ECOLE D’INGÉNIEURS

« IMT Mines Albi s’inscrit dans les fondamentaux de l’IMT »

Créée en 1993, l’Ecole Nationale Supérieure des Mines d’Albi-Carmaux (IMT Mines Albi) fête cette année ses 25 ans. L’occasion de s’interroger avec son directeur, Narendra Jussien, sur les spécificités d’une jeune école membre de l’Institut Mines Télécom.

Olivier Rollot : Comme les autres écoles des Mines, IMT Mines Albi fait partie de l’Institut Mines Télécom. Qu’est-ce qui la différencie des autres ?

Narendra Jussien : Proche des entreprises avec la priorité donnée à la recherche appliquée, IMT Mines Albi s’inscrit dans les fondamentaux de l’IMT tout en ayant ses spécificités au premier rang desquelles ses quatre grandes spécialités que sont les « matériaux pour l’aéronautique et le spatial », « poudres, santé et nutrition », « énergies renouvelables, biomasse, déchets éco-activités » et « amélioration des processus d’entreprise ».

Avec la montée en puissance de la formation tout au long de la vie (FTLV) et de la valorisation de la recherche, une école comme la nôtre n’est pas seulement la base de lancement pour un diplômé : c’est aussi un lieu ouvert à toute étape d’une carrière pour accéder aux derniers résultats à la pointe des sciences et technologies. C’est une véritable base de soutien pour nos alumni.

O. R : Pouvez-vous nous donner des exemples de recherches appliquées initiées au sein d’IMT Mines Albi ?

N. J : Notre démarche volontariste orientée trouve régulièrement sa concrétisation par des créations de jeunes pousses qui s’installent durablement dans leur territoire. On peut ainsi citer la société Aurock. Une jeune pousse créée par deux doctorants de l’école il y a 10 ans autour du développement d’un nouveau procédé de formage de pièces métalliques dans des moules en béton. Aujourd’hui, un géant de l’aéronautique (Airbus) fait appel à eux et envisage même de repenser ses lignes de production pour appliquer leur procédé.

Dans le domaine des poudres, nos chercheurs travaillent classiquement à la conception de médicaments, par exemple avec les laboratoires Pierre-Fabre. Mais les mêmes techniques peuvent avoir bien d’autres usages bien éloignés du médicament comme le nettoyage en cours de fonctionnement de moteurs de grandes tailles.

Dans le domaine des énergies renouvelables, nous travaillons par exemple au stockage de l’énergie solaire (un enjeu majeur dans ce domaine) dans des… pierres. Notre expertise dans le domaine de la valorisation des déchets et de la biomasse a attiré une jeune chercheuse actuellement installée en Grande-Bretagne dans le cadre du programme « Make Our Planet Great Again ».

Enfin, dans le domaine de l’aide à la décision, nous avons mis en place une chaire avec les laboratoires Pierre-Fabre à Castres dans le domaine de la chaine logistique agile.

O. R : Ces thématiques attirent-elles les jeunes filles ? On imagine que c’est le cas dans votre spécialité liée à la santé mais est-ce le cas dans les autres également ?

N. J : Nous avons 40% d’étudiantes toutes thématiques confondues. Dans notre filière en alternance, elles sont même 62% dans la promotion de cette année y compris dans les options liées aux bâtiments. La santé (en particulier notre double-diplôme pharmacien-ingénieur) a probablement été le facteur déclenchant mais cela nous a surtout permis de nous faire connaître et de montrer que les études d’ingénieurs ne sont pas réservées aux garçons. C’est pourquoi aujourd’hui toutes les filières les attirent. Nos thématiques, porteuses de sens, cohérentes avec nos recherches, sont un plus.

O. R : Une autre de vos spécificités est de recevoir beaucoup d’apprentis. Combien exactement ?

N. J : Un tiers de nos étudiants sont des apprentis. Un quart de la formation académique se fait dans la distance. Ainsi nos apprentis peuvent travailler dans des entreprises de toute la France. Nous avons des apprentis de Dunkerque à Perpignan. En fait, notre catalogue de cours à distance génère chaque année près de 1,2 million de pages vues.

