ECOLES DE MANAGEMENT, PORTRAIT / ENTRETIENS

« L’IESEG va continuer à poursuivre son développement sur ce qui fait aujourd’hui sa force et sa réputation »

Directrice de l’Iéseg depuis l’été 2023, Caroline Roussel connait très bien une maison qu’elle a intégré il y a vingt ans. Après le développement historique qu’a connu son école depuis 30 ans elle doit maintenant lui conserver son cap tout en l’ouvrant à de nouveaux challenges.

Olivier Rollot : Il y a maintenant six mois que vous avez pris la direction de l’Iéseg. Dans votre cas, on peut difficilement parler de « rapport d’étonnement » puisque vous en étiez déjà directrice générale adjointe. Mais quel regard jetteriez-vous de ces premiers mois à la direction pleine et entière ?

Caroline Roussel : D’abord la confirmation que mon rôle est de plus en plus de représenter l’École auprès de partenaires extérieurs et au sein d’instances de l’ESR comme la Conférence des directeurs des écoles françaises de management (Cdefm), la Fesic (Fédération des établissements d’enseignement supérieur d’intérêt collectif) ou encore la Cefdg (Commission d’évaluation des formations et diplômes de gestion).

Avoir deux campus en proximité géographique, c’est aussi la chance de pouvoir partager son temps de manière très équilibrée et de travailler au quotidien avec mes équipes. Je vais également beaucoup à la rencontre de nos diplômés et de nos entreprises partenaires pour comprendre leurs attentes et échanger sur notre mission. Ces sont des échanges très intéressants et qui me donnent beaucoup d’énergie pour continuer à développer l’IÉSEG. Etre dans l’institution depuis 20 ans me permet de très bien connaître les équipes, académiques comme administratives et donc de pouvoir assurer sereinement mes missions extérieures, notamment de représentation et de développement de l’Ecole. Nous avons des fondamentaux solides et des équipes en qui j’ai toute confiance et un collectif sur lequel je peux m’appuyer.

O. R : Ces trente dernières années, l’IÉSEG a connu un essor impressionnant. En 1994, l’IÉSEG ne compte que 600 étudiants, quand elle en reçoit près de 7 500 aujourd’hui. Comment imaginez-vous le développement de l’IÉSEG dans les années à venir ?

C. R : A mon arrivée en 2002, nous étions seulement 25 professeurs permanents et accueillions alors environ 1 200 étudiants dans un seul programme, notre PGE en 5 ans. Nous avions donc besoin de nous développer pour exister, avoir davantage de diplômés et atteindre une taille critique minimum, et c’est ce que nous avons fait tout en développant l’internationalisation de l’école. Aujourd’hui, l’IÉSEG accueille 7 500 étudiants répartis dans 20 programmes (Programme Grande école, bachelor, Masters spécialisés, MBA et Executives Mastères spécialisés) et près de 200 professeurs permanents qui viennent de 54 pays différents ! Nous allons continuer à nous développer mais différemment : nous allons poursuivre le développement de nos programmes internationaux et de notre Executive Education tout en continuant de faire évoluer chacun de nos programmes pour être au plus près des attentes à la fois du monde socio-économique et des jeunes générations.

L’IESEG va continuer à poursuivre son développement sur ce qui fait aujourd’hui sa force et sa réputation : la qualité académique de ses programmes et de sa recherche, son niveau d’internationalisation qui est unique, l’accompagnement de ses étudiants et son engagement pour une société meilleure.

O. R : Où en sont vos étudiants dans leurs engagements sociétaux ? Notamment sur les questions de transition environnementale ? Et comment y répondez-vous ?

C. R : Nos étudiants sont le reflet de la société. Une bonne partie d’entre eux sont hyper engagés sur le sujet des transitions, que ce soit dans des associations étudiantes ou à titre personnel, d’autres s’éveillent au sujet et une minorité n’y est pas sensible. Nous travaillons avec l’ensemble de nos étudiants sur les sujets de responsabilité sociétale des entreprises (RSE), au niveau de l’ensemble de nos cours et aussi en nous appuyant sur les étudiants dans le cadre d’un programme appelé « Responsible Leaders », qui les implique sur les projets de l’école, leur permet de faire des propositions et de les mettre en œuvre et aussi de former et informer les autres étudiants. Nous croyons beaucoup à l’effet de diffusion progressive pour parvenir à toucher davantage d’étudiants.

