ECOLES DE MANAGEMENT

« Kedge fait la promesse d’être une école durable et inclusive »

Vivre après, vivre avec la pandémie, deux années ont passé et Kedge fourmille d’idées pour se développer, en France et à l’international, et faire évoluer ses programmes. La responsabilité sociétale et environnementale (RSE) est particulièrement importante comme nous l’explique son directeur général, Alexandre de Navailles.

Olivier Rollot : Les cas baissent, les variants changent, comment Kedge gère-t-elle aujourd’hui la pandémie ? Et le concours Ecricome que vous présidez ?

Alexandre de Navailles : Pas de changement particulier. Toute notre activité se déroule en présentiel et les cas de Covid restent peu nombreux. Nous respectons les directives du gouvernement sur le télétravail de nos salariés et nous assurons bien sûr qu’un certain nombre d’entre eux soit présent sur les campus. Pour le concours Ecricome rien n’a changé dans l’organisation prévue.

O. R : Comment les diplômés de Kedge se placent-ils sur le marché du travail cette année post Covid ?

A de N : Nous n’avons pas encore reçu toutes les réponses de la promotion qui est entrée sur le marché du travail en septembre-octobre 2021. L’année dernière nous avions atteint un taux d’insertion à six mois de 84% et de 88% en 2019. La différence était donc très faible.

Nous avions mis en place des dispositifs d’insertion spécifiques comme un accompagnement totalement gratuit pendant trois ans de nos diplômés, trois heures de coaching par étudiant, des forums emploi où nous avions à chaque fois 600 inscrits, 10 000 offres d’emploi à disposition… toute une dynamique pour maintenir notre excellent taux d’emploi.

O. R : Où en sont les échanges internationaux d’étudiants ? 

A de N : Notre politique est de disperser les étudiants sur de nombreux campus plutôt que d’en envoyer 200 au même endroit. Nous avons aujourd’hui près de 300 établissements partenaires pour mieux favoriser cette insertion.

Aujourd’hui il faut distinguer Europe et hors Europe. Tous les flux européens sont maintenus en présentiels dans la plupart des universités. C’est plus évolutif ailleurs où beaucoup d’universités proposent du distanciel. Aller en Chine est aujourd’hui totalement impossible mais il est possible de se rendre aux Etats-Unis, en Russie, en Corée, en Amérique Latine, etc.

O. R : Quelle politique de développement international menez-vous dans ce contexte ? Comment se porte votre campus chinois de Suzhou ?

A de N : Nous privilégions un développement international dans une logique d’exportation de nos expertises en local plutôt que de favoriser les échanges internationaux. En ouvrant des bachelors Kedge à Dakar et Abidjan nous formons là-bas des jeunes qui resteront sur place et soutiendront le développement de leur pays plutôt que de rester en France. L’Afrique ouvre aujourd’hui beaucoup d’opportunités avec le passage de 20 à 50 millions d’étudiants d’ici cinq ans et une offre de formation très insuffisante. Mais nous nous intéressons également à l’Asie du Sud-est.

Notre campus de Suzhou reste ouvert aux étudiants chinois. Normalement ils passent les deux premières années de leur cursus là-bas, puis une année en France, retour en Chine et la cinquième année en France. Ceux qui devaient venir nous rejoindre en France suivent pour la plupart leurs cours en distanciel mais nous espérons bien les voir revenir en France à la rentrée 2022. Cette année cela n’a été le cas que d’une faible partie d’entre eux.

Le campus bordelais de Kedge

O. R : Kedge mène depuis longtemps une politique ambitieuse en termes de responsabilité sociétale et environnementale (RSE). En quoi se distingue-t-elle des autres écoles ?

A de N : Nous sommes effectivement précurseurs avec la création, dès 2007, d’une direction de la Responsabilité sociétale et environnementale et la réalisation de notre 1er bilan carbone. En 2012 les équipes de Kedge créent le test dédié qu’est le Sulitest et nous faisons partie des établissements labellisés DD&RS, label que nous avons co-construit.

