ECOLES DE MANAGEMENT

«Notre ADN c’est l’esprit d’entreprendre»

Ecole postbac, l’EDC Paris business school est de plus en plus concurrencée dans son modèle bac+5 par des bachelors en plein essor et l’arrivée dans la capitale de nombreuses école. Directeur de l’école depuis septembre dernier, William Hurst entend aujourd’hui créer de nouveaux programmes sans cannibaliser son programme Grande école.

Olivier Rollot : Vous avez pris la direction de l’EDC Paris business school à la dernière rentrée. Si vous deviez définir votre école que diriez-vous ?

William Hurst : Notre ADN c’est « l’esprit d’entreprendre ». Et pas uniquement l’entrepreneuriat. Nous formons des leaders entrepreneurs qui parlent le même langage que les entreprises. Des professionnels qui voient le verre à moitié plein plutôt qu’à moitié vide. Qui n’ont pas peur de l’échec et savent aller de l’avant.

Des professionnels qui sont aussi des entrepreneurs. Dans son palmarès « Le Point » nous classe d’ailleurs premiers de toutes les écoles de management possédant le grade de master sur la base des créations d’entreprises récentes de nos diplômés. Avec même un taux de pérennité de 100% chez les start up créées dans les 3 dernières années. Nous nous appuyons pour cela sur la méthode mise au point il y a plusieurs décennies par Robert Papin que nous avons su faire évoluer.

En résumé notre métier c’est de développer ces compétences dans le cadre d’un processus d’apprentissage qui est aussi important que le contenu. « Apprendre à apprendre » à nos diplômés est au cœur des compétences que nous devons leur apporter aujourd’hui.

O. R : Justement on entend que les bacheliers sont mal préparés à l’entrée dans l’enseignement supérieur, ne savent plus se concentrer, que faites-vous pour leur donner le niveau nécessaire à leur futur emploi ?

W. H: On éduque de plus en plus les élèves au travers de séquences d’apprentissage très courtes qui génèrent une pensés de moins en moins construite. Or il faut savoir poser un raisonnement, prendre du temps long dans un monde d’instantanéité. Nous devons donc apprendre à nos étudiants à réfléchir, à poser une pensée. La transmission sera l’un des grands enjeux du XXIème siècle.

O. R : On en parle depuis des années. L’EDC va-t-elle enfin déménager pour de nouveaux locaux ?

W H: Oui ! A la rentrée 2019 nous serons installés dans de nouveaux locaux. Toujours à forte proximité du métro « Esplanade de la Défense » mais du côté de Puteaux. Ce campus de 5000m2, centré principalement autour des programmes EDC, sera à la fois un lieu d’apprentissages, d’échanges et de rencontres propice au développement des leaders entrepreneuriaux du 21ème siècle. Le learning hub et la cafétéria seront des espaces centraux, très ouverts sur l’extérieur. Nous disposerons évidemment d’espaces dédiés à la pré incubation et à l’entrepreneuriat.

O. R : Plus largement, quel regard jetez-vous sur l’univers des écoles post bac vous qui venez des écoles post prépas ?

W. H: On a un peu le sentiment que Paris est une sorte d’eldorado pour des écoles non parisiennes qui s’y installent de plus en plus nombreuses. Ce fut d’abord pour y délivrer des programmes de formation continue puis, aujourd’hui, de la formation initiale. S’implanter à Paris implique des coûts de transaction importants tout en étant un point d’attractivité pour les professeurs internationaux. Et justement notre modèle post bac en 5 ans est assez exotique à l’international où on commence juste à comprendre ce qu’est notre bac+2+3. Notre programme Grande école (PGE) est concurrencé non seulement par les écoles post prépa mais aussi de plus en plus par des bachelors qui permettent aux étudiants de conserver un horizon des possibles plus important et ce plus longtemps. Le programme Grande Ecole reste évidemment notre navire amiral mais nous nous devons d’intégrer cette évolution sociétale dans notre stratégie.

