EMPLOI / SOCIETE

20 ans d’insertion des jeunes

Le Céreq vient de faire le point sur 20 ans d’insertion professionnelle des jeunes : entre permanences et évolutions. Un document passionnant dont on peut tirer un grand nombre de conclusions sachant que les « sortants » de 1998 sont les seuls à avoir bénéficié d’une conjoncture particulièrement favorable tandis que la dernière cohorte étudiée, celle de 2010, vit de plein fouet la récession économique qui se répercute par un temps de chômage plus long et des embauches davantage précaires.

Mieux vaut être alsacien que Picard. Quatre régions (Alsace, Île-de-France, Rhône-Alpes et Franche-Comté) se signalent depuis 20 ans  pour leur accès plus rapide des jeunes à l’emploi. Un deuxième groupe de régions, centrées plutôt sur l’Ouest (Midi-Pyrénées, Pays-de-la-Loire, Auvergne, Bretagne, Aquitaine, Poitou-Charentes, Basse-Normandie et Centre-Val-de-Loire) se singularise par la progression du temps passé en emploi à durée indéterminée (EDI) chez les jeunes entre les deux périodes, alors même qu’elle diminue au niveau national. À l’opposé, neuf régions (Languedoc-Roussillon, Champagne-Ardenne, Nord-Pas-de-Calais Picardie, Haute-Normandie, Limousin, PACA, Lorraine et Bourgogne) ont les temps de chômage les plus élevés pour la génération 2010 : jusqu’à 28,5 % en Picardie, soit 10 points de plus en moyenne que dans les régions connaissant les processus d’insertion les plus favorables

 

Sur-chômage des jeunes : une « erreur d’optique ». C’est un paradoxe qu’expliquent très bien les experts du Céreq : si pour les 15-24 ans, le taux de chômage était en 2016 de 24,1% en moyenne, la proportion de chômeurs parmi l’ensemble des 15-24 ans n’était que de 9%… Une « erreur d’optique » classique qui confond « taux de chômeurs parmi les jeunes qui cherchent un emploi » et « taux de chômeurs parmi les jeune » en obérant le fait que, très logiquement, la plus grande partie d’entre eux font des études à cet âge-là et que le taux de chômage ne concerne donc que la minorité en recherche d’emploi. Qui plus est moins qualifiée et donc plus sujette au chômage…

Des trajectoires d’insertion dégradées. 40% des débutants accédaient rapidement à des statuts à durée indéterminée au sein de la génération 1998, seulement 32% au sein de la génération 2010. Logiquement la part des débutants qui accèdent à un CDI après des CDD passe dans le même temps de 11% à 15%. Globalement les parcours menant plus ou moins rapidement à un CDI concernent 62% des débutants au sein de la génération 2010, soit dix points de moins que pour la génération 1998. S’y ajoute un groupe en reprise d’études également en fort progression : de 7% d’une génération il est passé à 12% en 20 ans. Restent un peu plus d’un quart de la population pour lequel l’accès à l’emploi est « sporadique ».

Selon que tu seras… Les taux d’emploi se sont avant tout dégradés pour les sortants sans diplôme, les diplômés du secondaire professionnel (niveau V) et les bacheliers généraux. Des bacs professionnels et technologiques jusqu’au niveau maîtrise-master 1, les taux en emploi sont comparables, alors qu’ils progressent légèrement pour les sortants de Grandes écoles ou d’un diplôme universitaire de niveau master 2 jusqu’au doctorat

Des chiffres qui renvoient à leurs catégories sociales. Au sein de la génération 1992, 13% des enfants de cadre(s) et 21 % des enfants d’ouvrier(s) ou employé(s) étaient ainsi au chômage ou inactifs cinq ans après leurs études. Ces chiffres passent respectivement à 12% et 26% pour la génération 2010. En revanche le fossé entre les hommes et les femmes se comble. Entre les générations 1998 et 2010, la part de jeunes femmes concernées par des parcours « d’éloignement du marché du travail » passe de 14% à 17% quand celle de jeunes hommes se creuse de 7% à 17%. Cependant, à niveau de diplôme et origines données, le risque relatif des jeunes femmes de connaître des parcours d’accès rapide à l’emploi durablement en EDD plutôt qu’en EDI s’est significativement accru.

Ni en emploi, ni en étude, ni en formation. En anglais on le traduit par l’acronyme NEET (Neither in Employment, nor in Education or Training) qui permet ainsi de mesurer la part des jeunes ni en emploi, ni en étude, ni en formation parmi l’ensemble de la population âgée de 15 à 29 ans. L’OCDE estime le nombre de NEET en France à 1,9 million de jeunes, soit 16,6 % des 15 à 29 ans pour l’année 2015, une part proche de la moyenne européenne et stable depuis 20 ans. En revanche les femmes, plus diplômées, sont moins nombreuses dans la population NEET à cinq ans au fur et à mesure des générations, passant de 64% des sortants en 1992 à 46% pour les deux dernières enquêtes.

Des salaires en hausse. Cinq ans après leur sortie du système éducatif, les salariés de la génération 2010 perçoivent en moyenne 500€ nets de plus que leurs homologues de la génération 1992 (1620€ contre 1120€). Pour autant, sur l’ensemble des sortants, le pouvoir d’achat lié au salaire moyen a seulement progressé de 18 € passant de 1440€ en 1997 à 1620€ en 2015. La hausse des niveaux de diplômes de fin d’études entre les deux générations explique 56% de cette progression. A structure de diplômes restée constante d’une génération à l’autre, le pouvoir d’achat moyen aurait quand même progressé d’environ 80 euros. Le pouvoir d’achat médian progresse de 170€ pour s’établir à 1480€ en 2015. Au total, le pouvoir d’achat médian de la génération 2010 par rapport à la génération 1992 s’est accru de 13% pour l’ensemble des salariés et de 8% pour les salariés à plein temps.

La corrélation positive entre niveau de salaire et plus haut niveau de diplôme se vérifie tout au long de la hiérarchie scolaire à l’exception des diplômés de grandes écoles qui obtiennent des rémunérations significativement plus élevées que les diplômés universitaires de niveaux équivalent ou supérieur. Pour autant le ratio des salaires médians des actifs occupés à 5 ans entre les diplômés de grandes écoles et les non-diplômés ou titulaires d’un brevet sa baissé en 20 ans, passant de 2,4 à 1,9.

Comme quoi le diplôme protège du chômage mais n’est plus pour autant un avantage compétitif aussi important qu’il y a vingt ans. On attend avec impatience de voir si les rémunérations des jeunes diplômés vont remonter significativement dans les années à venir avec la reprise économique.

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Olivier Rollot est directeur du pôle Information & Data de HEADway Advisory depuis 2012. Il est rédacteur en chef de "l’Essentiel du Sup" (newsletter hebdomadaire), de "l’Essentiel Prépas" (webzine mensuel) et de "Espace Prépas". Ancien directeur de la rédaction de l’Etudiant, ancien rédacteur en chef du Monde Etudiant, Olivier Rollot est également l'un des experts français de la Génération Y à laquelle il a consacré un livre : "La Génération Y" (PUF, 2012).

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