ECOLES DE MANAGEMENT, INTERNATIONAL, PORTRAIT / ENTRETIENS

« L’objectif de l’EM Normandie est d’être une école multi-entrées avec la possibilité de se spécialiser partout dans le monde »

Elian Pilvin, directeur général de l’EM Normandie

Avec l’ouverture de son campus à Dubai, l’EM Normandie est est devenue la troisième école de management française la mieux implantée à l’international. Son directeur général, Elian Pilvin, revient avec nous sur ses objectifs et les moyens qu’il se donne pour les atteindre.

Olivier Rollot : Après Dublin et Oxford, l’EM Normandie a ouvert un nouveau campus international à Dubaï à la rentrée 2022. Comment avez-vous pris la décision de vous implanter dans les Emirats ?

Elian Pilvin : Le choix de Dubaï est une suite d’intuitions. A titre personnel, j’avais beaucoup travaillé au Moyen-Orient dans les années 90 mais je n’y étais pas revenu retourné depuis 2008. En 2017, j’y suis revenu en compagnie du président du conseil régional de Normandie, Hervé Morin, et nous avons commencé à parler d’un investissement. Notre première intention était de s’associer à une école, mais les autorités des Emirats nous ont demandé de nous installer sous notre marque et avec nos formations.

Dubaï se veut à terme une place forte de l’enseignement et est déjà une place forte de l’innovation. Nous exposons ainsi nos étudiants à des contextes d’apprentissage au cœur d’une ville du futur qui est l’une des plus internationales du monde. C’est aussi une ville portuaire proche de notre expertise historique la logistique et en totale cohérence avec nos orientations stratégiques. Enfin, nous participons au développement de l’enseignement supérieur à Dubaï tel que le président Macron l’a défini.

Les Emirats sont à la fois un carrefour géopolitique, avec l’Iran à une heure de bateau, et une zone qui recèle les plus grands gisements d’hydrocarbures au monde. La Chine n’est plus l’eldorado qu’elle était il y a quinze ans et le Golfe est devenue la région où il faut s’implanter.

Des étudiants de l’EM Normandie à DubaÏ

O. R : A Dubaï l’EM Normandie sera aussi un acteur local ?

E. P : L’EM Normandie est aujourd’hui la première Grande école de commerce française à ouvrir un campus en propre à Dubaï pour y remettre des diplômes reconnus à la fois internationalement et localement. Nous venons en effet d’y obtenir la licence institutionnelle « Higher Education Provider », obligatoire pour exercer des fonctions d’enseignement sur place et recruter des étudiants, mais aussi l’accréditation de notre Bachelor in International Management.

Le Master International Logistics and Port Management que nous allons ouvrir en janvier 2024, sera le seul programme spécialisé dans la gestion portuaire proposé dans les Emirats Arabes Unis. Les cours de toutes ces formations seront dispensés par des professeurs et des intervenants professionnels locaux et des enseignants-chercheurs de l’EM Normandie.

O. R : Comment se déroule le processus d’accréditation d’un établissement d’enseignement supérieur dans les Emirats ?

E. P : Les accréditations sont délivrées par la Commission for Academic Accreditations (CAA) du gouvernement fédéral des Emirats Arabes Unis. C’est une des accréditations les plus difficiles que nous ayons obtenues. Nous avions le sentiment d’être évalués à la fois par le Hcéres (Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur), la Cefdg (Commission d’évaluation des formations et diplômes de gestion) et l’AACSB (Association to Advance Collegiate Schools of Business)  !

Les autorités des Emirats ont en effet été échaudées par des universités, essentiellement anglo-saxonnes, qui s’y sont installées sans délivrer leurs diplômes reconnus à l’international mais de simples certificats. Résultat : beaucoup d’étudiants se sont retrouvés avec un diplôme qui n’était reconnu nulle part.

O. R : Quel est le montant de votre investissement à Dubaï ? Et qu’en attendez-vous ?

E. P : Aujourd’hui nous y investissons 2,5 millions d’euros. Nous y employons pour le moment, une dizaine depersonnes, dontneuf recrutées sur place.

