ECOLE D’INGÉNIEURS

« ISAE-SUPAERO est le leader mondial des formations supérieures en ingénierie aérospatiale »

ISAE-SUPAERO fait partie de petit nombre d’écoles d’ingénieurs qui font rêver les élèves de prépas. Inaccessible ? Pas tant que ça pourvu de bien s’y préparer assure son directeur général, Olivier Lesbre

Olivier Lesbre (photo Aude Lemarchand)

Olivier Rollot : Les promotions de l’ISAE-SUPAERO restent relativement limitées en taille. Avec l’expansion de l’industriel aéronautique sont-elles appelées à croitre ?

Olivier Lesbre : Il ne faut pas parler que de notre diplôme d’ingénieur. Nous proposons en tout 30 cursus différents, de l’apprentissage avec le CNAM, un master en anglais, 15 mastères spécialisés et six programmes doctoraux. En tout nous diplômons 650 étudiants chaque année dont 300 ingénieurs. Pour ces derniers la croissance des promotions est régulière avec pour objectif 4% de hausse par an pour répondre aux besoins du secteur.

O. R : L’aéronautique fait partie des secteurs qui font le plus rêver. Et donc des plus sélectifs. Pour intégrer le cursus menant au diplôme d’ingénieur ISAE-SUPAERO, faut-il absolument être « tombé dans l’aéronautique » tout jeune et être une « bête en maths » ?

O. L : Nous recrutons nos étudiants au sein du concours Mines-Ponts avec deux types de profils : des passionnés depuis toujours et d’autres qui ont intégré l’ISAE-SUPAERO parce que c’était la meilleure école qui leur était ouverte. De très bons étudiants puisque nous sommes généralement classés dans le top 5 des meilleures écoles d’ingénieurs juste devant l’Ensta ParisTech et Télécom ParisTech.

En tout ce sont chaque année près de 200 élèves qui intègrent le cursus après une classe préparatoire et une centaine d’autres en 2ème et 3ème année sur titres. Dont beaucoup d’étrangers et, de plus en plus, de polytechniciens – 40 cette année pour 20 il y a dix ans – qui viennent suivre leur année d’application chez nous.

O. R : Quand on veut se former à l’aéronautique c’est en France qu’il faut aller ?

O. L : Depuis la fusion entre SupAéro et l’Ensica, qui a donné naissance à ISAE-SUPAERO, nous sommes le leader mondial des formations supérieures en ingénierie aérospatiale, avec le plus grand nombre de diplômés dans le monde par an à ce niveau de formation. En Europe, notre premier concurrent en volume est l’université néerlandaise TU Delft, qui en diplôme un peu moins, alors qu’aux États-Unis c’est Georgia Tech, qui est deux fois moins importante. Nous comptons également parmi nos concurrents d’autres grandes universités américaines comme le Massachussetts Institute of Technology (MIT) ou Caltech. Nous travaillons par ailleurs à consolider l’offre de formation française à l’ingénierie aérospatiale avec le Groupe ISAE, qui diplôme 1600 ingénieurs, masters et docteurs par an.

Notre ambition c’est de consolider cette position de leader mondial. Et notamment face à TU Delft qui a fait un énorme effort pour attirer des étudiants étrangers en passant son enseignement à 100% en anglais.

O. R : Vous recrutez quel pourcentage de jeunes femmes ?

O. L : Entre 15% et 20 %, ce qui correspond au pourcentage moyen dans les écoles d’ingénieurs des domaines mécanique et numérique. C’est loin des 70% de jeunes femmes qu’on peut trouver dans les écoles d’agronomie. Et c’est un pourcentage stable depuis 10 ans en dépit de la volonté de l’industrie aéronautique de recruter de plus en plus de femmes. Les jeunes femmes diplômées ont d’ailleurs encore plus de facilité à trouver un emploi dans les grands groupes que les hommes.

