ECOLE D’INGÉNIEURS, ECOLES DE MANAGEMENT, EMPLOI / SOCIETE

« Les établissements de la Fesic ont su gérer la crise de façon remarquable »

Dans une tribune Philippe Choquet, le président de la Fesic et directeur de l’école d’ingénieurs UniLaSalle, demande qu’on ne laisse pas les stagiaires, alternants et jeunes diplômés au « bord du chemin de la relance économique ». Il revient également avec nous sur les conséquences financières de la crise post Covid-19 pour ses écoles.

 Olivier Rollot : Le gouvernement a pris des mesures fortes pour les apprentis en prenant quasiment totalement en charge le coût de la première année pour les entreprises qui en embauchent. Mais seulement jusqu’en licence ! On imagine que vous ne vous en contentez pas ?

Philippe Choquet : Le gouvernement a compris la nécessité de soutenir l’apprentissage mais, comme vous le soulignez, uniquement jusqu’à bac+3. Cela exclut la plupart des programmes des Grandes écoles mais aussi toute une partie de PME. Celle-ci ont besoin de renforcer leurs compétences mais sont parfois frileuses quand il s’agit de recruter des ingénieurs ou des managers. En recrutant des apprentis de ce niveau ils peuvent en voir le bénéfice deux ans après.

C’est vraiment dommage qu’un effet Covid-19 vienne ralentir la machine alors que, dans les Grandes écoles, c’est essentiellement à la fin de cursus que les étudiants sont en apprentissage. Des étudiants parfois défavorisés socialement pour lesquels le recours à l’apprentissage permet de financer leur cursus. L’apprentissage permet aussi une vraie diversité dans le recrutement.

 O. R : Toutes les écoles sont-elles également touchées par cette question du financement de l’apprentissage ?

P. C : L’inquiétude est très variable selon les secteurs. L’agriculture et l’agro-alimentaire sont peu touchés et UniLasalle que je dirige forcément moins que d’autres. Nous sommes surtout inquiets sur le devenir de nos diplômés de l’année. Nous avons activé tous nos réseaux, toutes les associations d’alumni, pour leur permettre de trouver d’abord un stage puis un emploi. Mais nous nous attendons de toute façon à vivre des jours compliqués.

O. R : Cette crise va-t-elle déboucher sur une augmentation du nombre de diplômés qui vont finalement opter pour des poursuites d’études plutôt que de se risquer sur un marché de l’emploi tendu ?

P. C : La crise est intervenue alors que le marché de l’emploi était au vert. Et même au vert foncé. Les étudiants n’ont pas forcément eu le temps d’envisager un plan B. Il faudra voir à l’automne.

O. R : Moins de formation continue, moins d’étudiants internationaux, moins de chaires de recherche, comment les établissements de la Fesic vont-ils pouvoir résister à la crise économique post Covid-19 ?

P. C : Nos établissements ont su gérer la crise de façon remarquable avec le recours au distanciel. Les organisations ont tenu et l’impact reste modéré dans cette première phase. L’avenir est plus incertain. Les écoles recevant un taux important d’étudiants étrangers vont être handicapées avec des élèves qui, constatant qu’ils ne pourraient pas venir, jetteraient l’éponge. Les partenariats avec les entreprises risquent également d’être réduits, qu’il s’agisse de recherche ou de versement de la taxe d’apprentissage. D’autant qu’il y avait toute une dimension marketing dans leurs financements, notamment pour recruter des jeunes diplômés sur un marché qui était très porteur.

Si l’année 2020-21 démarre sur un mode pas trop dégradé cela ira. Mais cela sera très compliqué s’il y a un nouveau confinement. Jusqu’ici l’Etat honore ses engagements mais pourra-t-il demain toujours soutenir les écoles notamment de commerce ? Faute d’étudiants internationaux les écoles les plus cotées vont recruter plus d’étudiants français. Par ricochet, les plus petites écoles de commerce risquent d’être privées d’une partie de leurs candidats.

O. R : Que répondez-vous à ceux qui demandent que les frais de scolarité soient moins élevés du fait du passage au distanciel ?

P. C : Nous avons dû réaliser cette année des investissements supplémentaires en termes de pédagogie. Nous n’avons pas fait d’économie. Nous en ferions si nous étions de manière pérenne en distanciel mais certainement pas avec le distanciel exceptionnel que nous avons dû délivrer ces derniers mois. En plus des adaptations nécessaires à la continuité pédagogique, nous avons également investi pour assurer les conditions de protection de nos salariés dans la phase du déconfinement. La question est aussi celle du contenu de la formation : nos exigences sont maintenues, malgré cette période de crise, la qualité des diplômes délivrés est identique aux années passées !

O. R : Votre modèle économique est-il assez robuste ?

P. C : Les écoles de la Fesic sont des associations à but non lucratif en contrat avec l’Etat, qualifiés EESPIG (établissement d’enseignement supérieur privé d’intérêt général). Pour répondre aux besoins d’encadrement et à nos missions de service publics d’enseignement supérieur et de recherche, nous avons besoin de posséder une masse salariale relativement importante. C’est un modèle économique fragile avec des contraintes importantes liées à la participation au service public. Songez qu’un de nos étudiants coûte chaque année à l’Etat entre 600 et 800€. S’il fallait le recevoir dans l’enseignement public, il en coûterait entre quinze à vingt fois plus à la puissance publique.

En résumé nous allons essayer de poursuivre l’effort collectif qui a commencé. Nous sommes parvenus à passer la première vague. S’il en venait une deuxième ce serait très compliqué.

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Olivier Rollot est directeur du pôle Information & Data de HEADway Advisory depuis 2012. Il est rédacteur en chef de "l’Essentiel du Sup" (newsletter hebdomadaire), de "l’Essentiel Prépas" (webzine mensuel) et de "Espace Prépas". Ancien directeur de la rédaction de l’Etudiant, ancien rédacteur en chef du Monde Etudiant, Olivier Rollot est également l'un des experts français de la Génération Y à laquelle il a consacré un livre : "La Génération Y" (PUF, 2012).

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