CLASSES PREPAS, ECOLE D’INGÉNIEURS, ECOLES DE MANAGEMENT

Les classes préparatoires s’interrogent sur leur avenir

« Les effectifs en classes préparatoires aux grandes écoles de nouveau en baisse à la rentrée 2022-2023 » titre le SIES dans sa note publiée en février qui établit que la baisse du nombre d’élèves est, pour la deuxième année consécutive, de 2,6%. « Nous avons quelques inquiétudes après une longue période de stabilité. La réforme a effectivement affaibli le vivier des élèves faisant plus de 3 heures de mathématiques par semaine : nous sommes passés de 330 000 élèves (bac S + ES) à environ 205 000 (spécialité maths + option maths complémentaires) », analyse Denis Choimet, le président de l’association des classe préparatoires scientifiques, l’UPS. Mais l’inquiétude est beaucoup plus palpable du côté des classe préparatoires économiques et commerciales, particulièrement impactées en 2021 avec une baisse de 13% des nouveaux élèves. Un projet de réforme envisagé pour la rentrée 2024 y soulève la colère des professeurs alors que la fermeture de dizaines de classes est envisagée au vu de la baisse des effectifs.

Toutes les CPGE touchées…  sauf les littéraires. À la rentrée 2022, 81 200 étudiants sont inscrits en classes préparatoires aux grandes écoles (CPGE). Un effectif qui diminue de nouveau par rapport à la rentrée 2021 (-2,6 %) et touche les deux années de formation : – 3,8% en 2nde année et -1,5% en 1ère année.

Si la chute avait touché essentiellement les classe préparatoires EC en 2021, la baisse continue donc en première année et touche aussi bien filières scientifiques (-3,2%) qu’économiques et commerciales (-2,9%), les femmes (-3,4%) comme les hommes (-2,1%). « Les prépas PTSI ont été fragilisées par la réforme du bac qui oblige à l’abandon de la troisième spécialité en terminale : la spécialité SI (Sciences de l’ingénieur) en a sévèrement pâti. Un autre point d’inquiétude concerne les classes préparatoires technologiques, qui accueillent des bacheliers STI2D et STL. Elles sont touchées par la baisse des effectifs du lycée technologique, mais peut-être plus encore par l’instauration de quotas de bacheliers technologiques dans les IUT », commente Denis Choimet.

La diminution des effectifs de 2nde année s’explique quant à elle en partie par celle du nombre de redoublements (- 650 soit une chute de 9,8%) à la rentrée 2022. Cette baisse concerne principalement les filières scientifiques (-11%), qui comptent 4 000 redoublants à la rentrée 2022, et les filières économiques (-16% pour 800 redoublements au total). En filière littéraire, cette baisse est moins forte (-2% pour 1 200 redoublants au total).

La filière littéraire est la seule qui ne voit pas son effectif diminuer à la rentrée 2022 puisqu’elle progresse de 0,2%. Cette faible évolution masque une légère baisse du nombre d’étudiantes (-1,3%), qui représentent sept étudiants sur dix. Au contraire, les effectifs masculins progressent de 4,1%.

Par ailleurs les établissements publics sont moins touchés que les établissements privés par la baisse : respectivement de 2,8% et 5%. Enfin l’effectif d’inscrits en Ile-de-France reste stable (+0,8%). En revanche, les autres capitales régionales métropolitaines et le reste de la France voient leurs effectifs diminuer cette année de respectivement 3,6% et 3,5%.

Qui sont les nouveaux élèves ? À la rentrée 2022, 39 700 étudiants sont entrés en première année de CPGE. Le nombre de nouveaux entrants fléchit légèrement par rapport à la rentrée précédente (-1,4% soit une baisse de 600 étudiants), sans pour autant égaler la baisse du nombre de bacheliers généraux observée à la session de juin 2022 (-3,4%). Ce taux de diminution des nouveaux entrants se retrouve uniquement en filière scientifique (-3,5% et 900 étudiants de moins).

