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Covid-19 : comment les étudiants ont vécu la crise ?

En mai dernier le Bureau national des élèves ingénieurs avait interrogé les élèves ingénieurs sur leur perception de l’enseignement distanciel (relire l’étude). Entre le 2 et 19 juin 2020 le cabinet HEADway Advisory a interrogé à son tour un échantillon de 126 étudiants de 22 écoles de management en France pour connaître leur perception de leur « expérience étudiante numérique dans le contexte du Covid-19 ». De même le site Diplomeo a demandé à 250 étudiants de noter la qualité des enseignements qu’ils ont reçus en ligne (lire tout le sondage). La moyenne donnée par les sondés est de 5,8 sur 10 : satisfaisant, mais peut mieux faire !

Les trois études se rejoignent ainsi sur un constat clair : l’enseignement à distance a ses vertus mais ne saurait durablement remplacer l’enseignement présentiel. Notamment parce que tous les étudiants ne sont ni également équipés ni également connectés. « Cette crise sanitaire nous a révélé que beaucoup d’étudiants ne disposent pas d’outils informatiques adaptés pour suivre des cours à distance, accéder aux bases de données des universités, échanger avec les enseignants et la communauté des étudiants », constate ainsi le président de la Conférence des présidents d’université, Gilles Roussel, dans Le Monde. Parce que l’enseignement à distance devrait encore être largement d’actualité à la rentrée, la majorité des universités devraient d’ailleurs proposer dès la rentrée aux étudiants des moyens de s’équiper et d’obtenir une connexion compatible avec le suivi des études.

Forcément moins satisfaits. Le contraire aurait été décevant pour les écoles, l’étude « Flash : l’expérience étudiante numérique dans le contexte du COVID-19 » effectuée par HEADway Advisory montre que le taux de satisfaction des étudiants avant et après le confinement (« satisfaits » et « très satisfaits ») baisse de 85% à 60%. Preuve de la résilience des écoles ce taux reste excellent (d’autant que seulement 2,4% se déclarent « très insatisfaits »).

En termes de réactivité environ un tiers des étudiants sondés disent être passés en distanciel dans la semaine suivant l’annonce du confinement et quasiment autant dans les deux semaines. Plus de 8,7% suivaient d’ailleurs déjà leurs cours à distance.

Si le taux de satisfaction envers la communication des écoles baisse également (« satisfaits » et « très satisfaits » ne sont plus que 62% quand ils étaient 69% avant) la grande majorité des étudiants (69%) jugent que la clarté de cette communication était « bonne » ou « très bonne ».

Pédagogie en berne. C’est sans appel : le taux de satisfaction global baisse quasiment de moitié – de 81% à 42% – quand on interroge les étudiants sur la qualité de la pédagogie post Covid. Cela pour des cours très majoritairement dispensés en synchrone (plus de 49%) pour un peu moins de 8% en asynchrone et près de 43% mêlant les deux. Un dernier format que disent d’ailleurs préférer les étudiants à plus de 53% (37,3% préfèrent le synchrone et seulement 9,5% le replay).

D’autant qu’ils jugent que la relation étudiant/professeur a souffert du confinement avec un taux de satisfaction global qui descend de plus de 80% à 66,6%. Heureusement la crise a eu lieu en mars quand les cours étaient bien avancés et la relation étudiant/professeur suffisamment forte pour résister.

Mais là où le bât blesse vraiment c’est sur le travail même des étudiants. De plus de 70% à se déclarer concentrés en cours avant le confinement le taux chute de moitié à 36,5%. A contrario le taux de ceux qui disent avoir une « mauvaise capacité » est en hausse de 9,5% à près de 29,4%.

Autre souci la qualité du travail en groupe laisse beaucoup à désirer. Là aussi la chute du taux de satisfaction est spectaculaire : de 76,8% qui la déclarent « bonne » ou « très bonne » on tombe à un peu moins de 35% (40% la jugent « ni bonne ni mauvaise » et 19% « mauvaise »). Logique puisque moins de 35% des écoles avaient mis en place des « outils pour faciliter/enrichir le travail en groupe à distance ».

