ECOLES DE MANAGEMENT, UNIVERSITES

« Les masters des IAE ne sont pas conçus pour recevoir les titulaires de BUT ou bachelor »

IAE France publiait la semaine dernière un communiqué indiquant sa volonté de limiter l’entrée dans ses masters des titulaires de bachelor universitaire de technologie (BUT) comme de bachelor, même gradé. La réaction des écoles de management, mais aussi de certains IUT, a été virulente. Une semaine après le président d’IAE France et directeur d’IAE Paris Sorbonne Business School, Eric Lamarque, explicite avec nous la position des instituts d’administration des entreprises.

 Olivier Rollot : En considérant dans un communiqué que les bachelors des écoles privées, « quel soit l’établissement qui le délivre », sont « assimilables à des licences professionnelles à vocation d’exercice d’une activité professionnelle dès leur obtention », IAE France a provoqué une levée de boucliers dans les écoles de management. Le comprenez-vous ?

Eric Lamarque : Nous avons répété une position que nous défendons depuis longtemps et que nous avions déjà donné en juin 2021 sans que cela provoque de remous. Depuis il n’y a pas eu de grande nouveauté si on excepte la délivrance du grade de licence à certains bachelors. Mais cela ne change pas pour nous les conditions d’entrée en première année de nos masters. Pas plus dans les IAE d’ailleurs que dans les facultés de gestion.

Nous ne fermons pas pour autant totalement la porte aux titulaires d’un bachelor, grade de licence ou visés, ou les BUT mais ils ne représenteront jamais plus de 10% à 20% de nos promotions de master. Recommencer une année de licence 3 pour les autres ce n’est pas un déclassement. C’est ce que l’on faisait il y une vingtaine d’années. Après un DUT on recommençait une deuxième année de licence et cela ne posait pas de difficultés ! et personne n’avait le sentiment d’un déclassement.

O. R : Une autre critique qui vous est faite, à titre personnel cette fois-ci, par la Conférence des directeurs des écoles françaises de management (Cdefm) est d’être juge et partie en tant que membre de la Cefdg (Commission d’évaluation des formations et diplômes de gestion) qui délivre justement ce grade de licence.

E. L : Qu’on ne me parle pas de conflit d’intérêt. Je n’ai pas divulgué d’informations sur les bachelors que juge la Cefdg. Les statistiques générales que nous avons données ensuite – 79% des candidats intègrent un bachelor dont 76% des capacités sont couvertes – proviennent de Parcoursup. Dans les IAE ce sont 55% des candidats qui intègrent une licence et toutes nos places sont pourvues. Ce que je dis sur la sélection à l’entrée en bachelor se confirme et nous serons intransigeants sur la qualité de la sélectivité de nos formations.

De plus ce communiqué n’est pas le mien mais celui des 37 directeurs d’IAE, et de leurs 2500 collaborateurs, qui ont souhaité rappeler collectivement les conditions d’entrée dans nos masters comme nous le faisons tous les ans.

O. R : Cela a été moins rapporté mais certains IUT ont également protesté contre votre volonté de restreindre l’accueil des titulaires d’un BUT à la deuxième année de licence.

E. L : Nous avons sur ce point exactement la même position que la Cdefi (Conférence des directeurs des écoles françaises d’ingénieurs). Les titulaires d’un BUT n’entrent pas directement en master 1 et certains titulaires d’un BUT2 peuvent intégrer une première année d’école d’ingénieurs.

Par ailleurs une concertation a été engagée par 11 IAE avec les IUT de leurs universités pour une passerelle entre BUT 2 et L3, quatre ou cinq IAE ont organisé des passerelles pour faire entrer des titulaires de BUT 3 directement en master 1 après des enseignements passerelles. Partout ailleurs les IAE ne prendront pas en master beaucoup de titulaires d’un BUT. Nous avions proposé de conclure une convention entre les deux réseaux pour proposer d’organiser les choses mais les IUT n’a pas donné suite.