O. R : Vous recevez autour de 1000 étudiants aujourd’hui. Combien comptez-vous en recevoir en 2020 ?

N. J : La progression de nos effectifs est rapide. Nous en recevions 562 en 2012, ils étaient 967 en 2017. En 2020 nous en attendons 1150. Une hausse des effectifs qui se traduira principalement par l’augmentation de nos effectifs venus de l’étranger.

O. R : Pour mieux les recevoir vous allez également inaugurer un nouveau bâtiment…

N. J : Le 11 octobre pour nos 25 ans nous allons inaugurer un bâtiment dédié à l’innov’action. Physiquement à mi-chemin entre l’école et la technopole, il possédera des espaces de co-working, d’incubation et un Fablab que nous partageons avec les autres établissements d’enseignement supérieur de l’Albigeois. Cela représente 1200 m2 sur deux étages.

O.R : Comment faites-vous pour attirer des étudiants internationaux à Albi ? Une très jolie ville mais pas vraiment une métropole…

N. J : Nous recevons aujourd’hui plus d’une centaine d’étudiants internationaux. Notamment au sein de nos six masters internationaux. Ils choisissent d’abord nos thématiques et reconnaissent ainsi notre excellence scientifique. Ensuite vient le campus, à l’américaine. Enfin, la perspective de s’installer dans une ville moyenne est plus rassurante pour eux car ils savent qu’ils ne seront pas anonymes et livrés à eux-mêmes. Cela est d’autant plus vrais que nous leur fournissons le gîte et le couvert dans nos résidences étudiantes très récentes.

O. R : Lille-Douai ou Nantes-Brest, deux écoles des Mines ont fusionné avec des écoles des Télécoms ces deux dernières années au sein de l’Institut Mines Télécom. IMT Mines Albi pourraient-elles fusionner avec IMT Mines Alès ?

N. J : Il ne vous pas échappé que ces fusions concernaient des écoles des Mines et des Télécoms. Pas deux écoles des Mines. Non il n’y a pas de fusion en vue entre nos deux écoles qui sont par ailleurs très éloignées géographiquement.

O. R : On parle beaucoup d’intelligence artificielle (IA). Comment peut-elle entrer dans vos enseignements ?

N. J: L’intelligence artificielle (IA) ne repose pas sur des ressources nouvelles. Les algorithmes utilisés sont anciens. Deux choses ont changé la donne. La première, et elle est fondamentale, c’est la disponibilité et l’exploitation des données avec une production de masse qu’on sait maintenant utiliser et stocker. Aujourd’hui, l’enjeu est de former nos jeunes non seulement au traitement de ces données mais aussi et surtout à leur interprétation éthique. C’est là que se fera la différence. Des ingénieurs « à la française » qui ne sont pas seulement des techniciens mais qui peuvent faire la différence par leurs capacités humanistes et créatives.

Le deuxième changement est la prise de consciences du potentiel incroyable des méthodes statistiques vis-à-vis des méthodes exactes beaucoup plus traditionnelles. C’est ce qui a fait la différence pour le traitement automatique des langues (Google Translate ou Siri) et c’est ce qui change tout aujourd’hui. Un exemple : nos chercheurs ont développé des techniques de calcul de diffusion de la chaleur par des méthodes statistiques. Ces mêmes méthodes sont aujourd’hui utilisées par les plus grands studios d’animation américains pour générer des images d’un réalisme époustouflant. Regardez attentivement « Là Haut » ou l’un des derniers « Star Wars » vous y trouverez des algorithmes « made in IMT Mines Albi ».

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Olivier Rollot est directeur du pôle Information & Data de HEADway Advisory depuis 2012. Il est rédacteur en chef de "l’Essentiel du Sup" (newsletter hebdomadaire), de "l’Essentiel Prépas" (webzine mensuel) et de "Espace Prépas". Ancien directeur de la rédaction de l’Etudiant, ancien rédacteur en chef du Monde Etudiant, Olivier Rollot est également l'un des experts français de la Génération Y à laquelle il a consacré un livre : "La Génération Y" (PUF, 2012).

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