C’est une conséquence immédiate de la réforme du bac et de la baisse du nombre de filles inscrites en spécialité mathématiques en terminale. Dans les classes préparatoires EC la baisse est principalement due à celle du nombre d’inscrites dans cette filière (510 étudiantes de moins, soit une baisse de 5,5 %), le nombre d’hommes inscrits restant stable (-0,2 %).

Bac par bac :

  • les néo-bacheliers généraux sont largement majoritaires. Ils représentent84% des nouveaux inscrits en filière économique, 92% enfilière scientifique et 97% en filière littéraire ;
  • les néo-bacheliers technologiques composent 12% del’effectif des nouveaux entrants en filière économique et5% en filière scientifique. Ils sont quasi-absents de la filière littéraire (0,1 %) ;
  • la part des néo-bacheliers professionnels est inférieure à 1% quelle que soit la filière considérée.

La bataille des mathématiques de la filière EC. C’est entendu : il faut apporter des changements à la filière EC pour la relancer mais lesquels ? C’est tout l’enjeu d’une négociation quadripartite menée par l’Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche (Igésr), l’Association des proviseurs de lycées à classes préparatoires aux grandes écoles (APLCPGE), l’Association des professeurs de classes préparatoires économiques et commerciales (APHEC) et la Conférence des directeurs des écoles françaises de management (Cdefm).

Dans ce cadre la part des mathématiques cristallise les oppositions. D’un côté l’Igésr préconise la création un enseignement obligatoire de cinq heures. Un peu sur le modèle du bac, elles seraient complétées par trois ou quatre heures d’option supplémentaire (dites de « mathématiques avancées ») pour ceux qui souhaitent intégrer les écoles de premier plan et dont les épreuves de mathématiques resteront les plus difficiles.

Les professeurs de classes préparatoires préféreraient quant à eux qu’on conserve les deux voies d’accès actuelles avec, d’un côté neuf heures de mathématiques comme dans l’actuelle voie « mathématiques approfondies », de l’autre un nombre plus réduit en « mathématiques appliquées ».

Dans les deux cas il s’agit ainsi d’attirer un public qui s’est détourné des classes préparatoires, et notamment des filles comme on l’a vu plus haut. « Mais cela créerait des groupes hétérogènes en mettant dans les mêmes classes des lycéens ayant suivi seulement les trois heures de mathématiques complémentaires de terminale comme ceux qui ont suivi les 6 heures de spécialité, voire les trois heures supplémentaires de la spécialité mathématiques expertes », stigmatise l’Aphec. Dans tous les cas les professeurs de mathématiques s’inquiètent forcément de la pérennité de leurs services et de leurs revenus. Mais ils ne sont pas les seuls.

D’autres modifications ont été proposées par l’Igésr tout au long d’une négociation qui a vu des dizaines d’options envisagées :

  • trois heures pourraient être consacrées chaque semaine à un enseignement l’enseignements de la « transition écologique » dans l’esprit de ce que le MESR demande à l’ensemble des filières de bac+2. Mais comment les évaluer dans les concours ? Les écoles ont proposé la création de TIPE (travail d’initiative personnelle encadré), sans écho positif du côté des professeurs ;
  • diversifier les options dès la première année : mathématiques ou histoire, géographie et géopolitique du monde contemporain (HGG) ou économie, sociologie et histoire du monde contemporain (ESH), etc. ;
  • diminuer d’une heure les cours de culture générale (philosophie-lettres) en deuxième année, voire supprimer le thème au profit de l’enseignements de « transition écologique ».

Les professeurs de prépas se rebiffent. Face à ces projets une large communauté de professeurs est entrée en opposition. Il y eut d’abord une lettre ouverte de 400 professeurs de prépa contre la « réforme de la réforme » en ECG publiée sur le site Major Prépa le 8 février. Les professeurs s’y inquiètent notamment des « inégalités territoriales » que pourrait faire naitre la réforme. Selon eux l’option « mathématiques avancées » ne serait en effet pas « proposée dans tous les lycées, mais pourrait l’être seulement dans les « grandes prépas », fermant ainsi peu ou prou aux élèves des « petites prépas » de province ou de banlieues l’accès aux écoles du top 5 ».