En parallèle, nous avons débuté la formation de 100% de nos collaborateurs y compris la direction de l’école et l’ensemble du corps professoral au développement durable à travers 6 modules de formation d’une demi-journée chacun. Les deux premiers modules sont d’ores et déjà réalisés. Notre engagement s’est également traduit par l’entrée dans notre comité de direction de la directrice de l’impact social et environnemental, Maria Castillo. Cela a même été l’une des premières décisions que j’ai prises en tant que Directrice Générale de l’IÉSEG, et aujourd’hui quatre personnes travaillent à plein temps sur le sujet, que ce soit sur des questions académiques – nous avons créé un Master in Management for Sustainability – comme sur l’adaptation de nos bâtiments, notre politique d’achats, la mobilité. Les sujets sont nombreux, avec des enjeux forts.

Nous avons également communiqué notre bilan carbone et nos ambitions de réduction d’émission carbone (-37% à horizon 2027-2028), sachant qu’à 60% elles proviennent de la mobilité de nos équipes et de nos étudiants. Pour ces derniers, nous réfléchissons à un plan d’action avec notre direction des relations internationales, sans pour autant les fermer au monde et limiter les échanges académiques à l’étranger. Nous leur indiquons déjà le bilan carbone de chacun de leurs déplacements – aller à Louvain ou Brisbane, c’est très différent ! – pour les sensibiliser à ce sujet : Avoir l’information sur leur empreinte carbone est déjà un début pour prendre les décisions de déplacement en connaissance de cause.

Une vue d’un campus de l’Iéseg / Photo : Barbara_GROSSMANN

O. R : La formation des enseignants-chercheurs à ces questions est centrale pour faire évoluer les enseignements sur les transitions. Comment les aidez-vous ?

C. R : Au-delà de la formation que j’évoquais précédemment, nous mettons à leur disposition une bibliothèque de ressources pour qu’ils puissent, par exemple, présenter un cas pratique de finance d’entreprise, de logistique… qui intègre les dimensions RSE. L’évolution des cours vers l’intégration de la RSE doit être facilitée pour que chacun, quel que soit son niveau de connaissance préalable, puisse s’approprier le sujet.

Nous constatons déjà que de nombreux professeurs font évoluer leurs travaux de recherche. C’est un mouvement de fond fort que nous intégrons dans nos recrutements en recrutant des professeurs qui se sentent concernés par ces questions environnementales et sociales. De nouveaux business models émergent et tout le monde se retrouve sur au moins une thématique, qu’elle soit sociale, environnementale ou économique. Ces questions sont très fédératrices en interne et regroupe le staff académique et administratif autour de sujets communs.

O. R : On entend parfois que les étudiants ne veulent plus se donner de mal. Que répondez-vous ?

C. R : Que nos étudiants ne ménagent pas leur peine ! Ils se donnent à fond quand ils trouvent du sens et sont motivés. Avec le bon levier, ils déplacent des montagnes ! Leur engagement dans l’entreprenariat est également de plus en plus important avec 90% de création d’entreprises à impact. Ils veulent faire sens et avoir de l’impact ! Je suis fière de nos étudiants, de voir ce qu’ils accomplissent.

Ils ont d’ailleurs bien en tête notre raison d’être – « Être un hub unique et international qui forme et fait grandir les acteurs du changement œuvrant pour une société meilleure » – et les valeurs que nous nous attachons à leur communiquer et à faire vivre ensemble.

Des valeurs que perçoivent également les entreprises qui les recrutent, en soulignant que nos diplômés ont une tête bien faite et les pieds sur terre, la capacité de travailler en équipe et d’écouter, en étant ambitieux mais sans arrogance, pour vous donner quelques-unes des appréciations que j’entends régulièrement de la part de nos entreprises partenaires.

O. R : Comment intégrez-vous vos étudiants qui arrivent très jeunes à l’Iéseg, parfois même mineurs ?

C. R : Recruter après le bac, ce n’est pas du tout la même chose que recruter après une classe préparatoire. Nous travaillons beaucoup sur la période de transition entre le pré-bac et l’École. Il faut accompagner les jeunes dans cette transition de manière progressive vers une autonomie plus importante aussi bien au niveau des méthodes de travail que des savoir-être. La réforme du bac nous a amenés à dispenser des cours de remise à niveau, par exemple en statistiques. Nous accompagnons également nos étudiants sur les questions de nutrition et de santé, de gestion du stress ou de méthodologie de travail en groupe, pour qu’ils trouvent rapidement leur équilibre entre vie académique et vie étudiante.

Ensuite, nos professeurs et responsables pédagogiques font un suivi individuel régulier de nos étudiants, surtout s’ils constatent que leur taux d’absence est trop important ou leurs notes trop basses. De plus, nous avons un psychologue sur chaque campus dont l’utilité s’est révélée essentielle pendant la crise Covid. Nous sommes d’ailleurs revenus d’autant plus vite dans un format d’enseignement en présentiel que la relation de proximité avec nos étudiants est cruciale. Les campus sont des lieux de vie en dehors des cours, qui contribuent fortement à l’expérience étudiante.