La durabilité et l’inclusivité sont deux des cinq piliers de notre action. Nous faisons la promesse d’être une école durable et inclusive et travaillons à l’élaboration d’une stratégie d’actions dédiée, KEDGE Impakt, qui sera présentée prochainement. L’ensemble des collaborateurs sont mobilisés aux côtés de notre Direction RSE et de notre doyenne associée à l’inclusivité, nommée en mars 2021, sur ces enjeux d’avenir, Nous travaillons d’ailleurs aujourd’hui à la création d’un index d’inclusivité à paraitre au deuxième semestre 2022, une mesure objective des organisations qui n’existe pas aujourd’hui. En un mot, ce qui nous distingue est notre approche globale et systémique de la RSE : enjeux sociaux, environnementaux et nouveaux business models.

O. R : Comment cette dimension RSE se traduit-elle dans nos enseignements ?

A de N :  Nous avons une double volonté. D’une part, dispenser un socle commun de connaissances à l’ensemble de nos étudiants : tous nos nouveaux étudiants – 4 500 chaque année – suivent ainsi la Fresque du Climat et passent le Sulitest. D’autre part, former des spécialistes : dès 2016, nous avons lancé le 1er MSc en Sustainable Finance et à la rentrée 2022 nous proposerons un nouveau MSc Business Transformation for Sustainibility.

Dans notre Programme Grande Ecole, cinq cours fondamentaux sont dédiés aux enjeux de la transition sociale et écologique et des électifs y sont également dédiés.

Nos enseignants chercheurs sont au cœur de la démarche avec notre centre de recherche en sustainability parmi les plus importants en Europe.

Nos étudiants sont particulièrement mobilisés sur tous ces sujets. Aujourd’hui 78% des projets associatifs qu’ils proposent intègrent des critères DD&RS. Et même 50% pour les projets de start up.

O. R : Les déplacements internationaux constituent une très importante source de carbone. Faut-il les limiter ? Se focaliser sur l’Europe?

A de N : C’est un sujet sur lequel nous avons entamé une vraie réflexion en privilégiant, dès que possible, le recours aux mobilités douces et faiblement émettrices de CO2. Mais nous croyons toujours aussi à la valeur des échanges internationaux dans la formation de nos étudiants, dans la compréhension et l’ouverture aux autres cultures car, nous sommes convaincus que la diversité est une chance et une force.

Il faut savoir balancer entre une décision éco-consciente et cette nécessité d’apprentissage. C’est pour cela qu’il faut favoriser les longues durées de séjour. En Programme Grande école nous souhaitons maintenant que les séjours durent  douze mois de suite.

O. R : Les entrées en première année de classe préparatoire ECG semblent en berne cette année. Comment l’analysez-vous, comment inverser la tendance ?

A de N :  Je trouve particulièrement regrettable de voir qu’on va fermer des classes préparatoires de proximité qui sont vectrices d’ouverture sociale. C’est totalement en contradiction avec la volonté affichée du gouvernement de promouvoir l’ouverture sociale des grandes écoles.

La crise sanitaire a empêché beaucoup de rencontres entre les classes préparatoires et leurs futurs élèves. Nous voulons promouvoir ces rencontres et nous soutenons les classes préparatoires sur les salons où nous sommes présents. Ecoles et classes préparatoires doivent communiquer ensemble pour bien faire comprendre la logique d’un cursus en cinq ans. Les journées de présentation par les anciens élèves de leurs écoles dans les lycées sont importantes à ce titre.

O. R : L’hybridation est au cœur des développements de l’enseignement supérieur. Pour Kedge qu’est-ce que cela représente ?

A de N : Tout démarre de ce que souhaitent les entreprises. L’approche par compétence, récente dans les discours et les évaluations, est fondamentale. Or les compétences requises aujourd’hui par les entreprises ne sont plus du tout autant en silos qu’avant. Les entreprises recherchent des ingénieurs-managers. Mais est-ce que cela passe par la juxtaposition de compétences, débouchant sur un double diplôme, ou uniquement par un programme qui crée les compétences d’un ingénieur manager de demain à travers ses cours ?

Nous travaillons aujourd’hui sur une approche de ce type. Avec notre école KEDGE Design School nous proposons déjà des modules de design thinking dans nos programmes pour aller du management vers le design et vice-versa. Nous proposons également à nos étudiants des cours de code et de Data Science avec Le Wagon sous forme de certificat ainsi qu’un programme Ingénieur d’affaires proposant compétences commerciales, managériales, scientifiques et technologiques. Enfin nous lançons à la rentrée 2022 un programme le MSc Data Analytics for Business pour former des professionnels faisant le lien entre les équipes de Data Scientists et les fonctions business de l’entreprise.