O. R : Attirez-vous beaucoup d’étudiants étrangers ? Payent-ils les mêmes droits de scolarité ?

O. L : Un tiers de nos étudiants sont étrangers et même 95% dans notre master. Chaque cursus a ses droits spécifiques avec des niveaux différents selon qu’on est ou pas ressortissant de l’Union européenne. Un élève ingénieur français non boursier débourse par exemple 2700€ par an pour suivre son cursus quand cela monte à près de 5000€ pour un non Européen. En mastère spécialisé cela varie de 10 000 à 20 000€.

O.R : Peut-on partir dans une université étrangère pendant son cursus à l’ISAE-SUPAERO ?

O. L : Un élève ingénieur doit au moins passer quatre mois à l’étranger pendant son cursus pour être diplômé – la moyenne est supérieure à six mois – mais pas forcément dans le cadre d’un séjour académique. Pour ceux qui le désirent, nous avons signé des accords de partenariat avec près de 100 universités dans le monde.

O. R : Est-il possible d’obtenir des doubles diplômes ?

O. L : Nous avons également signé 30 à 40 accords en ce sens  ; cela demande en général de passer une année de plus. A l’étranger comme en France avec HEC, Sciences Po ou encore la Toulouse School of Economics (TSE) pour obtenir une double compétence. Nous accueillons également chaque année de l’ordre de cinq étudiants de Sciences Po ou HEC, munis de solides compétences scientifiques, pour préparer notre diplôme.

O.R : Beaucoup de vos étudiants choisissent-ils de réaliser une année de césure après la deuxième année du cursus ingénieur ?

O. L : Parmi les 200 étudiants qui intègrent l’école en première année de cycle ingénieur, seulement une dizaine suivent le cursus en 3 ans. 190 font le choix de l’enrichir avec certaines des nombreuses options qui leur sont ouvertes, dans le cadre d’une année optionnelle, ou d’un double diplôme académique, etc. Certains vont dans un tout autre domaine, par exemple pour passer un an à la London School of Economics. Cette prise de recul leur permet de murir leur projet et de mieux s’organiser pour leur dernière année.

Les cursus ne sont plus aussi balisés qu’ils l’étaient et les profils de nos diplômés sont devenus très variés. Ce qu’apprécient les employeurs. Mais cette individualisation des cursus est complexe à gérer : nous nous sommes organisés pour cela, et nous avons mis en place un dispositif spécifique pour aider nos élèves à construire leur parcours individuel.

O.R : Vos droits de scolarité sont-ils amenés à augmenter dans les années à venir ?

O. L : Je vous rappelle qu’en 2010 les droits étaient encore inférieurs à 1000€. Nous sommes plutôt aujourd’hui dans une phase de stabilisation après nous être rapprochés des tarifs de certains de nos concurrents comme TU Delft.

Un campus tout près de Toulouse

O.R : Vous évoquiez vos six filières de doctorat. Beaucoup de vos étudiants vont-ils aujourd’hui jusqu’au doctorat ?

O. L : 15 à 20% chaque année mais pas forcément chez nous. Un tiers de nos doctorants sont étrangers, les autres viennent d’autres formations scientifiques. Nous sommes présents dans six écoles doctorales, dont une spécialisée en aéronautique et astronautique, mais aussi par exemple en systèmes complexes. L’aéronautique est un domaine d’application qui s’appuie sur des disciplines comme l’aérodynamique, la mécanique, l’énergétique, l’électronique, l’informatique et celle qui les rapproche toutes, l’ingénierie système.

O.R : Où est-on employé une fois diplômé de l’ISAE-SUPAERO ? En France ? De plus en plus à l’international ?

O. L : Notre formation d’ingénieur généraliste est ancrée sur la connaissance d’un domaine particulier. Elle n’est pas hors sol et est applicable à beaucoup d’autres secteurs. Jusqu’à la finance. Tous ceux qui nous ont rejoint n’étaient pas forcément passionnés par l’aéronautique au départ. La moitié le sont devenus au cours de leur cursus. Si on y ajoute les 50% de passionnés initiaux c’est de l’ordre de 70% de nos diplômés qui vont occuper leur premier poste dans l’aéronautique ou le spatial. Les autres 30% vont aussi bien dans la Formule 1 ou le transport au sens large mais aussi dans le conseil, les assurances, etc. Partout où le niveau en mathématiques est important.

