EMPLOI / SOCIETE

« Nos étudiants sont aspirés par le marché de l’emploi »

Avec un taux d’emploi en très légère hausse (89,5% pour 89,4% en 2018) mais surtout un salaire brut moyen annuel en augmentation significative (34 920 € hors primes contre 34 122 € l’année dernière) l’embellie démarrée en 2015 se poursuit pour les diplômés des Grandes écoles. Un contexte dans lequel les diplômés des écoles d’ingénieurs sont les plus favorisés avec un taux d’emploi qui monte à 91,2% pour les ingénieurs (et une hausse des salaires de 2,2 %) alors que 87,9% de leurs homologues des écoles de management sont en emploi (avec une hausse de 2,6 % de leurs rémunérations). 91,4 des emplois sont dans le secteur privé pour 5,7% dans le public alors que seulement 2,8% sont non-salariés.

Point fort inédit : 65,2 % des étudiants ont trouvé un emploi avant même l’obtention de leur diplôme, soit 3 points de plus que la promotion sortante dans l’enquête 2018. « Nos étudiants sont littéralement aspirés par le marché de l’emploi. Notre problème c’est de ne pas parvenir à former assez de jeunes diplômés pour un marché de l’emploi extrêmement porteur. Aujourd’hui si nos effectifs progressent c’est essentiellement par l’action des écoles privées qui sont plus réactives », note Anne-Lucie Wack, la présidente de la Conférence des grandes écoles, en présentant sa 27ème enquête annuelle sur « L’insertion des diplômés des Grande écoles » cette semaine. « Nous allons vers une croissance mais nous devons toujours prendre garde à la qualité de notre recrutement. Nous assumons le fait d’être sélectif », rappelle Alice Guilhon, vice-présidente de la CGE et présidente de son Chapitre des écoles de management.

 Une inégalité hommes / femmes persistante

De très bons résultats mais un bémol. L’écart d’insertion comme de salaire entre les hommes et les femmes reste en effet important. « Il se caractérise par la différence du taux d’emploi en CDI – 86,5% pour les hommes contre 75,6% pour les femmes – et par  l’écart de salaire observé entre hommes et femmes qui est de 6,08 %  », note Peter Todd, directeur général d’HEC Paris et président de la commission aval de la Conférence des grandes écoles en charge de l’enquête, qui insiste sur « le travail qu’il reste à faire pour parvenir à la parité et pas seulement en France mais partout dans le monde occidental ». Anne-Lucie Wack évoque de son côté des « schémas sociétaux ancrés très en amont qui amènent les femmes à travailler dans des secteurs moins rémunérateurs qui expliquent également les différences de salaire ». Et de s’étonner que « même dans les secteurs en tension on trouve des différentiels femmes / hommes au détriment des femmes ».

 

Parmi les caractéristiques qui expliquent le décalage entre les sexes, le facteur le plus déterminant est le statut cadre : 1,56 point dans l’écart de salaire hommes-femmes s’explique par une proportion moindre des femmes ayant le statut cadre.

Des rémunérations en hausse de 2,2%. Le salaire annuel médian des diplômés de 2018 est de 35 000 € hors primes quand ils sont salariés en France. C’est 1 000 € de plus comparé à la promotion sortante dans l’enquête de l’an dernier. Pour les hommes managers, il est à 36 500 €. Après le « creux » des années 2013 et 2014, on retrouve en 2017 le niveau de salaire d’embauche observé en 2012. En 2019, le salaire atteint 34 900 € hors primes en moyenne pour un diplômé travaillant en France : de 34 600 € pour les ingénieurs à 35 800 € pour les managers. La remontée observée depuis 2017 amène la rémunération avec primes à 41 300 € pour les managers et, à 38 300 € pour les ingénieurs.

Exprimées en euros constants, les rémunérations moyennes hors primes des managers ont baissé de 2,5 % et celles des ingénieurs de 1,1% sur 10 ans, entre 2008 et 2019. La baisse est perceptible à partir de l’année 2008, de l’ordre de 3,7% en un an pour les managers. En 2010, pour les ingénieurs, le salaire en euros constants baisse : – 3,7%, et les managers subissent une nouvelle année difficile : – 3,9 %. L’embellie se présente dès 2011 pour les managers, ce qui leur permet de retrouver en 2012 le niveau de 2009. Pour les ingénieurs, le rattrapage ne se concrétise pas vraiment en 2012 (+ 1,2%) ; leurs salaires réels stagnent. En 2013, ils subissent moins la baisse du salaire réel que les managers (- 3,8%).

