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« HEC devient une société un peu particulière » : Bertrand Léonard, président de la Fondation HEC


La Fondation HEC a levé 112 millions d’euros auprès des anciens élèves, les alumni,et des entreprises lors de sa première levée de fond de 2008 à 2013. Président de la Fondation depuis 2015, Bertrand Léonard, explique ce que cette nouvelle source de financement apporte à HEC.

Bertrand Léonard

Olivier Rollot : Vous présidez la Fondation HEC depuis le printemps dernier. Qu’est-ce qu’elle apporte à l’école ?

Bertrand Léonard : D’abord ce qui mobilise toute l’équipe de la Fondation, c’est l’importance des enjeux. HEC est aujourd’hui une des toutes premières business school européennes. Il faut l’aider à rejoindre la cour des dix premières mondiales. Le nouveau statut de l’école, qui lui confère davantage d’autonomie, devrait être un élément-clé.

En tout, la Fondation apporte chaque année entre 7 et 8 millions d’euros à HEC (sur un budget total de l’école de 115 millions). 40% vont au développement des bourses d’études. La responsabilité sociale est au cœur de notre motivation. Il faut qu’HEC conserve et accroit son degré d’ouverture.

A long terme, pour donner à l’école, de manière solide et pérenne, tous les moyens de son ambition, nous devrons constituer un fond de réserve dont les intérêts permettront d’alimenter notre contribution annuelle à l’école. Sur les 112 millions de la précédente levée de fonds, une moitié a ainsi été mise en réserve et l’autre affectée au budget de l’école.

O. R : Donner une plus grande diversité sociale à HEC c’est cela le premier objectif de la Fondation ?

B. L : En quelques années le taux de boursier est passé de 7% à 15% sans créer pour cela une voie particulière d’accès. Nous avons une mission citoyenne. Elle démarre dès le lycée avec des actions de tutorat et de soutien financier en partenariat avec Fratelli et les Cordées de la Réussite. Elle se décline ensuite dans les classes prépas, où nous aidons certains étudiants méritants – même s’ils n’intégreront pas forcément HEC ensuite -, au sein de prépa classique et même de prépas technos. Partout nous préférons tutorer des étudiants, qui ne possèdent pas forcément tous les codes pour intégrer une grande école, et les mettre au niveau que vont demander ensuite les entreprises. Nous ne sommes pas exactement dans la même logique des filières ZEP de Sciences Po ou de l’affirmative action américaine.

O. R : Ces fondations, c’est le modèle des grandes universités privées américaines ?

B. L : La Fondation de la Harvard Business School gère un fonds de réserve 3 milliards de dollars ! Il y a très longtemps que les universités américaines ont créé des fondations. Elles font partie de leur ADN. C’est encore tout récent en France…

O. R : Plus largement, quelles évolutions imaginez-vous pour HEC ?

B. L : Nous sommes face à une révolution digitale dans laquelle chaque étudiant va pouvoir choisir des MOOCs et se créer ses propres parcours d’études certifiés par de grandes universités. Aujourd’hui vous pouvez suivre en ligne les cours du meilleur prof du monde ! Aux Etats-Unis cela va encore plus vite avec des frais de scolarité qui peuvent atteindre les 50 000$ par an quand ces nouveaux programmes mixtes, mêlant MOOCs et sessions présentielles, reviennent trois fois moins cher. Les droits de scolarité étant beaucoup plus bas en Europe, le mouvement y est moins rapide.

O. R : La Fondation contribue au financement des MOOCs d’HEC ?

B. L : La dimension digitale est très présente sur le campus, à plusieurs niveaux. En premier lieu, à travers l’enseignement : en quoi la révolution digitale bouleverse la stratégie des entreprises ? La Chaire Axa sur « Stratégie digitale et Big Data », le centre « Digital Transformation » d’Orange ou la majeure digitale Entrepreneurs destinée aux étudiants d’HEC, de 42 et des Gobelins… abordent tous ce thème-clé. Les MOOCs se développent aussi significativement comme en atteste notamment le succès de la formation certifiante en Finance, ICCF@HEC, conduite par Pascal Quiry.