Depuis 2018, il n’est plus impératif de s’associer à un partenaire local pour ouvrir une entreprise à Dubaï. Les autorités ont compris que cela limitait forcément les investissements dans certains domaines, dont l’enseignement. Le développement de l’enseignement supérieur à Dubaï est favorisé par l’absence totale d’impôts pour les établissements sur le modèle de zone franche de la ville.

O. R : Les étudiants y viendront-ils essentiellement de France comme dans vos autres campus internationaux ?

E. P : Si 60 étudiants du programme Grande école sont cette année sur le campus, à l’horizon 2026 seulement un tiers des 700 que nous attendons seront en mobilité de l’école. L’essentiel du développement se fondera sur des étudiants locaux ou internationaux auxquels tous les cours sont délivrés en anglais. Pour les étudiants internationaux, alignée sur les tarifs appliqués sur place, chaque année de bachelor sera facturée 18 k€ et de master 33 k€ avec un large système de scholarship, de bourses. Ce campus doit être un centre de revenus, pas seulement de coûts comme d’autres campus.

O. R : Cette première implantation dans les Emirats en appelle-t-elle d’autres ?

E. P : Nous avons ouvert un campus à Dubaï avec en ligne de mire la possibilité de nous implanter ensuite ailleurs dans les Emirats grâce à la licence institutionnelle que nous avons obtenue. Ville des événements, Dubaï est la ville idéale pour implanter un premier cycle quand Abu Dhabi concentre plus les services aux industries et correspond à des cycles master ou Executive Education.

  • O. R : vous ouvrirez bientôt un campus au Vietnam ? Vous y dispensez déjà des formations.
  • E. P : Nous formons depuis plusieurs années des cadres du gouvernement, nous travaillons notamment avec l’Université Nationale du Vietnam (VNU) et son centre francophone l’IFI, et l’UTC (University of Transport and Communication) pour des programmes bachelor et MSc et nous venons de signerun protocole d’entente avec la Ho Chi Minh University of Banking (HUB), une école de référence dans les secteurs de l’économie, de la banque et de la finance et très ouverte à l’international.Sous tutelle de la Banque Centrale du Vietnam, elle compte plus de 13 000 étudiants dans ses programmes bachelor, master et doctorat. Le futur campus de l’EM Normandie au Vietnam pourra ainsi s’appuyer sur un fort réseau professionnel et relationnel avec les grandes universités du pays.

Si elle est loin de la mer, Ho Chi Minh ne l’est pas plus que des grands ports comme Anvers ou Rotterdam. De plus c’est la première plateforme aéroportuaire d’Asie du Sud Est. Un pays en plein développement qui a toujours su de pas s’inféoder à la Chine.

O. R : Cela doit être encore bien plus difficile de s’implanter au Vietnam qu’à Dubaï !

E. P : Le Vietnam est effectivement plus difficile d’accès. Chaque ministère y possède ses propres universités et il y a peu de place pour le secteur privé. Cela suppose donc d’avoir un partenariat stratégique avec une institution de premier plan afin de co-déployer une offre de formation validée par les autorités, en cohérence avec les besoins du pays et les attentes des apprenants.

O. R : Vous voulez faire de l’EM Normandie une marque mondiale ?

E. P : L’EM Normandie est devenue une école de portée nationale dans les années 2000. Dans les années 2020, elle devient une école internationale. Nous avons en effet le projet d’implanter un campus sur chaque continent dans une ville monde portuaire. Notre objectif est d’être une école multi-entrées avec la possibilité de se spécialiser partout dans le monde.

Nous nous installerons donc également dans les Amériques. Mais je ne peux pas encore vous dire où. Sans doute pas en Amérique du Nord. Nous avons déjà trois campus anglophones. Un campus hispanophone aurait du sens.

O. R : Comment vous organisez-vous pour atteindre cette taille mondiale ?

E. P : Pour gérer des campus à l’international il faut savoir s’entourer. A Dubaï notre campus est ainsi dirigé par une figure historique de l’école, KhaireddineMouakhar, qui était jusqu’ici directeur du campus de Caen. Trouver dans ses équipes qui peut porter un campus est un vecteur clé de succès.