D’où notre volonté de lancer nous aussi un bachelor généraliste en septembre 2019 à l’issue duquel les diplômés pourront, ou pas, rejoindre notre programme PGE ou d’autres diplômes auxquels nous préparons. Nous devons étoffer rapidement notre portefeuille de programmes ; chacun d’entre eux aura son propre positionnement et sa proposition de valeur distinctive afin d’éviter les effets de cannibalisation. Cette exécution rapide et réussie se concrétise par exemple par le lancement de cinq MBA (master of business administration) spécialisés qui auront accueilli plus de 230 étudiants en 2018.

O. R : Votre programme Grande école (PGE) va-t-il également évoluer ?

W. H: Nous sommes en train de le réformer pour la rentrée 2019 ; les maîtres mots sont : modularité, transversalité et leader entrepreneur. Par exemple, dans la nouvelle maquette il y aura des cours sur l’économie de plateforme et l’intelligence artificielle (IA).Tous nos étudiants doivent avoir un socle solide d’appréhension des nouveaux business models qui sera une des caractéristiques forte de ce leader du 21ème siècle. Dans le même esprit, nous renforçons également sur les trois premières années l’apprentissage des méthodes quantitatives d’aide à la décision.

L’objectif est également de recevoir plus d’étudiants directement en première année de cycle master. A l’international également nous voulons recruter plus alors que nous recevons cette année 60 étudiants internationaux sur les 250 nouvellement accueillis au sein de notre PGE.

O. R : Vous avez déjà un bachelor dans le luxe avec Sup de Luxe. Va-t-il subsister après la création du bachelor de l’EDC ?

W. H: Bien sûr. Le groupe EDC regroupe trois marques qui ont chacune leur positionnement: EDC, Sup de Luxe avec des bachelors et des MBAs, et SMS dans le management du sport. Sup de Luxe et SMS sont des écoles sectorielles : tous leurs programmes et ce dès la 1ère année abordent toutes les thématiques de gestion / de management sous l’angle spécifique du secteur concerné.

O. R : Vous recruterez sur Parcoursup en 2019 ?

W. H: Nous attendrons 2020 en même temps que les autres écoles du concours Link avec lesquelles nous sommes en cours de réflexion. Aujourd’hui Parcoursup ne propose pas un processus idéal pour recruter en « multi-entrées » comme nous le faisons. Serons-nous amenés à modifier les épreuves, à les rendre plus digitales c’est à confirmer.

 O. R : Le digital c’est l’avenir de l’enseignement supérieur ?

W. H: Le digital coûte très cher à mettre en œuvre et peut être très rapidement obsolète – en particulier le digital asynchrone à savoir le e-learning, les capsules pédagogiques – si on excepte les programmes très généraux. Bien que nous disposions de programmes distanciels, notre philosophie de l’apprentissage peut être qualifié de présentiel augmenté par un accompagnement à distance asynchrone mais surtout synchrone. Nous ne pensons pas que la production maison de modules e-learning ou MOOC soit l’alpha et l’oméga d’une stratégie innovante en ce domaine. Nous revendiquons que la véritable différentiation provient de la capacité à intégrer et à assembler intelligemment des contenus pédagogiques de différentes natures ou origine. En d’autres termes, l’ingénierie intelligente de programme…

O. R : L’EDC va-t-elle postuler à de nouvelles accréditations internationales ?

W. H: Nous travaillons à la réaccréditation Epas du PGE en 2019 et pensons également à obtenir l’AMBA dans les 3 prochaines années. Obtenir l’accréditation de l’AACSB (Association to Advance Collegiate Schools of Business), c’est un processus de cinq ans qui a un cout important et un impact important sur le modèle opérationnel d’une école. Est-ce réellement indispensable de disposer de deux voire de trois accréditations à l’international ? Si oui, selon quels critères ? Est-ce soutenable financièrement et selon quelles conditions ? Les accréditations internationales sont un des paramètres important de notre stratégie mais elles ne la conditionnent certainement pas.