O. R : Qu’est-ce qui manque aux titulaires d’un bachelor ou d’un BUT pour intégrer directement un master d’un IAE ?

E. L : Les BUT comme les bachelors sont professionnalisants. Nos masters ne sont pas conçus pour recevoir leurs titulaires. Ils sont conçus pour recevoir des diplômés de licence universitaires dans une logique de continuité pédagogique. Quand vous passez beaucoup de temps à étudier la technique, vous faites beaucoup moins de culture générale ou des cours fondamentaux d’économie, de droit, d’histoire des faits économiques… Or en master nous apportons un contenu technique et une continuité sur ces cours fondamentaux. Si on ne le fait plus et si on ne délivre que des enseignements techniques pendant cinq ans le niveau baissera.

Ce n’est pas parce que ce sont les mêmes thèmes de cours qui sont traités en licence et en bachelors – marketing, ressources humaines, etc. – qu’on le fait de la même façon. Si on étudie la même chose en BUT ou en bachelor qu’en licence pourquoi les différencier ?

Ces profils plus techniques ne sont pas ceux que nous souhaitons recruter prioritairement. Il vaut mieux pour eux entrer sur le marché du travail quitte à intégrer plus tard un master d’IAE en formation continue. Le grade de licence ne donne que le droit de candidater. Nous n’avons pas vocation à intégrer tout le flux des bachelors et des BUT. Non de participer à une fuite en avant vers le bac+5 pour tous qui sera frustrant pour beaucoup qui ne trouveront pas d’emplois et de rémunération à la mesure de leur diplôme.

O. R : Plus précisément comment se distinguent les titulaires de bachelors et de BUT de ceux de licence que vous préférez recruter ?

E. L : Ils ont suivi beaucoup de cours de gestion, de technique. Que vont-ils apprendre d’autre en master alors qu’ils n’ont pas suivi les cours de matières fondamentales de licence ? Il faudrait leur redonner des cours d’économie financière, voire d’économie générale, alors qu’ils sont déjà formés à la gestion. La formation que nous donnons en master 1 et 2 n’est pas adaptée à leur profil. Ce n’est pas une question de niveau mais de profil d’étudiant.

Peut-être un jour devrons nous adapter nos maquettes pédagogiques mais ce n’est pas une bonne idée selon moi. Ce qui fait la différence à l’université serait gommé si on ne prenait plus en compte la dimension raisonnement scientifique, prise de recul, regard critique ou développement des capacités d’analyse de nos diplômes.

O. R : Les IAE délivrent de plus en plus de licences. Comment se distinguent-elles des licences de gestion des facultés de gestion ?

E. L : Nous souhaiterions qu’elle se développent et qu’elles évoluent en proposant plus d’enseignement en humanités. Les bachelors ne sont pas concurrents de nos licences. Nos concurrents se sont plutôt les classes préparatoires aux grandes écoles.

Ces futures licences nous les imaginons un peu à l’image de notre diplôme historique, les masters Management et administration des entreprises (MAE) – elles pourraient d’ailleurs s’appeler Licence lAE – avec par exemple un semestre à l’international et pas plus de trois mois de stage. Nous n’avons pas l’intention d’intégrer l’ensemble des licences d’économie et gestion dans nos instituts mais à porter des licences sélectives avec des dimensions plus originales, différentes des BUT et des bachelors.

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Olivier Rollot est directeur du pôle Information & Data de HEADway Advisory depuis 2012. Il est rédacteur en chef de "l’Essentiel du Sup" (newsletter hebdomadaire), de "l’Essentiel Prépas" (webzine mensuel) et de "Espace Prépas". Ancien directeur de la rédaction de l’Etudiant, ancien rédacteur en chef du Monde Etudiant, Olivier Rollot est également l'un des experts français de la Génération Y à laquelle il a consacré un livre : "La Génération Y" (PUF, 2012).

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