au niveau master.

Le Baromètre d’ouverture sociale de la CGE estime à 50 M€ par an le budget global consacré par l’ensemble des Grandes écoles ayant participé sous forme de programmes amont, aide au financement, personnels et moyens pédagogiques dédiés… Le budget dédié aux programmes d’ouverture sociale est ainsi en moyenne de 193 000 euros par établissement. En tout 15,2 M€ sont alloués au financement des bourses sur critères sociaux. Pour augmenter le nombre de jeunes issus de milieux populaires dans les filières sélectives de l’enseignement supérieur, les Grandes écoles ont fortement investi pour aller les chercher « à la source » dans les lycées et les collèges. L’ensemble des programmes proposés par les grandes écoles permettrait d’accompagner de façon régulière plus de 19 000 élèves de lycée à raison de 80 élèves en moyenne par programme, soit une progression de 140% depuis 2010.

Une école leader comme HEC propose un programme similaire mais directement en classe prépa « Chaque année, nous accompagnons avec nos élèves HEC 380 boursiers de prépas HEC et travaillons à ce que 100% d’entre eux soient admis dans l’une des écoles françaises. Et qu’importe si cela n’est pas HEC, à partir du moment où nous leur avons donné la chance d’être admis dans une école bien plus prestigieuse que celle qu’ils espéraient intégrer à leur arrivée en classes prépa », se félicite le directeur délégué d’HEC, Eloic Peyrache. Demain, ce seront 380 lycéens issus de quartiers prioritaires qui seront également concernés avec l’ambition de les amener à 100% de mentions au bac

Aider les étudiants handicapés. L’accueil des étudiants handicapés est autant un enjeu dans l’enseignement supérieur que dans les entreprises qui sont soumises à des quotas dans leur recrutement mais n’ont pas pour autant l’intention de réserver ces emplois aux personnes peu diplômées. Un véritable enjeu pour l’enseignement supérieur qui doit mieux pouvoir recevoir les étudiants souffrant d’handicaps physiques mais aussi mentaux ou d’apprentissage. Des étudiants souffrant de troubles « DYS » (troubles spécifiques des apprentissages, sévères et durables, sans déficience sensorielle ou intellectuelle) peuvent ainsi être beaucoup mieux pris en compte à condition d’adopter les méthodes d’apprentissage.

La CGE et la FEDEEH (Fédération étudiante pour une dynamique études et emploi avec un handicap) ont signé en 2017 une convention de partenariat afin de favoriser l’inclusion des étudiants en situation de handicap. Dans ce cadre la CGE et la FEDEEH s’engagent mutuellement à agir autant en amont (pour favoriser la transition vers l’enseignement supérieur des handicapés à travers la communication autour des projets de tutorats étudiants) que pendant le cursus mais aussi après la diplomation en facilitant par exemple la diffusion d’informations et la participation des entreprises dans les travaux menés par la CGE dans le domaine du handicap. « Nous sommes très actifs avec un travail sur la création d’un « statut international des étudiants en situation de handicap » qui aidera notamment les étudiants handicapés qui doivent suivre un stage à l’étranger », confie encore Anne-Lucie Wack.

Femmes et hommes encore inégalement traités. Reste une égalité qui n’avance pas vite. Celle des diplômé(e)s vis à vis de leur salaire. Dans son Baromètre égalité femmes-hommes 2017, la Conférence des grandes écoles établit que si les écoles d’ingénieur affichent en moyenne un taux de féminisation 33,3% il est de 49,2% dans les écoles de management. Une quasi égalité qu’on ne retrouve pas dans les rémunérations : si on inclut primes et avantages les jeunes diplômés managers hommes gagnent 5600€ par an de plus que les femmes (44,5 k€ par an contre 38,9 k€). Du côté des ingénieurs la différence est moins importante : 39,3 k€ contre 36 k€.

Un différentiel qui se creuse dès que le marché de l’emploi repart à la hausse. Selon la dernière étude du cabinet de recrutement Universum, les écarts de prétentions salariales se sont ainsi creusés cette année par rapport à 2017. En 2018, les étudiantes s’attendent en effet à percevoir en moyenne 32 958€ annuels à la sortie de l’école quand les hommes veulent 37 041€, soit 4083€ de différence (12.4% !). En 2017 l’écart n’était que de 3356€. Si les femmes ont des prétentions salariales très similaires entre 2017 et 2018, ce sont les hommes qui ont beaucoup augmenté leurs prétentions : de 753€ en un an !

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Olivier Rollot est directeur du pôle Information & Data de HEADway Advisory depuis 2012. Il est rédacteur en chef de "l’Essentiel du Sup" (newsletter hebdomadaire), de "l’Essentiel Prépas" (webzine mensuel) et de "Espace Prépas". Ancien directeur de la rédaction de l’Etudiant, ancien rédacteur en chef du Monde Etudiant, Olivier Rollot est également l'un des experts français de la Génération Y à laquelle il a consacré un livre : "La Génération Y" (PUF, 2012).

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