ECOLE D’INGÉNIEURS, ECOLES DE MANAGEMENT, PORTRAIT / ENTRETIENS

« L’hybridation que propose le Pôle Léonard de Vinci répond à une demande très forte des entreprises »

C’est l’exemple le plus abouti d’hybridation dans l’enseignement supérieur. Depuis sa création en 1995 le Pôle Léonard de Vinci s’est bâti sur l’hybridation entre une école d’ingénieurs, l’Esilv, une école de management, l’EMLV, et une école digitale, l’IIM. Cette année il dépasse pour la première fois les 10 000 étudiants avec de grandes ambitions pour l’avenir comme nous l’explique son directeur depuis 2022, Sébastien Tran.

Olivier Rollot : Comment s’est déroulée la rentrée du Pôle Léonard de Vinci ?

Sébastien Tran : Nous venons de passer le cap des 10 000 étudiants. Nous sommes donc en avance sur notre plan stratégique qui fixe un objectif de 12 000 étudiants en 2027 pour l’EMLV, l’ESILV, l’IIM et De Vinci Executive Education. C’est la preuve de notre très belle attractivité. Notre école de management, l’EMLV, a de très bons résultats alors que la concurrence dans le recrutement postbac est féroce. Notre école d’ingénieurs, l’ESILV, est très attractive et sélective. En Executive Education notre MBA Management de la RSE et de la performance des organisations, pour ne citer que celui-là, connaît un véritable succès.

Tout cela, nous le devons à un renouvellement constant de notre offre de programmes. L’IIM, notre école digitale, propose, par exemple, cette année un nouveau mastère développeur full stack.

O. R : Le modèle du Pôle, c’est toujours l’hybridation des compétences ?

S. T: L’hybridation que nous proposons répond à une demande très forte des entreprises de recruter des étudiants qui ont pris l’habitude de travailler avec des profils différents. Pour y parvenir, nous nous appuyons sur les synergies entre des écoles aux tailles assez proches : 3 800 étudiants pour l’ESILV, 3 400 pour l’EMLV, 2 100 pour l’IIM et 700 au sein de De Vinci Executive Education. En tout sur nos 9 300 étudiants en formation initiale, 1 400 travaillent au sein de huit programmes hybrides et la plupart des autres sur des croisements multiples.

Hackathons, cours communs, sport, vie associative et entrepreneuriat sont autant d’occasions pour nos étudiants de se retrouver et de nouer des relations. Une fois alumni ils chercheront des compétences dans ce réseau qu’ils auront constitué. Nous allons d’ailleurs bientôt dépasser les 20 000 alumni dans des écoles qui ont été créées en 1995.

Cette transversalité parle beaucoup aux familles. Dès qu’il s’agit de sujets transversaux, les parents savent que leurs enfants suivront des cours avec des professeurs de notre école d’ingénieurs dans notre école de management et vice-versa. Le transfert de compétences entre nos écoles est décisif. Le module de remise à niveau en mathématiques de l’EMLV a été conçu par un professeur de l’ESILV qui s’est emparé de cas de gestion. Les étudiants de l’EMLV sont formés à ce qu’est un fablab par ceux de l’ESILV qui gèrent le FabLab du Pôle.

O. R : Cette hybridation on la retrouve dans votre gouvernance ?

S. T : Les directeurs des trois écoles se retrouvent dans notre comité exécutif pour travailler ensemble sur le même territoire. Les écoles ayant des effectifs proches, cela nous permet d’avoir des équipes équilibrées et une solidarité très forte entre les équipes.

Les axes de notre laboratoire de recherche, le De Vinci Research Center sont aussi animés par des binômes de professeurs de l’école d’ingénieurs et de l’école de management. Cela permet aussi de mieux irriguer nos programmes de formation.

O. R : Au-delà de l’hybridation, comment expliquez-vous la progression constante de vos écoles ?

S. T: Sur un marché de plus en plus concurrentiel, avec la baisse du nombre de bacheliers, nous devons être constamment innovants. Comme avec le « parcours quantique » de l’ESILV où nous nous appliquons à nous positionner par rapport à des technologies émergentes. L’ESILV est aussi l’une des premières écoles d’ingénieurs à s’être intéressée à la finance de marché ou à la fintech. Aujourd’hui, nous lançons un Institut des Crypto-Actifs. Ainsi, nous apportons aux entreprises des compétences pour les futures technologies qui vont se généraliser dans certains secteurs d’activité. Nous réfléchissons ainsi constamment avec les entreprises à leurs besoins émergents.

En mars 2023 nous avons ainsi lancé l’Institute for Futures Technologies (IFT), un espace pensé pour inspirer et inventer les technologies durables de demain.

O. R : Cela ne doit pas être facile de recruter des enseignants sur des métiers émergents ?

S. T : Nous effectuons un travail très important de veille pour trouver les professionnels compétents sur ces technologies dans les laboratoires de pointe. Nous finançons également des doctorants et des postdoc. Ce sourcing est fondamental pour nous.

Cela passe aussi par une remise à niveau constante de nos professeurs comme celle que nous avons menée sur les questions de transition écologique et que j’ai développées début septembre dans une tribune sur le site des Echos : Enseignement supérieur : former aux enjeux de la transition. Les professeurs doivent se former pour former les étudiants à créer un monde soutenable avec des projets d’une grande technicité.