O. R : Où en êtes-vous de l’ouverture sociale de Kedge ? Faut-il par exemple « bonifier » les résultats des boursiers lors des concours ?

A de N : Nous ne sommes pas favorables à un système de bonification des boursiers. Le concours est un outil de sélection équitable pour tous. Ce qu’il faut c’est travailler très en amont, dès le lycée, sur la possibilité de trouver des financements. Aujourd’hui un quart de nos étudiants touchent des bourses et autant sont apprentis. Ce qui signifie que la moitié de nos étudiants disposent d’une source de financement alternative. En comptant les bourses Kedge, ce sont ainsi en tout près de 6 millions d’euros qui sont distribués à nos étudiants chaque année.

Par ailleurs une de nos associations étudiantes, Phoénix Egalité des Chances est labellisée Cordée de la Réussite pour certains de ses projets et nous avons 40 référents dans nos programmes d’accompagnement du handicap. Les étudiants en situation de handicap doivent pouvoir suivre la même expérience que tous les autres étudiants.

Notre ouverture sociale est importante mais nous devons encore plus promouvoir l’école dans les quartiers. Nous avons d’ailleurs ouvert à Marseille et Bordeaux l’Ecole Entrepreneuriale, une formation inédite créée avec Apprentis d’Auteuil et dédiée aux jeunes entrepreneurs de 18 à 30 ans issus de quartiers prioritaires, a minima bacheliers. Pendant trois ans nous les formons à niveau licence bac+3 avec le Programme en Management Général. Leurs frais de scolarité sont pris intégralement en charge par notre fondation et nos partenaires et ils reçoivent une bourse de vie..

O. R : Selon la dernière étude de l’Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche (Igésr) sur la recherche dans les Grandes écoles vous êtes celle qui en produit le plus toutes catégories confondues. Sur quelles thématiques en priorité ?

A de N : Sa recherche est une force historique de Kedge. Nos 190 professeurs sont tous quasiment docteurs. Nos centres d’excellence les plus puissants sont en « Développement durable », que j’ai déjà évoqué, « Marketing et nouvelle consommation », « Supply Chain », « Alimentation, vin et hospitalité ». Nos centres d’expertise en « Finance reconsidérée », « Santé et innovation » et « Industries créatives et culture ».

Chaque année nos chercheurs publient plus de 250 articles de recherche et sont cités plus de 150 000 fois. Surtout cette recherche irrigue tous nos programmes et toute notre pédagogie. C’est pour cela qu’il faut toujours être à la pointe de la recherche ! C’est pour cela qu’il faut pouvoir rayonner dans le monde académique.

Mais il faut aussi le faire savoir pour en faire un outil performant de relations avec les entreprises. Avec elles nous développons de plus en plus de chaires et de partenariats tout en définissant ensemble des programmes de formation continue. C’est tout un écosystème qui est irrigué par une recherche dans laquelle nous continuerons à investir massivement. Cette année nous avons recruté 19 nouveaux professeurs dont cinq à six nous ont rejoint le mois de janvier 2022. En 2025 nous devrions avoir 240 professeurs en tout.

 O. R : Quelles sont vos ambitions en termes de développement à 5 ans ?

A de N : Notre budget annuel est cette année de 130 M€, il devrait grimper de 8% en 2023 pour atteindre les 140 M€ et 170 M€ en 2025 soit une hausse de 30%. Toujours d’ici à 2025, les effectifs d’étudiants « fee paying » devraient passer de 10 000 à 15 000. Un développement qui se fera beaucoup à Paris, en bachelor, mastères spécialisés et MSc, en formation continue et à l’international. A Paris nous ouvrons notre bachelor à la rentrée 2022 et nous y attendons une centaine d’étudiants en doublant la superficie du campus. Mais nous n’y dispenserons pas le PGE.

 

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Olivier Rollot est directeur du pôle Information & Data de HEADway Advisory depuis 2012. Il est rédacteur en chef de "l’Essentiel du Sup" (newsletter hebdomadaire), de "l’Essentiel Prépas" (webzine mensuel) et de "Espace Prépas". Ancien directeur de la rédaction de l’Etudiant, ancien rédacteur en chef du Monde Etudiant, Olivier Rollot est également l'un des experts français de la Génération Y à laquelle il a consacré un livre : "La Génération Y" (PUF, 2012).

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