Il faut aussi un directeur du développement qui ait une dimension internationale comme l’a pour nous Hendrik Lohse, Allemand d’origine basé sur notre campus d’Oxford. Il incarne notre projet à l’international en compagnie de Laurence Boiteux, notre directrice du développement international.

Ces implantations poussent toute l’organisation à se modifier. Une école n’est pas une entreprise comme les autres mais doit en avoir tous les services – direction des services d’information, communication, etc. – qui n’existaient pas il y a dix ans.

O. R : Quel processus engagez-vous pour envisager une implantation internationale ? Et ensuite pour communiquer ?

E. P : Nous engageons une analyse poussée de chaque pays, à la fois géopolitique, juridique et administrative. Nous avons ainsi pris cinq ans pour bien connaître le marché des Emirats Arabes Unis. Cette analyse nous permet de proposer un modèle sur-mesure en cohérence avec les besoins du marché et aligné également avec le plan stratégique de l’organisation. Nous avons à cœur de toujours donner du sens, de la cohérence et construire collectivement les projets de développement.

Pour bien communiquer, il faut maîtriser les us et coutumes locaux et les intégrer Et donc s’adapter partout. Attention à ne pas présenter une carte de la Chine sans Taïwan à Pékin ! Il faut aussi passer par des influenceurs locaux et bien faire attention à tout ce que l’on traduit.

O. R : Comment conjuguez-vous ces implantations à l’international avec l’impératif de réduire votre impact environnemental ?

E. P : Nous ne pouvons pas arrêter d’exposer nos étudiants à d’autres cultures. Nous les sensibilisons à leur impact dans le cadre du passeport School for Good que pilote notre directrice de l’Impact Sociétal et Environnemental, Solène Heurtebis. Dans ce cadre, nous lançons un parcours Sustainability, formation obligatoire certifiante aux enjeux socio-environnementaux pour tous les étudiants,  avec la délivrance du Certificat Sulitest – dont l’EM Normandie est partenaire – à la sortie de l’école.

De plus, nous implanter à l’international pour accueillir des étudiants proches de nos campus à l’étranger permet de réduire notre impact (v/s leur venue en France).

Rester acteur de nos territoires et accompagner chacun dans le management d’un monde durable nous anime au quotidien.

  • Le campus de Dubaï. Sur une superficie de 1 400 m², le nouveau campus de l’EM Normandie peut aujourd’hui accueillir jusqu’à 500 étudiants. Il comprend des espaces pédagogiques, des lieux de vie pour les étudiants et le personnel, des bureaux administratifs. Il dispose sur un niveau d’une demi-douzaine de salles de cours équipées pour délivrer des cours en mode présentiel, distanciel ou hybride, d’espaces de coworking, de travail confidentiel et de Flex-Office, d’un FabLab, d’espaces de restauration et de réception, d’une gaming zone pour la vie associative, d’espaces de détente et de jeux pour les étudiants (avec sofa, ping-pong, babyfoot, air hockey, PS5, etc.) et d’un Executive Education Center.  Le Learning Center, d’une superficie de 130 m², est équipé d’espaces de lecture en anglais et en arabe axés sur la logistique et l’IA ainsi que des salles de coworking. Toutes les ressources numériques de l’EM Normandie sont disponibles en libre accès aux étudiants via le Virtual Learning Center.

 

 

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Olivier Rollot est directeur du pôle Information & Data de HEADway Advisory depuis 2012. Il est rédacteur en chef de "l’Essentiel du Sup" (newsletter hebdomadaire), de "l’Essentiel Prépas" (webzine mensuel) et de "Espace Prépas". Ancien directeur de la rédaction de l’Etudiant, ancien rédacteur en chef du Monde Etudiant, Olivier Rollot est également l'un des experts français de la Génération Y à laquelle il a consacré un livre : "La Génération Y" (PUF, 2012).

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