Déjà HEC propose une dizaine de MOOCs gratuits et pour certains certifiants. L’Ecole, en matière de Mooc, doit choisir ses domaines de prédilection pour construire une offre de très bonne qualité et discriminante. Il reste également à régler des questions de droit d’auteur ou du diffuseur. L’important est que ces MOOCs soient une caisse de résonnance qui contribue à la renommée d’HEC.

O. R : Dans le monde entier !

B. L : Et dans une démarche citoyenne. Une plateforme digitale bien conçue peut être diffusée dans des pays émergents qui n’ont pas les infrastructures d’éducation nécessaires. En Afrique il manque déjà un million d’enseignants et cela va encore empirer dans les années à venir. Le digital peut largement contribuer à réduire ce fossé.

O. R : Comment sont aujourd’hui constituées les promotions d’HEC avec l’accueil des étudiants étrangers ?

B. L : Aujourd’hui HEC accueille 90% d’étudiants étrangers dans ses MBA, 50% dans ses mastères spécialisés et 35% dans la grande école. Pour cette dernière, nous passons de 380 élèves issus de prépas en première année à 600 en deuxième. Parmi ceux-ci une quarantaine viennent de l’Ecole polytechnique, de Sciences Po, de l’ENS, etc. mais surtout 180 des universités du monde entier. 180 excellents étudiants qui apportent leur diversité à nos promotions.

O. R : La recherche a pris une importance majeure dans les business schools ces dernières années. La Fondation y contribue-t-elle ?

B. L : Nous n’avons absolument aucun doute sur l’importance de la recherche et la nécessité d’embaucher des professeurs capables de signer dans les meilleures revues de recherche dans le monde, celles qu’on classe dans la catégorie « alpha ». Aujourd’hui HEC compte 110 professeurs et nous savons qu’il faudra progressivement passer à 120 et 130. Cela permettra aussi d’améliorer notre ratio profs/élèves.

Quand on se positionne dans les meilleurs business schools du monde comme nous toute la question est de savoir pourquoi un étudiant américain ou japonais nous rejoint.

O. R : Parmi vos lacunes il y a un campus loin de tout qui n’a pas vraiment bien vieilli !

B. L : Nous allons moderniser les chambres des étudiants, qui n’avaient pas beaucoup changé depuis que je suis sorti d’HEC en 1985 !, et nous devons également en créer de nouvelles car nos capacités d’accueil sont insuffisantes. 800 chambres vont être rénovées et dans un premier temps, 100 nouvelles seront construites. Plus largement, il faut concevoir un nouveau campus pour lui donner un centre de gravité et se mettre au niveau d’attractivité d’un certain nombre de campus des meilleures business school.

O. R : HEC vient de changer de statut pour devenir un établissement d’enseignement supérieur consulaire (EESC). Qu’est ce que statut peut lui apporter ?

B. L : HEC devient une société un peu particulière. Une société à but non lucratif à laquelle la Chambre de commerce et d’industrie Paris Ile-de-France a apporté l’ensemble des bâtiments du campus et du foncier en pleine propriété ainsi que la marque HEC. Nous pouvons ainsi valoriser HEC sur une base significative et potentiellement disposer de nouveaux instruments financiers.

O. R : Pour le moment, seules la Fondation et l’Association HEC Alumni sont actionnaires aux côtés de la CCI Paris Ile-de-France. Quelles entreprises auraient intérêt à entrer dans un capital qui sera de toute façon toujours contrôlé par la CCI ?

B. L : La Fondation accroitra sa participation au capital au fur et à mesure des investissements qu’elle pourra réaliser, tout en respectant l’architecture prévue par la loi de Décembre 2014. La CCI possède aujourd’hui l’essentiel du capital.

Concernant d’autres entreprises qui pourraient devenir actionnaires, le tout est que cela leur permette des synergies avec l’école, puisqu’il ne s’agit pas d’un actionnariat classique.