Nous voulons que la majorité de nos diplômés soient employés dans l’aéronautique ou le spatial mais, pour notre rayonnement, c’est aussi important de varier les secteurs. Nous avons également près d’un quart de nos ingénieurs qui commencent leur carrière à l’étranger.

O.R : On entend souvent dire que les professionnels de l’aéronautique sont recherchés dans tous les secteurs. Pourquoi ?

O. L : L’aéronautique est à la pointe de la gestion de la complexité technique. La moindre erreur se paye très cher et le niveau d’exigence est très élevé. Les méthodes de conception sont donc un cran au-dessus de ce qu’on trouve partout ailleurs. Autant de compétences qui trouvent forcément un intérêt dans tous les secteurs. Savoir construire un avion c’est savoir construire beaucoup d’autres choses !

O.R : Avec toutes ces propositions d’emploi, vos étudiants sont-ils également des créateurs d’entreprise ?

O. L : Depuis 10 ans nous avons développé la dimension entrepreneuriale et cela porte ses fruits. Chaque année des étudiants gagnent des prix et lèvent des fonds pour des projets qui vont du drone d’inspection des avions au domaine médical. Par exemple, deux de nos jeunes diplômés ont créé le bandeau Dreem pour capter l’activité électrique du cerveau et améliorer le sommeil profond par des ondes. Un projet qui leur a permis de lever 20 M€ !

O.R : Il y a l’ISAE-SUPAERO et le Groupe ISAE. A quoi sert le Groupe ISAE ? Pourquoi l’École nationale de l’aviation civile, l’Enac, votre voisine sur le site de Toulouse, n’en fait-elle pas partie ?

O. L : Le Groupe ISAE coordonne la plus grande partie de l’offre de formation française à l’ingénierie aérospatiale, que ce soit l’Ensma et Supméca, qui recrutent sur prépas, l’Estaca, école postbac, ou encore l’École de l’Air. Ensemble nous développons des formations par apprentissage communes et mutualisons nos efforts quand c’est possible. L’absence de l’Enac est historique mais je ne désespère pas de la voir nous rejoindre un jour.

Nous établissons d’ailleurs en ce moment même une fédération de recherche avec nos partenaires toulousains naturels que sont l’Onera et l’Enac. Cette fédération soutiendra l’école universitaire de recherche « Toulouse School of Aerospace Engineering » que nous avons portée et qui fait partie des trois qui ont  été sélectionnées sur le site toulousain.

O.R : Le pôle universitaire toulousain est agité de multiples secousses qui vous ont empêché d’obtenir un Idex. Est-ce rédhibitoire ?

O. L : Obtenir un Idex n’est pas indispensable pour rayonner à l’international. Qui sait en France quelles universités ont obtenu leur équivalent en Allemagne ? Quant à la partie financière des Idex, elle n’apporte pas non plus des montants « transformants ». Ne pas avoir d’Idex n’empêchera pas le site toulousain de continuer à vivre et à se développer.

Si on revient en arrière, avant même mon arrivée à la direction de l’ISAE-SUPAERO, on ne peut que constater que le projet d’IDEX qui avait été accepté par le jury a été remis en cause suite à des élections universitaires. C’est compliqué à expliquer à un jury. Comme c’est difficile d’entrer dans le canon du regroupement organique que demandait le jury alors que la richesse du site est aussi liée à son hétérogénéité. L’important c’est de développer une marque pour rayonner à l’extérieur !

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Olivier Rollot est directeur du pôle Information & Data de HEADway Advisory depuis 2012. Il est rédacteur en chef de "l’Essentiel du Sup" (newsletter hebdomadaire), de "l’Essentiel Prépas" (webzine mensuel) et de "Espace Prépas". Ancien directeur de la rédaction de l’Etudiant, ancien rédacteur en chef du Monde Etudiant, Olivier Rollot est également l'un des experts français de la Génération Y à laquelle il a consacré un livre : "La Génération Y" (PUF, 2012).

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