Il vient de quitter la directeur général de TBS après un mandat de cinq ans et une carrière qui lui a notamment permis de diriger Reims MS avant sa fusion avec Rouen BS et la naissance de Neoma dont il a également été directeur général adjoint. François Bonvalet nous livre son regard expert sur un univers des écoles de management en plein bouleversement. (Photo M Huynh)
Olivier Rollot : Vous quittez la direction de TBS après cinq ans à sa tête. Quel bilan en tirez-vous ?
François Bonvalet : Je pars en laissant une situation financière saine, des réaccréditations obtenues ou sur la bonne voie et des programmes qui ont fait le plein, notamment le bachelor qui rencontre un succès toujours croissant, ou encore un recrutement de professeurs très positif avec aujourd’hui 109 professeurs dont la moitié d’étrangers. Un bilan positif conforté par la mise en place de l’EESC (établissement d’enseignement supérieur consulaire). Il faut savoir partir au bon moment !
O. R : Le traumatisme qu’a connu l’école suite à votre échec à remplir les places ouvertes aux élèves de classes préparatoires en 2018 est bien oublié ?
F. B : Il l’est doublement avec en prime un effet collatéral positif.
Tout d’abord sur le plan du recrutement par voie classes préparatoires. Nous avons cette année rempli à la jauge annoncée, en gardant plusieurs centaines d’étudiants de la liste d’attente. Donc clairement nous avions améliorer la sélectivité. Ensuite les admissions parallèles ont sur performées et l’afflux de candidats bien au-delà de nos prévisions les plus optimistes a été une belle récompense aux efforts déployés. Par ailleurs la conséquence économique, est que la perte constatée l’année dernière est plus que compensée cette année. Ce qui s’est passé en septembre 2018 n’aura donc finalement grâce à cette performance, aucune conséquence économique pour TBS. Enfin, face à l’adversité, la maison TBS a su se mobiliser dans son intégralité et appliquer le plan de reconquête. Ce qui a redonné confiance aux équipes.
O. R : Quels sont les points forts de TBS que vous identifiez aujourd’hui ?
F. B : Evidemment l’aéronautique et le spatial dans une ville très dynamique. Nous avons également décidé de nous investir fortement sur l’intelligence artificielle (IA) et notamment sur son application dans les processus de décision et en aéronautique plus spécialement. Nous avons aujourd’hui deux professeurs spécialisés entourés d’une dizaine d’autres. Nous nous intéressons également beaucoup à la mobilité au sens large – pas seulement dans l’aéronautique – avec la pression des problèmes climatiques. Plus globalement la qualité académique et la présence à l’international sont d’indéniables points forts.
O. R : Le modèle EESC fonctionne bien ? On n’a pas l’impression qu’il permette d’intéresser des actionnaires ?
F. B : Le passage en EESC a été une excellente chose qui a donné de l’autonomie de gestion à l’école. Pour autant, l’internationalisation de la gouvernance reste encore à augmenter et il faudra dans l’avenir suivre le poids de la présence consulaire dans les prises de décisions stratégiques. Mais à date le modèle fonctionne bien. L’une des difficultés majeures demeure la gestion concomitante de personnels restés sous statut consulaire avec ceux sous statut EESC.
Pour ce qui concerne la levée de fonds elle est effectivement bridée par l’absence de versement de dividendes, mais la perspective d’une plus-value de sortie après plusieurs années de développement peut être suffisamment attractive pour des investisseurs qui veulent donner du sens à leur investissement, en accompagnant une Grande école. De toute façon, une évolution du statut permettant la distribution de tout ou partie de dividendes, conduirait inéluctablement à la révision du statut fiscal des EESC, ce qui ne serait pas sans conséquences.
O. R : D’autres modèles sont-ils possibles ?
F. B : Le monde des écoles de management est en plein évolution et exige de nous la définition périodique de nouvelles stratégies. Quel est le bon modèle ? Celui de emlyon nous interroge. Jusqu’à présent deux mondes cohabitaient : celui des écoles privées et celui des écoles consulaires. Les premières, moins à même de construire une excellence pérenne que les secondes, mais souvent capables d’une performance économique remarquable et de fait supérieure. emlyon entend aujourd’hui construire un modèle qui conjugue les deux. Nul doute qu’il faudra suivre de très près cette évolution.
