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L’enseignement supérieur à l’ère ChatGPT

A peine la question du distanciel parvenue à un certaine maturité, les espérances des métavers repoussées aux calendes grecques, l’enseignement supérieur s’est vu confronté à un défi bien plus puissant début 2023 avec l’arrivée de ChatGPT et des différents outils d’Intelligence artificielle (IA). Le point sur ses développements les plus récents et un nouveau test pour comprendre comment ChatGPT s’améliore en permanence.

Et ChatGPT vint tout disrupter…  ChatGPT offre une sorte de miroir inversé à l’enseignement supérieur dans sa mission essentielle : Que vaut la production de connaissance quand une IA produit cette connaissance ? Certes ChatGPT ne produit aujourd’hui que des contenus écrits relativement basiques – avec encore pas mal d’erreurs au milieu d’excellentes démonstrations – mais c’est ceux qu’on demande essentiellement au lycée et encore largement dans les premières années de l’enseignement supérieur. ChatGPT va-t-il disrupter l’enseignement supérieur ? s’interroge donc le directeur général du Pôle Léonard de Vinci, Sébastien Tran qui note que « l’une des forces de ChatGPT est que ses usages sont multiples (correction de codes, résumé d’articles, synthèse sur un sujet, etc.) et que l’outil est en capacité de donner clé en main une réponse à une requête dans un format intelligible, diffusable et modifiable ».

Même réflexion du côté de Stéphane Justeau, doyen associé à la pédagogie de l’Essca, qui estime que « plutôt que de le fuir, l’ignorer et considérer que les élèves feront de même, les institutions d’enseignement doivent rapidement s’emparer de l’outil au risque de se faire dépasser, déborder. D’autant plus que l’outil peut aussi présenter de gros avantages pour les enseignants et peut être mis au service de l’apprentissage si nous l’utilisons judicieusement ».

De nouveaux métiers. Avec la montée en puissance de l’IA la fonction qui va monter dans les entreprises est celle de « prompt engineer », c’est-à-dire du professionnel qui sait poser les bonnes questions aux intelligences artificielles comme l’explique Alain Goudey, le directeur de la Transformation digitale de Neoma, dans son article L’art du prompt ou prompt engineering dans ChatGPT : « Un prompt, est la phrase ou la demande que vous envoyez à un modèle de langage (Large Language Model ou LLM) pour obtenir en retour une réponse / un résultat. La qualité de la réponse dépend en (très) grande partie de la qualité du prompt en entrée. Les LLM étant une forme de réponse statistique contextuelle. C’est là que l’art du prompt ou prompt engineering entre en jeu ».

Un « art du prompt » qui va bien évoluer dans les années à venir. Directeur de la recherche fondamentale sur l’intelligence artificielle du groupe Meta, Yann Le Cun vient de publier Quand la machine apprend (Odile Jacob Poches, 2023). Sur le site Usbek & Rika il explique que « pour l’instant, avec de tels modèles, on n’arrive pas à produire de textes longs et cohérents. Ces systèmes ne sont pas pilotables : on n’arrive pas à planifier leurs réponses. Par exemple, on ne peut pas demander à ChatGPT de produire un texte qui serait absolument compréhensible par un enfant de 13 ans. Par ailleurs, les textes produits par ChatGPT ne sont pas fiables en tant que sources d’information. Ils sont plutôt à envisager comme des systèmes d’aide à la conduite : de la même manière qu’il convient de garder les mains sur le volant dans une voiture autonome, il faut encore « garder les mains sur le clavier », si j’ose dire, quand on utilise des outils comme ChatGPT ».

C’est entre autres pour répondre à ces nouveaux défis que l’Edhec lance TechMeUp ! Certified en partenariat avec Microsoft. Ce programme de formation 100% digital qui vise à « développer, chez les étudiants, des compétences ainsi qu’une appétence pour les enjeux de la data et de l’intelligence artificielle ». A la rentrée prochaine, les étudiants auront accès, via une plateforme numérique, à un socle de connaissances fondamentales élaboré avec Microsoft, qui leur délivrera un certificat à l’issue de ce cursus. Cerise IA sur la gâteau : les étudiants pourront vivre ainsi une expérience d’apprentissage complète virtuelle et bénéficier d’un suivi personnalisé grâce aux conseils de Mia, run « robot-compagnon » qui les guidera tout au long de leur cursus.

La question de l’évaluation est posée. En février 2023 ne vingtaine d’étudiants de l’Université de Strasbourg avaient ainsi utilisé ChatGPT lors d’un examen en distanciel. Ils ont dû le repasser en présentiel. Sciences Po a également interdit son usage « lors de la production de travaux écrits ou oraux sous peine de sanctions qui peuvent aller jusqu’à l’exclusion de l’établissement voire de l’enseignement supérieur ».

Aux Etats-Unis il a été établi que ChatGPT aurait obtenu une note de B à B- à l’examen final du MBA de Wharton, l’un des meilleurs au monde. Dans son article Would Chat GPT Get a Wharton MBA? Le directeur du Mack Institute de la business school, Christian Terwiesch évoquait ainsi en janvier 2023  la « performance académique » de Chat GPT : « Il fait un travail incroyable sur les questions de gestion des opérations de base et d’analyse des processus, y compris celles qui sont basées sur des études de cas. Non seulement les réponses sont correctes, mais les explications sont excellentes. » Ce qui n’empêchait pas des erreurs surprenantes dans des calculs relativement simples. Mais surtout ChatGPT n’est « pas capable de gérer des questions d’analyse de processus plus avancées, même lorsqu’elles sont basées sur des modèles assez standard ».

Dans une tribune publiée par Challenges le directeur de la transformation digitale d’Excelia, Anthony Hié, en concluait est que les cela « questionnait la fiabilité des résultats des évaluations et les modalités de leur réalisation. De plus, l’IA, sans intervention humaine n’est d’aucun secours pour mesurer avec fiabilité l’acquisition des softskills, pourtant au cœur même du modèle de formation des écoles de management. Dans ce contexte, il est plus que temps de réinterroger nos modes d’évaluation sous peine de voir notre système éducatif dépassé ».

Dans ces conditions peut-on encore noter des devoirs réalisés en dehors d’une salle de classe ou d’examen, sans contrôle de l’utilisation d’une IA ? « Le devoir à la maison doit être pensé différemment. Il faut évaluer les traces d’apprentissages, le cheminement plutôt que le résultat final, demander des traces orales et de synthétiser des dossiers documentaires » analyse Stéphane Justeau qui remarque aussi que « de grandes université parlent déjà du retour, pour toutes les évaluations, du devoir sur table avec papier et crayon… »

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Olivier Rollot est directeur du pôle Information & Data de HEADway Advisory depuis 2012. Il est rédacteur en chef de "l’Essentiel du Sup" (newsletter hebdomadaire), de "l’Essentiel Prépas" (webzine mensuel) et de "Espace Prépas". Ancien directeur de la rédaction de l’Etudiant, ancien rédacteur en chef du Monde Etudiant, Olivier Rollot est également l'un des experts français de la Génération Y à laquelle il a consacré un livre : "La Génération Y" (PUF, 2012).

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