O. R : Vous évoquez vos campus. Où en est ma rénovation du campus de Lille et votre extension de votre campus parisien ?

C. R : Nous terminons nos travaux à Lille avec 12 000 m2 additionnels de locaux qui ouvriront à la rentrée 2023. A Paris, nos nouveaux locaux sur les Collines de l’Arche à La Défense (6 500 m2) sont en cours de finalisation. Nous y recevrons sur six étages 1 200 étudiants, notre incubateur, le Career Center, l’association des diplômés et toute la formation continue.

Dans tous nos bâtiments, nous tenons à ce que nos salles de classe permettent l’interactivité et la proximité avec le professeur. A l’Iéseg, les étudiants ne parlent d’ailleurs pas de leur promotion mais de leur groupe classe et comme ils changent de groupe tous les semestres, cela crée un réseau interne très fort !

Maintenant, nous voudrions porter un projet plus vaste avec d’autres écoles, destiné aux jeunes auprès de l’établissement public d’aménagement Paris La Défense. Il faudrait pouvoir améliorer l’offre de restauration équilibrée à prix abordable, et la question de la pratique sportive reste critique car l’accessibilité à  des équipements sportifs dédiés aux étudiants n’est pas facile, alors que les établissements d’enseignement supérieur sont de plus en plus nombreux au sein du quartier d’affaires.

O. R : Beaucoup de questions se posent aujourd’hui sur la place de l’enseignement supérieur privé lucratif. En tant qu’établissement d’enseignement supérieur privé d’intérêt général (EESPIG), membre de la Fesic (Fédération des établissements d’enseignement supérieur d’intérêt collectif), quel regard jetez-vous sur le débat ?

C. R : C’est avant tout une question de transparence et de lisibilité de l’information et c’est de la responsabilité de nos établissements d’y contribuer. Il faut être très clair sur l’information que l’on délivre. Avec la FESIC, nous contribuons pour qu’émerge une communication plus claire sur la qualification EESPIG qui reconnaît que nos établissements sont en contrat avec l’Etat et donc la qualité des diplômes décernés par ces écoles qui sont évaluées par les les pouvoirs publics au même titre que les universités ; Il ne doit pas y avoir de confusion pour les familles sur ce que recouvre un grade de master et de licence. C’est terrible de voir des jeunes rejoindre des écoles qui ne sont pas vraiment reconnues par l’Etat. D’autant que ce sont souvent les familles les moins informées qui y inscrivent leurs enfants.

Notre qualification EESPIG implique la non-lucrativité. Aujourd’hui le coût de scolarité supporté par les familles correspond à 90% de ce que nous coûtent nos étudiants. Les 10% restants, nous les finançons avec les aides de l’Etat – quelques centaines d’euros par an et par étudiant – et avec la taxe d’apprentissage. Toutes nos ressources sont consacrées à la réalisation de nos missions d’enseignement et de recherche. A la clé, un taux d’insertion de 94% de nos jeunes diplômés au plus tard dans les quatre mois suivant la fin de leurs études. Il faut continuer à communiquer sur notre modèle qui est vertueux.

 O. R : Sujet d’actualité : que pensez-vous de ChatGPT ?

C. R : C’est un sujet de réflexion pour notre Direction de la pédagogie, nos directions de programmes et nos professeurs mais aussi globalement au niveau de l’Ecole. De nombreux métiers vont être percutés par l’intelligence artificielle générative, bien au-delà de l’enseignement et de la recherche. Nous n’avons pas interdit à nos étudiants d’utiliser ChatGPT car ils vont forcément s’en servir à leur sortie de l’École. Il faut donc les former à tirer le meilleur parti de l’outil tout en les mettant en garde sur les problèmes éthiques soulevés.

Nous allons donc leur proposer de travailler avec ChatGPT puis challenger leurs productions intellectuelles par exemple à l’aide de nouvelles références bibliographiques. Se posera ensuite la question de valider également les compétences acquises à l’oral. Enfin nos étudiants travaillent chaque semestre sur des cas réels d’entreprise avec une présentation de leurs recommandations au sein de l’entreprise concernée. C’est un bon moyen d’évaluer la valeur ajoutée apportée par nos étudiants au-delà de l’utilisation des outils d’intelligence artificielle.

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Olivier Rollot est directeur du pôle Information & Data de HEADway Advisory depuis 2012. Il est rédacteur en chef de "l’Essentiel du Sup" (newsletter hebdomadaire), de "l’Essentiel Prépas" (webzine mensuel) et de "Espace Prépas". Ancien directeur de la rédaction de l’Etudiant, ancien rédacteur en chef du Monde Etudiant, Olivier Rollot est également l'un des experts français de la Génération Y à laquelle il a consacré un livre : "La Génération Y" (PUF, 2012).

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