Plus de travail pour des étudiants moins investis. C’est paradoxal ou au contraire très logique : alors que le taux d’étudiants qui jugent la charge de travail « très lourde » passe de 2,3 à 11,1% et lourde de 21,4 à près de 31% ces mêmes étudiants se disent moins investis. Un ressenti qui ne touche pas les « très investis » (il monte même de 23,8 à 25,4%) alors que le taux des étudiants « investis » chute lui de 62,7 à un 30,9%. Résultat 12,7% se déclarent « désinvestis » quand ils n’étaient auparavant que 1,6%.

Une évaluation insatisfaisante. C’est sans doute le point le plus conflictuel : entre liberté individuelle et contrôle nécessaire le taux d’étudiants insatisfaits de leur évaluation passe d’un tout petit 0,8% à 12,6% quand le taux de « satisfaits » et « très satisfaits » baisse de 75 à 59,5%. Peu de mesures ont notamment été prises pour éviter la triche pendant les examens : seulement 6,3% des établissements ont utilisé un logiciel de télésurveillance et 11% un logiciel de contrôle des programmes utilisés quand près de 35% ont privilégié le recours à des QCM qui laissent peu de temps de réponse.

Bien mais peu mieux faire. L’ensemble des acteurs interrogés ces dernières semaines est en phase avec cette étude. « Il faut créer de l’expérience étudiante. Si les cours ont bien été dispensés à distance, si même le travail en groupe a bien fonctionné, il manque évidemment toutes les dimensions sociales, sportives, culturelles. Il faut donc revenir sur les campus. C’est indispensable ! », estime ainsi le directeur général de l’EM Normandie, Elian Pilvin. « Une des leçons à retenir, c’est qu’il faut former les étudiantes et les étudiants au travail à distance. Au-delà, les professeurs mais également les personnels concernés se sont appliqués à maintenir un contact extrêmement fécond avec chacun d’eux », analyse son homologue de Grenoble EM, Loïck Roche quand le directeur de la Toulouse School of Management, Hervé Penan, rappelle qu’il « faut bien avoir conscience qu’en trois jours nous sommes passés du présentiel à un distanciel que je qualifierais de « low tech ». Avec les supports Google for Education, que nous utilisions déjà, nous sommes parvenus à dispenser les quelques semaines de cours qui restaient ».

La conclusion au directeur de l’Isit, Tamyn Abdessemed : « Tous les cours ne peuvent pas être suivis en distanciel. Nous avons une sorte de « rente relationnelle » avec nos étudiants sur laquelle on peut s’appuyer pour interagir ce que nous avons fait pendant le confinement. Pour qu’elle perdure, il faut réinjecter régulièrement des interactions, de l’affecto societatis, avec nos étudiants au travers de moments de contenus personnalités inspirants ».

Et l’hybridation nécessaire va en plus coûter très cher à mettre en œuvre. Pour parvenir à délivrer un enseignement hybride dans de bonnes conditions à la rentrée – 70% en pédagogie hybride et à 30% en pédagogie distancielle, les étudiants suivant les cours en présentiel un jour sur deux – le Pôle Léonard de Vinci (EMLV, ESILV, IIM) a investi près d’un million d’euros. Il a ainsi pu équiper l’ensemble de ses salles de cours de matériel de visio-conférence (caméras intelligentes, dalles de son haute définition, écrans d’affichage des participants distants). Un déploiement qui passe également par l’adaptation et la mise en place d’outils logiciels (Zoom, Teams, Discord, LMS-plateforme d’apprentissage en ligne,…). Toutes les salles de cours permettent désormais aux étudiants de participer à un même cours à la fois en présentiel et en distanciel en mode synchrone, avec également la possibilité de visionner la séance a posteriori. Cette année partout les étudiants ont accepté un enseignement à distance « de secours ». En 2020-21 ils seront forcément plus exigeants et il faut bien s’y préparer.

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Olivier Rollot est directeur du pôle Information & Data de HEADway Advisory depuis 2012. Il est rédacteur en chef de "l’Essentiel du Sup" (newsletter hebdomadaire), de "l’Essentiel Prépas" (webzine mensuel) et de "Espace Prépas". Ancien directeur de la rédaction de l’Etudiant, ancien rédacteur en chef du Monde Etudiant, Olivier Rollot est également l'un des experts français de la Génération Y à laquelle il a consacré un livre : "La Génération Y" (PUF, 2012).

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