ECOLE D’INGÉNIEURS, ECOLES DE MANAGEMENT, PROGRAMMES, UNIVERSITES

La guerre du bachelor aura-t-elle lieu ?

Tels les Grecs pour Hélène de Troie, les universités vont elles monter à l’assaut de grandes écoles qui leur auraient enlevé le bachelor ? « Nous voulons mettre les choses au clair alors que certains bachelors demandent la reconnaissance de l’Etat et que l’Etat en finance, comme à l’Ecole polytechnique. Si certains veulent que leur diplôme obtienne le grade licence il faut aussi qu’ils aient les prérequis d’une licence. Nous voulons voir clair dans ce dossier et déterminer ceux qui ont ou non le droit de s’appeler bachelor », explique Jean-Loup Salzmann, le président de la Conférence des présidents d’université. Sur son blog le directeur adjoint de Grenoble EM, Jean-François s’interroge : « Est-ce le nouveau champ de bataille entre écoles et universités ? »

Les clés du débat

Sans qu’on puisse exactement chiffrer le phénomène, le nombre de bachelors a spectaculairement progressé en France depuis cinq ans. D’abord apanage des écoles de management, ils commencent à essaimer dans les école d’ingénieurs, jusqu’à l’Ecole polytechnique (sur un modèle payant en 4 ans). Si la volonté des écoles de management d’obtenir un « grade de licence » irrite plus d’un IAE, c’est bien cette nouvelle concurrence d’établissements publics scientifiques qui hérisse des universités qui ont déjà bien du mal à attirer des étudiants dans leurs filières scientifiques. « Les branches professionnelles demandent qu’on forme des cadres intermédiaires. Le bachelor est aujourd’hui la norme à l’international pour former en 3 ou 4 ans après le bac des profils professionnalisés et adaptables. Pour autant toutes les écoles d’ingénieurs ne vont pas forcément se mettre à délivrer des  formations de type bachelor alors que c’est déjà le cas de la plupart des écoles de management », assure la présidente de la Conférence des grandes écoles Anne-Lucie Wack, qui a « proposé  à la CPU de travailler ensemble sur ce dossier dans le cadre des communautés d’universités et d’établissements (Comue) pour répondre au mieux aux besoins du pays ».

Sur EducPros François Cansell, le président de la Cdefi, justement en cours de réflexion sur la création d’un diplôme postbac en trois ans, dit en tout cas ne pas se sentir « visé par le communiqué de la CPU » : « Ce diplôme ne s’appellerait pas ‘Bachelor’ et nous menons nos travaux en relations étroites avec l’Adiut (Association des directeurs d’IUT) ». Et d’insister : « Il est essentiel que nous avancions ensemble, car si ce projet aboutit, il sera porté par les Comues ».

Une opposition multiple

Les IAE ne veulent surtout pas que les bachelors obtiennent le grade de licence (mais reçoivent volontiers leurs titulaires pour peu que le bachelor soit au moins visé), les IUT dénoncent une concurrence qui leur porterait préjudice tout en délivrant des licences professionnelles très spécialisées à la différence des bachelors plus généralistes et ouverts sur le monde (et n’ont pas obtenu le passage de leur diplôme à trois ans), les responsables des licences scientifiques craignent de perdre toujours plus d’étudiants dans des filières déjà désertées (surtout si les bachelors sont pratiquement gratuits, comme aux Arts et Métiers, et à la différence de ce que veut faire l’X), enfin les professeurs de prépas s’insurgent contre de nouveaux challengers. Bref ils sont beaucoup à avoir une bonne raison de détester le bachelor.

Et maintenant ?

Alors que le ministère de l’Education nationale, de l’enseignement supérieur et de la Recherche ne veut surtout pas entendre parler d’un nouveau débat les opposant, grandes écoles et universités commencent à peaufiner leurs arguments. Les universités ne pouvant pas sérieusement songer à s’emparer de l’appellation « bachelor », comme elles l’ont fait avec le master, sans l’utiliser en France, c’est sur le « grade de licence » qu’elles seront intraitables. Dans ces conditions les grandes écoles n’ont que peu d’avantages à obtenir un grade qui serait synonyme d’obligations multiples et risquerait de leur coûter très cher. Se contenter du visa paraît dès lors plus raisonnable pour les écoles de management qui ont largement développé le bachelor.

Consciente du danger et des réticences du ministère devant l’utilisation du terme « bachelor », les écoles d’ingénieurs restent de leur côté très prudentes. Si les Arts et Métiers parlent par exemple de leur bachelor de technologie sur leur site il devient un Diplôme d’Etudes Supérieures de Technologie quand il faut s’y inscrire sur APB…

Olivier Rollot (@ORollot)

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Olivier Rollot est directeur du pôle Information & Data de HEADway Advisory depuis 2012. Il est rédacteur en chef de "l’Essentiel du Sup" (newsletter hebdomadaire), de "l’Essentiel Prépas" (webzine mensuel) et de "Espace Prépas". Ancien directeur de la rédaction de l’Etudiant, ancien rédacteur en chef du Monde Etudiant, Olivier Rollot est également l'un des experts français de la Génération Y à laquelle il a consacré un livre : "La Génération Y" (PUF, 2012).

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