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« Je suis plus que jamais certain que le site toulousain mérite d’être représenté parmi les meilleurs » : Philippe Raimbault, directeur de Sciences Po Toulouse et candidat à la présidence de la Comue Université de Toulouse.


Avec ses 1600 étudiants et ses 50 enseignants, Sciences Po Toulouse fait partie des plus importants instituts d’études politiques (IEP) français. Alors qu’il va déménager sur le site de la Manufacture des Tabacs de Toulouse 1 Capitole à la rentrée 2018, son directeur Philippe Raimbault présente tout un programme de nouveautés. Ambitieux pour un site toulousain, qui vient de perdre son Idex (initiative d’excellence), il se présente également à la présidence de la Comue Université de Toulouse.

Olivier Rollot : Sciences Po Toulouse a connu bien des vicissitudes ces dernières années quand le permis de construire de ses nouveaux bâtiments a été annulé en 2014. Aujourd’hui la situation s’est stabilisée et vous êtes certain de pouvoir intégrer le site de la Manufacture des Tabacs de Toulouse 1 Capitole à la rentrée 2018 ?

Philippe Raimbault : Nous avons travaillé un an pour conclure une convention pérenne avec l’université Toulouse 1 Capitole et l’Etat. Depuis 1956 nous étions dans les mêmes locaux alors que les effectifs des étudiants et des professeurs avaient été multipliés par quatre. Au sein du site de la Manufacture des Tabacs nous passerons de nos 2800 m2 actuels à 4200 m2.

O. R : En dehors de Paris, sept Sciences Po recrutent sur un concours commun postbac. Qu’est-ce que la création de ce concours vous a apporté ?
P. R : Entre autres choses cela nous a permis de nationaliser notre recrutement. Aujourd’hui 75% de nos étudiants viennent d’autres régions que celle de notre ville. Ensemble nous recrutons également des élèves au sein des lycées français à l’étranger (à Bangkok, Bogota, Casablanca, Dubaï et Montréal) avec le concours de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger et du ministère des Affaires étrangères. En tout 150 étudiants ont été candidats dans ces sites délocalisés cette année.

O. R : Quels types d’élèves recrutez-vous plutôt ?

P. R : La majorité de nos étudiants (62 ou 63%) sont des bacheliers ES, 25% sont titulaires d’un bac S et les 12% restants de L. A noter qu’il n’y a pas de prime à la section puisque les taux de lauréats sont identiques aux taux de candidats. La moitié vient directement après le bac et l’autre moitié après un bac+1. La plupart de ces derniers viennent des CPGE, mais y figurent également des étudiants de L1, venus principalement de droit, de sociologie, d’histoire ou d’économie.

O. R : Qu’est-ce qui motive les étudiants à rejoindre un Sciences Po ? Où trouvent-ils du travail ?

P. R : Nous recevons beaucoup de bons élèves qui préfèrent suivre un cursus relativement ouvert comme le nôtre plutôt que se spécialiser trop vite. Les deux premières années leur permettent de stabiliser leur projet. Leurs ambitions professionnelles sont très larges. Beaucoup pensent au début devenir diplomates ou journalistes et ils sont de moins en moins à viser la fonction publique. Ils ont compris qu’après un Sciences Po 55% des diplômés entrent dans des entreprises pour près de 30% qui intègrent la fonction publique, les autres optant pour une carrière dans le secteur associatif et dans les ONG.

En cours de cursus ils découvrent de nouveaux métiers qui n’existaient même pas forcément quand ils se sont orientés, comme par exemple planneur stratégique. Ils entrent dans des cabinets de conseil, d’audit, etc. Ils occupent souvent des fonctions de chef de projet pour faire l’interface avec des ingénieurs qui ont de très belles idées mais ne savent pas les vendre aux décideurs politiques ou financiers (nous réfléchissons d’ailleurs à monter des doubles diplômes avec des écoles d’ingénieurs). Ils sont enfin 20 à 30% à se lancer dans une carrière internationale tant l’année de mobilité les a transformés et leur a donné l’ambition de repartir vite à l’étranger.

O. R : Certains ont-ils hésité avec une prépa HEC ou école de commerce postbac ?

P. R : Peu. Et ceux-là peuvent suivre ensuite le double diplôme que nous proposons avec Toulouse BS.

O. R : 31% de boursiers c’est beaucoup mais vous travaillez aussi en amont pour aider des lycéens.

P. R : C’est un dispositif commun à tous les Sciences Po des concours communs dans le cadre duquel nous allons soutenir des lycéens très en amont pour rehausser leur niveau d’ambition. Nous travaillons aujourd’hui avec 26 lycées et six collèges de la région où nos professeurs et étudiants tuteurs suivent chaque année 500 lycéens. Ils n’intégreront pas forcément pour autant un Sciences Po mais plus largement une filière dans l’enseignement supérieur.