O. R : L’EDC développe-t-elle l’apprentissage ? Ou préférez-vous les contrats de professionnalisation ?

W H: L’alternance est un merveilleux levier non seulement d’ouverture sociale mais également de maturation professionnelle de nos étudiants. Les quelques 150 étudiants qui suivent leur cycle master selon ce format le font dans le cadre de contrats de professionnalisation (la grande majorité) ou d’apprentissage. Ces contrats, particulier de professionnalisation, requièrent une gestion administrative très lourde avec, tous les trois mois en moyenne, la nécessité de présenter toutes les feuilles de présence des élèves pour être payés. Quand un élève est absent, le processus de paiement est encore plus complexe et lourd. De plus, nous touchons en moyenne moins d’un élève en alternance que d’un élève en formation initiale. Or, un alternant nous coute plus cher car nécessite un suivi renforcé. C’est une véritable injonction paradoxale.

O. R : Une question plus personnelle : qu’est-ce qui vous a poussé à accepter l’offre de l’EDC alors que, jusqu’ici, vous vous positionniez plutôt sur l’Executive Education dont vous avez dirigé les départements à emlyon BS comme à Audencia BS ?

W. H: C’est une question que l’on me pose souvent. On qualifiait mon profil d’original il y a dix ans, on emploie maintenant le terme d’hybride plus à la mode. Premièrement, la formation continue recouvre une activité diplômante (visée très souvent ou donnant lieu à des certifications professionnelles reconnues par l’état) et non diplômante. Deuxièmement, c’est le domaine le plus concurrentiel dans lequel évolue une école de management ; la concurrence y étant protéiforme que ce soit avec les autres écoles, les cabinets de conseil, les organismes de formation, les universités d’entreprise ou encore les EdTech. Troisièmement, je constate avec amusement que les contrats de professionnalisation sont financés par la contribution obligatoire payée au titre de … la formation continue. Je note pour conclure que toutes les grandes écoles prônent la nécessaire diversification des profils de leurs étudiants, que le XXIème siècle sera « hybridé » ou pas, que l’innovation vient de la confrontation de différentes perspectives … Force est de constater que cela ne se reflète pas vraiment dans la composition des instances de direction des écoles en particulier les directions générales. Est-ce que cela me pose problème ? Est-ce que cela me fait me sentir plus déconnecté des problématiques stratégiques de mon établissement? La réponse est clairement non.

O. R : A peine arrivé à votre poste vous avez dû gérer la publication par l’un de vos anciens professeurs vacataires d’une tribune dans Le Monde attaquant violemment l’univers des écoles de commerce sans pour autant vous citer. Vous n’avez pas réagi sur le moment. Pourquoi et quelles leçons en tirez-vous aujourd’hui ?

W H: Permettez-moi de vous dire Olivier que l’absence de réaction est une réaction tout à fait réfléchie. Pour revenir à votre question, EDC se doit de disposer d’une recherche de qualité mais la capacité à transmettre n’est pas négociable. Sans doute n’avons-nous pas été assez vigilant sur ce dernier point concernant cet intervenant qui sera resté moins de 12 mois dans un environnement pour lequel il n’était visiblement pas fait. Aujourd’hui et plus que jamais, nous serons intransigeants sur la pédagogie.

Plus largement ce qui m’a le plus interrogé dans cette tribune, c’est de pouvoir dire tout et son contraire : qu’on aime les étudiants et qu’ils sont « décérébrés », qu’on apprécie ses collègues mais qu’ils n’ont aucun avenir, aucun débouché en dehors de l’EDC. Ce qui me heurte c’est que cette tribune marque un manque absolu de respect pour les étudiants, les autres professeurs ou salariés de l’école. Qu’on soit une « petite » Grande école ou une « grande » Grande école, les critères de qualification auxquels nous sommes soumis sont les mêmes pour tous et je suis très fier de mon corps enseignant et de mes élèves que je découvre tous les jours. Après la caravane passe…

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Olivier Rollot est directeur du pôle Information & Data de HEADway Advisory depuis 2012. Il est rédacteur en chef de "l’Essentiel du Sup" (newsletter hebdomadaire), de "l’Essentiel Prépas" (webzine mensuel) et de "Espace Prépas". Ancien directeur de la rédaction de l’Etudiant, ancien rédacteur en chef du Monde Etudiant, Olivier Rollot est également l'un des experts français de la Génération Y à laquelle il a consacré un livre : "La Génération Y" (PUF, 2012).

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