UNIVERSITES

« Les parcours dans les Sciences Po sont très individualisés »

Le concours commun réunissant sept des neuf Sciences Po de régions a maintenant 10 ans. En adoptant le nom Réseau ScPo et un tout nouveau logo il entend encore accroître sa notoriété. Sa présidente, la directrice de Sciences Po Saint-Germain-en-Laye, Céline Braconnier, revient sur ce qui rapproche les sept établissements.

Olivier Rollot : Il y a maintenant dix ans que sept des dix Sciences Po se sont associés pour créer un concours commun. Quel bilan en tirez-vous aujourd’hui ?

Céline Braconnier : Très positif. Les chiffres le prouvent : en 10 ans, les Sciences Po du réseau ont formé 15 000 diplômés et préparé 25 000 lycéens dans le cadre d’une politique de démocratisation volontariste. 1000 accords internationaux sont aujourd’hui signés avec des universités partenaires.

Partant de ces bons résultats, nous continuons à tisser des liens forts entre nous. Les directeurs et la directrice se rencontrent une fois par mois pour lancer et accompagner les nouveaux projets communs, notamment à l’international. Tous les deux ans, nous organisons une « école d’été » au cours de laquelle les enseignants-chercheurs des sept établissements se réunissent pour échanger sur leurs pratiques pédagogiques. Notre programme de démocratisation est moteur dans notre association, avec les déclinaisons territoriales qui le complètent.

O. R : Qu’est-ce que votre association apporte aux étudiants ?

C. B : Elle permet d’abord aux candidats de concentrer les efforts de préparation avec un seul concours au lieu de 7. C’est aussi une question de démocratisation puisqu’ils sont affectés pour concourir dans des centres d’examen proches de chez eux.

Ensuite, une fois dans l’école, les étudiants ont la possibilité de circuler en 5e année d’un Sciences Po à un autre, avec pour avantage d’élargir considérablement le choix des Masters. La seule limite à cette règle étant qu’ils choisissent bien une spécialité qui n’est pas enseignée dans leur école d’origine.

Enfin, nos étudiants investissent également le réseau ScPo dans le cadre d’une vie associative commune d’une grande richesse.

O. R : Quelles qualités attendez-vous de vos futurs étudiants?

C. B : Nos épreuves servent d’abord à sélectionner des étudiants curieux du monde, qui cherchent à mieux le comprendre pour mieux agir sur lui. Nous sommes des grandes écoles de sciences sociales et, à ce titre, nous valorisons aussi les capacités de synthèse et la rigueur de l’argumentation. La pratique d’une pluralité de disciplines au cours des deux premières années d’école favorise la formation d’esprits innovants et agiles, capables de réinvestir des compétences dans une pluralité de situations. L’épreuve du concours intitulée « questions contemporaines », qui n’est ni une épreuve de philosophie, ni une épreuve de sociologie ou de géographie mais peut s’enrichir des apports de tous ces enseignements, permet de détecter en amont les capacités des lycéens à sortir de leur zone de confort.

O. R : D’où viennent vos étudiants ?

C. B : On rejoint les Sciences Po soit l’année du bac, soit l’année d’après. Chaque année, ce sont 10 000 candidats qui se présentent au concours commun. La moitié des étudiants de chaque Sciences Po vient de son bassin régional, et l’autre de partout en France, y compris des territoires ultramarins. 60 à 65% sont titulaires d’un bac ES, 30% d’un bac S et 12% d’un bac L, mais il est important de souligner que les chances de réussite sont équivalentes dans chacune de ces filières. Autrement dit, personne ne doit s’autocensurer. On note aussi une tendance récente des bacheliers scientifiques à davantage se tourner vers les Sciences Po, ce qui confirme leur attractivité. La valorisation des stages, l’année entière à l’internationale, la pédagogie par projets constituent autant de facteurs explicatifs de notre succès.

O. R : Au-delà des compétences que vous évoquiez, comment caractériseriez-vous la formation que vous leur donnez ensuite ?

C. B : Nos écoles sont à taille humaine et offrent un accompagnement de proximité. Les parcours dans les Sciences Po du réseau ScPo sont aussi très individualisés. C’est l’une des forces de notre modèle. Nous savons par exemple remettre sur le chemin de la réussite des étudiants qui sont ponctuellement en situation de fragilité. Cela peut arriver à cet âge.