O. R : Sciences Po Toulouse reçoit beaucoup d’étudiants étrangers ?

P. R : Ils sont 200 cette année, essentiellement dans le cadre des échanges ce 3ème année – presque tous nos étudiants passent une année à l’étranger – alors que nous avons également créé un cursus 100% en anglais. Pendant un an des étudiants étrangers peuvent vivre « l’esprit Sciences Po » en anglais et obtenir un diplôme d’université.

O. R : Ils payent les mêmes droits de scolarité que les étudiants français ?

P. R : Nos droits sont modulés en fonction des revenus des familles depuis deux ans et les étrangers payent des droits intermédiaires de 1600€ par an.

O. R : Pour les étudiants français cela coûte combien de vous rejoindre ?

P. R : De 0 à 3800€ par ans les revenus. Nous avons négocié pendant un an avec les étudiants pour que ce soit aussi une avancée pour les étudiants issus des classes sociales les moins favorisées. Au final, 20% des étudiants ont vu leurs droits baisser. Cela nous a donné un peu de respiration financière et permis, par exemple, de renforcer les voyages d’études de 4ème année.

O. R : Vous gérez la marque « Sciences Po » avec Sciences Po Paris. Mais n’y a-t-il pas parfois une confusion entre vos sept établissements et les campus délocalisés en région de Sciences Po ?

P. R : Nous avons conclu une convention de gestion de la marque avec Sciences Po mais il existe effectivement parfois une confusion. Nous devons également expliquer la différence entre les Sciences Po et les cursus de science politique : dans les Sciences Po on étudie toutes sortes de disciplines (droit, économie, etc.) quand la « science politique » sans « s » se concentre, comme son nom l’indique bien, sur la science politique (sociologie politique, politiques publiques…).

O. R : Parlez-nous de vos nouveaux projets pour Sciences Po Toulouse.

P. R : Nous travaillons pour la rentrée 2017 à la création d’une filière intégrée franco-espagnole avec l’Universidad Complutense de Madrid pour permettre à nos étudiants de suivre des cours en Espagne et à des étudiants espagnols de se rendre en France pour suivre des semestres d’enseignement afin d’obtenir un double diplôme.

Notre dispositif de césure entre la 4ème et la 5ème année démarre également bien avec 20 étudiants environ qui en profiteront pour effectuer un stage, un Service civique, un Service volontaire européen ou International en entreprise ou en administration ou encore un projet de création d’entreprise dans le cadre du dispositif de « l’étudiant-entrepreneur ».

Enfin nous allons renforcer l’accompagnement professionnel pour mieux préparer nos étudiants à s’insérer sur le marché du travail. Ils doivent s’y préparer avant la 5ème année du cursus ! Ils pourront même suivre un cursus complémentaire pendant leur recherche d’emploi qui attestera de leur compréhension du marché du travail.

O. R : Parlez-nous enfin de vos projets personnels. Pourquoi avez-vous posé votre candidature à la présidence de la Communauté d’universités et d’établissements (Comue) Université de Toulouse en pleine tourmente après la révocation de son Idex (initiative d’excellence) ?

P. R : J’y pensais bien avant cette décision du jury qui nous a tous surpris. Nous pensions pouvoir obtenir un délai pour mieux structurer encore notre dossier comme ça a été le cas pour trois autres Idex. Les 13 millions d’euros que nous perdons ne vont pas être sans conséquence et il va falloir bien traiter le dossier des emplois menacés. De plus les Idex sont une sorte de label qu’il est regrettable de perdre.

Je suis plus que jamais certain que le site toulousain mérite d’être représenté parmi les meilleurs alors qu’il est le deuxième site le plus représenté au sein du CNRS. Pour autant il n’est pas possible pour les établissements de fusionner comme ça a été le cas sur d’autres sites dont l’Idex a été préservée. Trop de ministères, trop d’établissements, d’universités, de grandes écoles, sont représentées à Toulouse pour envisager une fusion à périmètre très large. La Comue n’en doit pas moins avoir une vraie identité et une forte ambition.

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Olivier Rollot est directeur du pôle Information & Data de HEADway Advisory depuis 2012. Il est rédacteur en chef de "l’Essentiel du Sup" (newsletter hebdomadaire), de "l’Essentiel Prépas" (webzine mensuel) et de "Espace Prépas". Ancien directeur de la rédaction de l’Etudiant, ancien rédacteur en chef du Monde Etudiant, Olivier Rollot est également l'un des experts français de la Génération Y à laquelle il a consacré un livre : "La Génération Y" (PUF, 2012).

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