Avec les primes, le salaire réel remonte depuis 2014, plus nettement pour les managers, et en 2019 on dépasse le niveau de 2008. À chaque période de reprise, les salaires avec primes permettent aux managers de creuser l’écart avec les ingénieurs. Entre 2014 et 2019, quand les salaires avec primes des managers ont progressé de 10,2%, ceux des ingénieurs ont augmenté de 5%.

Des étudiants qui veulent du sens

« Dans les critères de choix d’emploi le salaire n’arrive aujourd’hui qu’en huitième position », souligne Peter Todd quand Anne-Lucie Wack remarque que « beaucoup d’entreprises ont non seulement du mal à recruter mais aussi à conserver nos diplômés ». « L’engagement social, la volonté de créer son entreprise, la quête de sens sont des données de plus en plus importantes pour nos diplômés », affirme de son côté Alice Guilhon qui regrette que « les palmarès des Grandes écoles restent centrés sur le niveau de salaire alors que les étudiants ont d’autres ambitions ».

La note de satisfaction donnée à leur emploi par les diplômés de 2018 qui sont en activité professionnelle reste à une moyenne plutôt haute : 4,1 sur une échelle de 1 à 5. Plus de 83 % d’entre eux sont satisfaits ou très satisfaits de l’emploi qu’ils occupent. La localisation géographique est le critère qui pose plus de problème avec 8,9 % d’insatisfaits (très insatisfaits et insatisfaits). Enfin le niveau de rémunération est satisfaisant (très satisfaits et satisfaits) pour seulement 58,9 % des diplômés en emploi.

Une peu plus de 10% des diplômés français s’expatrient

Les managers commencent plus souvent leur carrière à l’étranger que les ingénieurs : dans la promotion 2018, ils sont 18,6 % à occuper leur premier poste à l’étranger, quand les ingénieurs ne sont que 9,9 %. Cette différence perdure pour les promotions antérieures. Deux ans après leur diplôme, 23,8 % des managers occupent un emploi à l’étranger. Mais si on considère seulement les diplômés de nationalité française, ils ne sont que 10,1 % à s’expatrier.

L’Union européenne demeure la première destination internationale des nouveaux diplômés managers, avec 60,4 % des postes à l’étranger. Dans le top 5, on trouve le Royaume-Uni, le Luxembourg, l’Allemagne, la Chine et la Suisse. Pour les ingénieurs, c’est plus partagé entre l’Union européenne et le reste du monde. Le top 5 est un peu différent avec la Suisse, le Royaume-Uni, l’Allemagne, le Canada et les États-Unis. Les écarts de rémunération sont très importants d’un pays à l’autre sans réfléter pour autant le vrai niveau de vie.

En Ile-de-France dans des grandes entreprises et des ETI. 54 % des emplois occupés par les nouveaux diplômés qui travaillent en France sont localisés en Île-de-France. Loin devant l’Auvergne-Rhône-Alpes (10 % des emplois) et l’Occitanie (6 % des emplois).

Les diplômés de la promotion 2018 se répartissent à peu près de manière équivalente – environ 30 % – dans les grandes entreprises (5 000 salariés ou plus), les entreprises de taille intermédiaire (250 à moins de 5 000 salariés) et les PME hors micro-entreprises (10 à moins de 250 salariés). Les micros-entreprises (moins de 10 salariés) réussissent à capter 7,1 % des nouveaux diplômés.

Pour les hommes comme pour les femmes, pour les ingénieurs comme pour les managers, les rémunérations augmentent avec la taille de l’entreprise. Si l’écart sur le salaire moyen est de 2 000 € en défaveur des femmes sur l’ensemble des entreprises, les différences salariales entre hommes et femmes se resserrent à mesure que la taille des entreprises augmente : moins de 1 000 € dans les entreprises de 5 000 salariés ou plus, de 1 800 à 3 700 € dans les autres.

Le conseil premier employeur

Les sociétés de conseil sont le premier employeur des jeunes ingénieurs comme des jeunes managers. Tant pour les hommes que pour les femmes, il accueille 20 % des nouveaux ingénieurs, soit 4 points de plus que dans l’enquête précédente. Du côté des diplômés des écoles de management, la banque-assurance recrute plus souvent des hommes : parmi les nouveaux recrutés, seulement 39,8% sont des femmes. On est nettement en-dessous de la part moyenne des femmes parmi les managers en activité (51%). A l’inverse, les femmes sont surreprésentées dans le commerce où elles occupent 59,9 % des nouveaux emplois.