O. R : Quel rôle jouent les classes préparatoires dans cet environnement ?
F. B : La question de la reconfiguration du modèle de la Grandes écoles autour des CPGE se pose dans la mesure où nous sommes bien obligés de constater que les inscriptions en classes prépas sont en baisse. Il y a quelques années un bon élève entrait naturellement en classe préparatoire. Aujourd’hui les bachelors semblent à beaucoup de jeunes plus épanouissants. D’autant qu’ils savent pouvoir intégrer ensuite de très bonnes écoles, qui étaient auparavant réservées aux élèves de classes préparatoires. Et à la sortie nous ne voyons pas de différence entre les deux profils. Peut-être parce qu’après avoir travaillé très durement pendant deux ans les élèves de classes préparatoires sont un peu moins sous pression une fois dans l’école. Enfin les entreprises et les DRH privilégient de moins en moins les diplômés issus de classes préparatoires dans leur recrutement, ce qui n’était pas le cas avant.
O. R : La réforme du bac est l’occasion pour les classes préparatoires de se réformer. Que leur conseillez-vous de faire ?
F. B : Il ne faut pas que les classes préparatoires tentent de ressembler à des bachelors. Elles doivent se renforcer autour de ce qui fait leur histoire : l’excellence, la « musculation cérébrale », la capacité à pousser les élèves dans leurs retranchements, la Culture Générale avec un grand « C » et un grand « G ». Demain les classes préparatoires seront-elles réservées à une élite intellectuelle très académique? C’est une vraie question.
O. R : Quelles autres grandes évolutions voyez-vous arriver dans les écoles de management ?
F. B : Demain, je pense que nous verrons peut-être des écoles concentrées d’un côté sur leurs bachelors, avec une quatrième année à l’international sanctionnée par un « Bachelor with Honors », et deux voies parallèles en 3 ans : l’une conduisant à l’emploi, l’autre au master Grande Ecole ou à des masters 1 et 2 ouverts sur toutes sortes de spécialités. Les Ecoles développeront par ailleurs des activités de formation continue dans une véritable dynamique de « Life long learning », où l’on peut supposer que les compétences et leurs qualifications, primeront sur les diplômes.
Enfin, nous constatons la demande des entreprises pour des profils hybrides, tout en étant bien obligés de constater qu’il y a peu de volontaires pour suivre ce type de programmes.
O. R : Comment la réforme de la formation continue et de l’apprentissage peut-elle impacter les écoles?
F. B : Nous ne devons surtout pas perdre de positions vis à vis des structures privées qui sont en train de naître un peu partout. Et notamment dans des entreprises qui deviennent de plus en plus elles-mêmes des formateurs. Le passage aux blocs de compétences a été pour nous un changement majeur.
Aujourd’hui TBS ne fait pas encore beaucoup de formation continue sur mesure, mais gagne des contrats grâce à une nouvelle équipe commerciale. Quant à la formation « sur étagère » elle n’est pas encore assez implantée face à des acteurs spécialisés comme Cegos ou Demos. Pour progresser nous avons décidé d’ouvrir maintenant nos programmes quel que soit le nombre de candidats inscrits.
O. R : Autre sujet majeur pour les écoles de management françaises : l’international. On peut sans doute affirmer que c’est l’un de vos points forts ?
F. B : Le programme « Bienvenue en France » est une bonne initiative mais nous devrions pouvoir disposer de plus de bourses. Aujourd’hui TBS est présent depuis plus de vingt ans avec succès à Barcelone. A Londres nous attendons de voir ce qu’il adviendra du Brexit pour nous investir. Enfin Casablanca est une très belle implantation dans laquelle nous avons investi de gros moyens. TBS réfléchit à d’autres implantations en Afrique, (des projets au Burkina, au Sénégal, ou à Maurice), qui sont autant de marchés formidables pour les business schools françaises.
O. R : Et pour les entreprises comment évoluent vos diplômés ?
F. B : C’est une génération de diplômés qui est très concernée par le sens de leurs actions, de ceux pour qui ils travailleront, de l’impact sociétal de leurs actions…
Ils veulent beaucoup et rapidement, la notions de « faire carrière » a du plomb dans l’aile… mais je n’ai aucun doute sur leur capacité à inventer de nouveaux modèles de management et d’organisation.
Bonjour Mr Rollot tout d’abord merci pour cet article le monde des écoles de management est en plein évolution c’est vraiment la réalité je suis avec vous sur ce point la !!