O. R : Quelle place occupez-vous dans le fonctionnement de l’école ?

B. L : La Fondation comme HEC Alumni ont chacune deux sièges au sein du conseil d’administration. Les alumni auront un rôle-clé à jouer dans les années à venir : sans eux, sans les entreprises, on ne peut pas lever de fonds. D’où l’importance d’une bonne représentativité des stakeholders…

O. R : La formation continue peut elle encore se développer à HEC ?

B. L : L’Executive Education représente aujourd’hui une part significative des revenus d’HEC et nous pouvons encore aller plus loin, notamment à l’international et dans le très haut de gamme.

O. R : Quels sont vos objectifs pour la nouvelle levée de fonds qui va démarrer cette année ?

B. L : Peter Todd, le nouveau directeur général, prépare actuellement un plan stratégique à trois / cinq ans pour que nous puissions l’incarner et fixer des objectifs. Mais vous savez ce n’est pas parce que la précédente levée de fonds s’est achevée en 2013 que nous n’avons rien fait depuis. Pendant les deux dernières années, au delà de la campagne précédente, nous sommes restés très présents auprès de la communauté et avons réalisé une collecte très honorable !

O. R : Mais pourquoi avoir attendu deux ans pour lancer une nouvelle campagne ?

B. L : Parce qu’une campagne se prépare, et qu’il était légitime d’attendre la nomination du nouveau Dean et la réalisation de l’autonomie.

O. R : Une question plus personnelle. Cela ne doit pas être simple de succéder à une personnalité aussi forte que Daniel Bernard, l’ancien président de Carrefour (après un passage rapide de Guillaume Poitrinal) ?

B. L : Daniel Bernard est à la fois une personnalité reconnue, disponible, charismatique et qui aime porter HEC au-dessus de la mêlée. Avec Bernard Ramanantsoa à la tête de l’école et Barbara de Colombe, la déléguée générale, ils constituaient un formidable triptyque.

La Fondation HEC c’est aujourd’hui dix personnes à temps plein. Nous sommes aujourd’hui pleinement conscients des enjeux et très fortement engagés. La communauté des alumni et des entreprises a beaucoup d’estime pour l’Ecole. Les astres (Ecole, HEC Alumni, Fondation) sont parfaitement alignés ! C’est central pour réussir…

O. R : Qu’est ce qui vous motive dans ce poste ?

B. L : Séduit par le travail qu’avait entrepris Bernard Ramanantsoa, j’étais moi-même grand donateur et avais présidé le premier comité de campagne de la Fondation en 2007. A cette époque j’avais, à sa demande, contribué à recruter une partie de l’équipe de la Fondation, dont Barbara de Colombe. Puis crise bancaire de 2008 oblige, j’ai dû me consacrer, de nouveau, à plein temps à mes fonctions au sein du groupe Exane. Depuis un an, je me consacre à la Fondation et à de nombreux autres sujets…

Ce qui me motive : la conviction que nous pouvons, avec une stratégie claire, beaucoup d’énergie et une force de conviction aider l’Ecole, qui incarne une des filières d’excellence française, à rayonner durablement et ce quelles que soient les contingences domestiques !

O. R : Votre nouvelle « dream team » comporte également Emmanuel Chain, célèbre producteur qui devenu président d’HEC Alumni !

B. L : Emmanuel est un co-équipier formidable. Comme moi, il est très attaché à la réussite de l’Ecole. Ensemble et avec de nombreux autres « ambassadeurs », nous allons aider HEC à accomplir un destin hors du commun !

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Olivier Rollot est directeur du pôle Information & Data de HEADway Advisory depuis 2012. Il est rédacteur en chef de "l’Essentiel du Sup" (newsletter hebdomadaire), de "l’Essentiel Prépas" (webzine mensuel) et de "Espace Prépas". Ancien directeur de la rédaction de l’Etudiant, ancien rédacteur en chef du Monde Etudiant, Olivier Rollot est également l'un des experts français de la Génération Y à laquelle il a consacré un livre : "La Génération Y" (PUF, 2012).

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