La dimension RSE (responsabilité sociale des entreprises) s’intègre de plus en plus dans les pratiques des entreprises, dans le but de respecter les principes du développement durable (social, environnemental et économique). Environ 10 % des ingénieurs, toutes promotions, et plus de 20 % des managers ont cette dimension dans leur mission, le plus souvent via les pratiques liées au développement durable.

Pourquoi toujours 9% de diplômés en recherche d’emploi ?

Moins d’un nouveau diplômé sur dix (9 %) est à la recherche d’un emploi soit le même niveau que l’an dernier (9,2 %) variant entre 7,4 % pour les ingénieurs et 13,7 % pour les diplômés des écoles « autres ». Pour la promotion 2018, la recherche d’emploi est plus fréquente chez les femmes (2 à 3 points au-dessus). Pour les promotions précédentes, l’écart se résorbe presque complètement.

La principale difficulté rencontrée par les diplômés en quête d’un emploi est l’absence d’expérience professionnelle, citée six fois sur dix, devant le peu d’offres d’emploi. La mobilité géographique est beaucoup moins souvent citée, surtout par les managers qui citent plus souvent l’insuffisance du niveau de salaire proposé. Les ingénieurs rencontrent plus souvent une difficulté de mise en valeur de leurs compétences.

Qui poursuit ses études ? La poursuite d’études après l’obtention d’un diplôme délivré par une Grande école est moins fréquente parmi les diplômés des écoles de management (seulement 4,3 %) que chez les ingénieurs (7,7 %) et surtout les diplômés « autres » (18,3 %). Pour les ingénieurs, la poursuite d’études est d’abord l’occasion d’acquérir une compétence complémentaire (56 % des cas), 33 % souhaitent acquérir une spécialisation dans le cadre de leur projet professionnel. De leur côté les managers voient la poursuite d’études comme un moyen d’acquérir une spécialisation (47 % des cas), 38 % pour acquérir une compétence complémentaire.

Que deviennent les apprentis ? Parmi les répondants de la promotion 2018, 15,5 % ont effectué leurs études en contrat d’apprentissage (19,6% dans les écoles de management contre 13,4 % dans les écoles d’ingénieur). Moins de 6 mois après l’obtention de leur diplôme, leur taux net d’emploi est supérieur à la moyenne et atteint 90,3%. En revanche leur salaire est légèrement inférieur à la moyenne à 34 570 €.

Et les « écoles d’autres spécialités » ? Avec l’entrée de plus en plus de Sciences Po et écoles d’architecture au sein de la CGE – 20 dossiers d’adhésion sont en cours -, la catégorie « écoles d’autres spécialités » prend de l’ampleur. Avec des données significativement différentes des écoles d’ingénieurs et de management puisque leur taux d’emploi est de 81,6%, leur salaire moyen de 32 401€ avec surtout un taux de CDI beaucoup plus faible : seulement 53,6%.

  • Le champ de l’enquête couvre l’ensemble des diplômés des trois dernières promotions de niveau master (bac + 5) des Grandes écoles de France métropolitaine membres de la CGE, à l’exception des diplômés qui ont suivi ce cursus en tant que fonctionnaire. Parmi les diplômés interrogés dans l’enquête, 56 % sont des ingénieurs, 36 % des diplômés des écoles de management et 8 % des diplômés des autres écoles, pour la promotion 2018. Le taux de réponse des nouveaux diplômés atteint 66,1 %, soit 2 points de plus que l’an dernier. Les 38 000 réponses exploitables sur la promotion 2018 permettent d’atteindre un taux de couverture de 65,1 % (un point de plus que l’an dernier). C’est le meilleur taux de couverture obtenu depuis plusieurs années. En revanche, les diplômés de l’avant-dernière promotion se sont montrés moins enclins à répondre à l’enquête : le taux de réponse descend cette année en dessous des 50 %. Avec près de 27 000 réponses, il est de 47,7 %.
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Olivier Rollot est directeur du pôle Information & Data de HEADway Advisory depuis 2012. Il est rédacteur en chef de "l’Essentiel du Sup" (newsletter hebdomadaire), de "l’Essentiel Prépas" (webzine mensuel) et de "Espace Prépas". Ancien directeur de la rédaction de l’Etudiant, ancien rédacteur en chef du Monde Etudiant, Olivier Rollot est également l'un des experts français de la Génération Y à laquelle il a consacré un livre : "La Génération Y" (PUF, 2012).

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