Nous visons aussi l’apprentissage de l’autonomie. Nos étudiants suivent un cursus en 5 ans, dont une année entière à l’international. Cette expérience de l’interculturalité, notamment, les fait grandir.

Nous attendons enfin des étudiants qu’ils s’engagent dans le tissu associatif de nos écoles et au dehors, en particulier dans les territoires où elles sont implantées.

O. R : Vous avez obtenu une dérogation pour ne passer sur Parcoursup qu’en 2020. Pourquoi attendre ?

C. B : Nous sommes en lien avec le ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation dans la mise en place de Parcoursup. Il s’agit pour nous d’obtenir des aménagements qui préservent le modèle des Sciences Po et qui assurent tout particulièrement la pérennité de notre programme de démocratisation.

Ensuite, tout est une question de calendrier. Jusqu’à cette année incluse, le concours est organisé en mai avec des résultats publiés en juillet. Avec Parcoursup, le concours commun devrait être avancé de deux mois en 2020.

O. R : Les épreuves sont-elles susceptibles d’évoluer ?

C. B : Nous allons saisir ce changement de calendrier comme une occasion de repenser le contenu du concours commun. Nous conserverons sans doute une épreuve écrite anonyme, qui restera articulée au programme de première et terminale. Il s’agit avant tout pour nous de préserver les objectifs d’ouverture sociale de nos formations dans une logique méritocratique.

O. R : Aix-en-Provence, Lille, Lyon, Rennes, Saint-Germain-en-Laye, Strasbourg et Toulouse. Ne manquent que Bordeaux et Grenoble pour que tous les Sciences Po fassent partie de votre association. Pourquoi sont-ils absents ?

C. B : Les Sciences Po de Bordeaux et Grenoble tiennent pour l’instant à maintenir leur propre concours. S’ils veulent un jour nous rejoindre, la porte leur est grande ouverte

O. R : Quel est l’état de vos relations avec Sciences Po Paris ? On se souvient qu’il y a eu des moments de tension les années passées.

C. B : L’entente est excellente. Nous nous sommes accordés sur l’utilisation de la marque Sciences Po et sommes garants ensemble de la qualité de la formation associée à cette marque, y compris à l’international. Et puis, à dix, nous couvrons de façon complémentaire l’ensemble du territoire national.

O. R : De plus en plus de Sciences Po font leur entrée à leur Conférence des grandes écoles. Est-ce leur vocation ?

C. B : Nous sommes de grandes écoles publiques de sciences sociales. L’intégration à la CGE est une occasion d’ouverture aux écoles qui évoluent dans d’autres secteurs de formation, Les Sciences Po du Réseau construisent des passerelles qui permettent aux étudiants d’acquérir des double-diplômes fortement attractifs, notamment dans le cadre de partenariats avec des écoles du territoire. Je pense par exemple au partenariat de Sciences Po Aix avec l’école de l’Air, de Sciences Po Rennes avec l’ENS, ou de Sciences Po Saint-Germain avec les écoles de la création (Ecole d’Arts de Paris-Cergy, école d’architecture et école du Paysage de Versailles).

Ces 10 ans de partenariat entre 7 grandes écoles ont été mis à profit pour consolider notre modèle. Son attractivité n’a cessé de croître. Cela nous motive pour continuer à relever, ensemble, de nouveaux défis.

  • Le concours commun d’entrée en première année est ouvert aux lycéens qui passent leur baccalauréat l’année du concours et aux bacheliers de l’année précédente. Il se compose de trois épreuves écrites : questions contemporaines, histoire et langue vivante. Les frais d’inscription au concours s’élèvent à 180 € (60 € pour les boursiers). En 2017, le taux d’admission au concours commun s’élevait à 12,5%. Parmi les candidats, 15,7% étaient boursiers (30% parmi les lauréats).
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Olivier Rollot est directeur du pôle Information & Data de HEADway Advisory depuis 2012. Il est rédacteur en chef de "l’Essentiel du Sup" (newsletter hebdomadaire), de "l’Essentiel Prépas" (webzine mensuel) et de "Espace Prépas". Ancien directeur de la rédaction de l’Etudiant, ancien rédacteur en chef du Monde Etudiant, Olivier Rollot est également l'un des experts français de la Génération Y à laquelle il a consacré un livre : "La Génération Y" (PUF, 2012).

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