O. R : Le développement du Pôle passe également par des implantations en région. Quels sont vos projets en la matière ?

S. T : Nous venons d’ouvrir un campus de l’ESILV à Nantes et nous y lancerons également notre école digitale en septembre 2024. Nous travaillons maintenant à l’ouverture d’un deuxième campus en région dans une métropole d’envergure. À Paris nous sommes arrivés à une taille significative et nos relais de croissance sont maintenant en dehors de l’Île-de-France.

O. R : Quels sont vos objectifs à l’international 

S. T : C’est également un axe important de développement, maintenant que nous avons structuré notre offre en France. Nous ouvrons, par exemple, un MSc en Computer sciences 100% en anglais à l’ESILV pour recevoir des étudiants internationaux. Nous réfléchissons également à délocaliser certains de nos programmes chez des partenaires académiques en Afrique ou en Asie.

O. R : Pour se développer à l’international il faut des accréditations. Quelles sont celles dont vous disposez ?

S. T : Nous avons mis l’accent sur les accréditations pour l’EMLV qui délivre des MSc de la Conférence des Grandes écoles (CGE) ; L’EMLV est ainsi accréditée par l’AACSB (Association to Advance Collegiate Schools of Business), l’EFMD et Amba pour son programme Grande école. Et en France nos bachelors hybrides ont obtenu le grade de licence.

L’ESILV est, bien entendu, habilitée par la Commission des titres d’ingénieur (CTI). En revanche il n’existe pas d’accréditations spécifiques, ni de classements, pour l’IIM qui doit émerger parmi une offre pléthorique de formations.

O. R : L’IIM c’est votre école digitale. Peut-être moins connue que les deux autres ?

S. T : Et pourtant elle est particulièrement en avance. Sur l’Intelligence artificielle (IA) elle a été la première à former ses enseignants en créant une mallette pédagogique open source contenant des fiches pratiques sur les usages des IA génératives. Nous menons une enquête cadre avec des standards proches de ceux du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche (MESR) pour démontrer la qualité d’une école qui a un vrai corps professoral permanent. Une école qui sait aussi apprendre à ses étudiants à développer sans Python avec des logiciels d’Open AI.

O. R : ChatGPT et ses clones d’IA c’est forcément un sujet dont vous vous êtes tout de suite emparé ?

S. T : Nous avons effectivement tout de suite réfléchi à comment intégrer ChatGPT ou d’autres technologies similaires dans nos cours. Quelles sont les bonnes guide lines ? Dans quel contexte utiliser les IA ? Comment les intégrer dans l’évaluation des compétences ? Bien prompter, est-ce une compétence ? Oui, si on parvient à établir ce qui est vrai ou faux en comprenant comment fonctionne ChatGPT.

Aujourd’hui, même un étudiant en école de management doit pouvoir comprendre le machine learning. Il doit pouvoir s’appuyer sur les fonctions mathématiques acquises en terminale (vecteurs, fonctions polynomiales, etc.) dont il ne comprend pas forcément les buts au lycée.

O. R : Ces dernières années l’apprentissage s’est considérablement développé dans l’enseignement supérieur. Qu’est-ce que cela représente pour le Pôle ?

S. T : 2 700 de nos 9 300 étudiants sont apprentis dont 65% à l’EMLV dans le cycle Master et même la totalité à l’IIM dès la troisième année. C’est un peu moins le cas à l’ESILV. Le tout avec des niveaux de prise en charge (NPEC) par les OPCO au bon niveau à l’exception de l’IIM dont certains NPEC ont été fortement réduits en cette rentrée. Il règne une certaine opacité sur les calculs des coûts contrat et leur évolution.

Le danger aujourd’hui c’est d’essayer de résoudre les problèmes de coût de l’apprentissage uniquement en se fondant sur la baisse des coûts contrat sans faire de distinguo entre les établissements. Je ne comprends pas qu’il n’y ait pas en France plus de régulation à l’ouverture des formations et des programmes. Il faudrait aller vers une logique de contrôle de l’ouverture d’établissements d’enseignement supérieur.

O. R : Votre actualité est immobilière. Le Pôle Léonard de Vinci va déménager dans de tout nouveaux locaux.

S. T : En 2026 nous serons installés sur quatre bâtiments pour un total de 30 000 m2. Nous louons déjà un nouveau bâtiment de 5000 m2 pour l’IIM et sommes en train de rénover les bâtiments d’une ancienne école d’architecture sur 18 000 m2. Le tout à La Défense dans un quartier qui devient une sorte d’autre plateau de Saclay en attirant de plus en plus de Grandes écoles. Il y a là un vrai enjeu pour définir ce que sera demain un quartier « post carbone » avec à la fois des logements, des entreprises, des lieux de restauration, une grande salle de spectacle avec Paris La Défense Arena, et maintenant des étudiants.

Un vrai quartier de demain en matière de mixité qui a une force extraordinaire de desserte de transports. Il y manque juste quelques tiers lieux et un incubateur pour créer un plateau de Saclay urbain.

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Olivier Rollot est directeur du pôle Information & Data de HEADway Advisory depuis 2012. Il est rédacteur en chef de "l’Essentiel du Sup" (newsletter hebdomadaire), de "l’Essentiel Prépas" (webzine mensuel) et de "Espace Prépas". Ancien directeur de la rédaction de l’Etudiant, ancien rédacteur en chef du Monde Etudiant, Olivier Rollot est également l'un des experts français de la Génération Y à laquelle il a consacré un livre : "La Génération Y" (PUF, 2012).

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