Le 17 février, le lendemain d’une nouvelle journée de négociations, l’APHEC publiait quant à elle un « Appel à Madame Sylvie RETAILLEAU, ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, et à Monsieur Pap NDIAYE, ministre de l’Éducation nationale et de la Jeunesse » demandant le retrait du projet de déconstruction des classes préparatoires économiques et commerciales ECG, initié par le gouvernement. Un appel qui vilipendait un projet « mené avec la complicité d’un petit nombre d’écoles et sans aucune concertation avec les professeurs des classes préparatoires ECG ». Les professeurs reprochent notamment au projet d’« affaiblir considérablement le niveau des mathématiques, ainsi que celui de la philosophie et des lettres, alors même que la pluridisciplinarité constitue l’atout essentiel des classes préparatoires ECG » et de « détruire et précariser de nombreux postes de professeurs ».

Enfin la Société des agrégés s’engageait contre la réforme dans un communiqué où elle lui expliquait qu’elle « altérerait notamment l’enseignement des mathématiques, des lettres et de la philosophie, dégraderait l’attractivité de cette filière et conduirait à la fermeture de nombreuses classes ».

  • Les professeurs de classes préparatoires demandent également qu’un diplôme, accolé au grade de licence, soit accordé à leurs anciens élèves après une année dans l’école, et que des parcours spécifiques soient proposés à leurs seuls élèves. Des propositions difficiles à accepter pour les écoles car elles seraient mal ressenties par leurs autres élèves.

Quand CPGE et écoles s’opposent. Au vu de l’attrition des candidats qu’a provoqué la chute de 13% des inscriptions en 2021, de nombreuses écoles de management post prépas craignent de ne pouvoir recruter aucun élève de classe préparatoire en 2023. Au point de devoir réviser totalement leur politique de recrutement ? Le directeur de l’EDC, école postbac en cinq ans, William Hurst, prévient : « Au vu de l’évolution des effectifs en classes préparatoires je crois que dans cinq ans toutes les écoles recruteront en PGE à la fois en postbac et en post prépas ».

Mais les écoles de management n’ont-elles pas joué aux apprenties sorcières, en ouvrant largement leurs portes aux étudiants issus d’autres filières et en créant des bachelors qui font se détourner les élèves des classes préparatoires ? C’est ce que leur reproche l’APHEC par la voix d’Alain Joyeux : « Les écoles possèdent une pluralité de voies d’accès et ont tendance à promouvoir avant tout leurs bachelors lors des salons d’orientation, plutôt que toute la filière CPGE / GE dont elles ne parlent quasiment jamais. Il faudrait plus d’équilibre dans la promotion des différentes voies d’accès et nous appelons la Conférence des directeurs des écoles françaises de management (Cdefm) à faire beaucoup plus d’efforts de communication en faveur des CPGE ». Les écoles répondent que le nombre d’étudiants recrutés en PGE passés par leur bachelor est extrêmement faible, voire nul dans la plupart.

L’inquiétude reste en revanche mesurée du côté des professeurs des classes préparatoires scientifiques comme le précise Denis Choimet. « Les bachelors sont des formations en 3 ans dont le positionnement est assez différent de celui des classes préparatoires : ce sont des formations techniques destinées à former des diplômés immédiatement opérationnels, alors que le cursus prépa/grande école est conçu aller beaucoup plus loin. Il importe de bien informer les lycéens des spécificités de chaque parcours afin qu’ils puissent faire des choix éclairés ». CQFD…

 

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Olivier Rollot est directeur du pôle Information & Data de HEADway Advisory depuis 2012. Il est rédacteur en chef de "l’Essentiel du Sup" (newsletter hebdomadaire), de "l’Essentiel Prépas" (webzine mensuel) et de "Espace Prépas". Ancien directeur de la rédaction de l’Etudiant, ancien rédacteur en chef du Monde Etudiant, Olivier Rollot est également l'un des experts français de la Génération Y à laquelle il a consacré un livre : "La Génération Y" (PUF, 2012).

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