ECOLES DE MANAGEMENT, EMPLOI / SOCIETE

La mode c’est aussi du management: entretien avec Sylvie Ebel, directeur général adjoint de l’Institut français de la mode

L’Institut français de la mode (IFM) est au monde du luxe et de la mode française ce qu’est l’ENA à celui de l’État : un passage pas tout à fait obligé mais plus qu’utile à tous ceux qui veulent entrer dans le management des grandes marques internationales du secteur. Pour autant, l’IFM forme également à des métiers plus artistiques. Son directeur général adjoint, Sylvie Ebel, trace le portrait d’une école vraiment pas comme les autres.

Sylvie Ebel

Olivier Rollot : Vous vous appelez Institut Français de la Mode mais vous formez à un univers plus large ?

Sylvie Ebel : C’est un univers global qui va de Carrefour à Vuitton. Nous avons ainsi beaucoup d’étudiants qui travaillent dans la beauté, par exemple chez L’Oréal. Dans tout ce qu’on appelle les «industries créatives  dont le point commun est la place centrale de la création. Nous nous plaçons au point de rencontre entre le management et la création, ce qui nous distingue bien des écoles de management, d’une part et des écoles de création, d’autre part.

O.R : Vous ne rentrez ainsi dans aucune case. Pour autant votre diplôme «phare», le programme Postgraduate de Management Mode, Design et Luxe, est lui visé par la Commission d’évaluation des formations et diplômes de gestion (CEFDG).

S.E : C’était très important pour nous d’avoir cette reconnaissance. Ce que nous proposons ce sont des programmes accessibles à des étudiants de niveau master qui sont passionnés par les métiers de la mode et du luxe et qui souhaitent suivre un cursus d’un an très professionnalisant. Nous avons été créés par les professionnels de la mode et sommes  soutenus par le ministère de l’Industrie pour former de futurs managers qui comprennent les enjeux de la création. Cette année, afin d’être encore plus international, nous lançons une MSc in International Luxury Management 100% en anglais qui va recevoir une quinzaine d’étudiants venus du monde entier.

O.R : Tous les profils peuvent postuler le programme management ?

S.E : Oui, nous recevons d’abord environ 40% d’étudiants issus d’écoles de commerce ou de masters en gestion mais aussi des diplômés de Sciences Po, des littéraires, des diplômés d’écoles de mode et, de plus en plus, des ingénieurs textiles mais aussi généralistes. Parmi tous ceux-là un tiers ont déjà travaillé et les étrangers représentent un bon quart de nos effectifs. Notre sélection s’effectue après un long processus d’examen des dossiers et d’oraux. Nous cherchons à créer des promotions qui présentent une vraie richesse de profils et cette diversité est très appréciée par les entreprises.

O.R : Quand on pense au luxe on imagine des métiers créatifs, d’autres dans le marketing mais les principaux débouchés ne sont pas forcément là ?

S.E : Nous essayons de mettre en adéquation l’appétence formidable qu’ont les jeunes du monde entier pour la mode et le luxe et la réalité de l’emploi. Il n’y a pas 300 000 emplois à pourvoir dans la création alors que tout le monde y pense, notamment en France où il y a beaucoup d’écoles de mode, sans avoir forcément le talent et la personnalité pour y percer. La majorité des emplois se trouve à l’international et dans le «retail», les magasins, la vente.

Nos étudiants en sont d’ailleurs de plus en plus conscients : cela a même été pour nous une heureuse surprise de voir que la voie un peu plus spécialisée dans le domaine que nous avons ouverte avait été choisie plus de 40% de la dernière promotion. Le passage par le magasin est extrêmement formateur pour tous ceux qui veulent faire carrière dans le luxe et la mode.

O.R : Le secteur se porte toujours aussi bien même en période de crise ?

S.E : Même s’il faut un peu plus de temps pour trouver aujourd’hui un emploi, le luxe reste très porteur. En période de crise, la plus-value de l’IFM est encore plus forte car nous sommes les seuls à être 100% positionnés sur le secteur.  Les autres écoles de management proposent des masters dans le luxe mais ce ne sont que des formations parmi d’autres. C’est la même chose pour les écoles de création quand elles proposent de se former au management.

L’IFM bénéficie de la confiance des professionnels comme le prouvent nos activités de formation continue et les 2 000 personnes que nous formons chaque année, notamment dans le cadre d’un Executive-MBA. Nous avons aussi développé une activité de recherche qui est le prolongement naturel de notre mission.

L’IFM est installé en bord de Seine, dans les Docks – Cité de la mode et du design (©JamesEwing2009)

O.R : Vos formations sont assez chères, 12 000 euros pour la formation en management, 19 000 euros pour votre nouveau MSc, est-il possible d’obtenir des bourses ?

S.E : A l’échelle internationale ce ne sont pas des formations chères. Surtout, le «Cercle IFM», qui comprend les plus grandes entreprises françaises de la mode et du luxe, nous permet de distribuer des bourses qui peuvent aller jusqu’à 85% des coûts de scolarité. En tout, 40% de nos étudiants en bénéficient aujourd’hui.

O.R : A côté de ces programmes en management vous formez également aux métiers plus artistiques.

S.E : Nous proposons effectivement trois programmes de création d’un an, 100% en anglais, avec trois majeures: «accessory», « fashion » et, depuis cette année, « image », un domaine en plein développement dans le luxe et la mode. Là nous recrutons des profils plus spécifiques, qui peuvent venir d’écoles de mode comme d’art, qui possèdent déjà une bonne formation technique.

Il y a une forte demande des entreprises pour toutes ces formations qui permettent aux créateurs d’apprendre à travailler sous contrainte. La réalité des contraintes industrielles est parfois une découverte colossale pour certains créatifs. Dans nos formations, ils profitent de l’aide d’entreprises qui mettent à disposition leurs usines et leurs techniciens. De plus, ils sont en contact avec les futurs managers que nous formons pour concevoir des projets de start up. Être créatif est l’un des métiers les plus difficiles à exercer.

 

  • La Summer School de l’IFM
  • L’intérêt pour la mode et le luxe est tel que l’IFM organise la Summer School tout l’été pour les lycéens et les étudiants qui veulent mieux connaître le secteur. Il est même possibled’améliorer son anglais en axant l’apprentissage sur le vocabulaire de la mode.
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Olivier Rollot est directeur du pôle Information & Data de HEADway Advisory depuis 2012. Il est rédacteur en chef de "l’Essentiel du Sup" (newsletter hebdomadaire), de "l’Essentiel Prépas" (webzine mensuel) et de "Espace Prépas". Ancien directeur de la rédaction de l’Etudiant, ancien rédacteur en chef du Monde Etudiant, Olivier Rollot est également l'un des experts français de la Génération Y à laquelle il a consacré un livre : "La Génération Y" (PUF, 2012).

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