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«Notre réflexion porte sur l’idée de la création d’une société à mission»: entretien avec Pascal Brouaye, président du Pôle Léonard de Vinci

Le Pôle Léonard de Vinci, c’est aujourd’hui, quatre écoles : une école d’ingénieurs, l’ESILV, une école de management, l’EMLV, une école du digital, l’IIM, et l’Institut de formation continue, DeVinci Executive Education. Une structure en plein essor, passée de 2 500 à 10 000 étudiants depuis 2013. Mais une structure aujourd’hui à l’étroit dans son statut associatif qui étudie le passage au statut de société à mission comme nous l’explique son président, Pascal Brouaye.

Olivier Rollot : Un article de presse s’en est fait récemment l’écho : vous envisageriez de transformer le statut juridique du groupe pour en faire une société à mission dans laquelle entreraient des investisseurs.

Pascal Brouaye : Nous menons effectivement une étude et réfléchissons à une évolution du statut du Pôle vers un modèle qui pourrait prendre la forme d’une société à mission qui amènerait des investisseurs à nous rejoindre. Nous n’en sommes qu’au stade d’études de faisabilité que notre conseil d’administration nous a invités à démarrer.

O. R : Quelle est la structure juridique actuelle du Pôle ?

P. B : Le Pôle Léonard de Vinci regroupe quatre écoles : deux sont gérées au sein d’une association loi 1901 (l’EMLV et l’ESILV), les deux autres sont gérées par une société commerciale : l’IIM et DeVinci Executive Education. Cette double structure a été mise en place en 2016 lorsque nous avons postulé au label d’établissement d’enseignement supérieur privé d’intérêt général (EESPIG), nécessaire pour contractualiser avec l’État et recevoir une subvention pour chaque étudiant de l’EMLV et l’ESILV. A l’époque, il a fallu réorganiser le Pôle afin de mettre en place une étanchéité entre ces écoles et les autres.

En 2017, nous avons obtenu le label EESPIG mais, quatre ans plus tard, il n’a pas été renouvelé au motif que l’IIM était présente dans notre stratégie d’hybridation et le fait que la marque ombrelle « Pôle Léonard de Vinci » était utilisée pour chapeauter toutes les marques avec des similitudes dans les logos de nos établissements.

Nous avons alors pris la décision de renoncer au statut EESPIG pour ne pas remettre en question le positionnement différentiant du Pôle et pérenniser la forte hybridation entre les écoles. D’autant que cette dualité avait un coût fiscal significatif pour une subvention devenue relativement faible car elle n’avait pas bougé en dix ans malgré le quadruplement des effectifs.

O. R : Aujourd’hui, il s’agit donc pour vous de rassembler toutes vos activités dans une structure juridique unique ?

P. B : Notre réflexion porte sur l’idée de la création d’une société à mission. Ce statut nous semble un bon intermédiaire entre l’association loi 1901, qui n’est pas un bon véhicule juridique pour financer de gros investissements, et la société commerciale dont la gestion peut être trop financiarisée. La société à mission a des objectifs qui vont au-delà de la solidité économique.

Dans le schéma auquel nous réfléchissons, l’association historique apporterait ses actifs à la société actuelle qui se serait dotée d’un statut de société à mission. L’association recevrait en échange des capitaux apportés par les investisseurs et verrait son objet transformé. Elle aurait principalement pour objectif de soutenir très significativement les missions sociétales des écoles (bourses, recherche fondamentale, etc.). L’association historique fonctionnerait alors un peu comme une fondation et serait dévolue à l’appui d’initiatives en termes de responsabilité sociétale afin d’amener chaque école à un niveau exemplaire.

O. R : Cela ressemble beaucoup au schéma juridique de emlyon ?

P. B : Oui, c’est un modèle qui nous semble bien adapté à l’enseignement supérieur.

O. R : Quel type d’investisseurs privilégieriez-vous ?

P. B : Nous avons sollicité une banque d’affaires pour nous accompagner dans la recherche d’investisseurs que nous souhaitons être des investisseurs à long terme.

O. R : En quoi le statut associatif est-il peu opérant pour un groupe comme le vôtre ?

P. B : Un exemple. Nous sommes en train de réaliser deux opérations immobilières financées par des crédits-baux. Pour mener à terme la construction du nouveau bâtiment de nos écoles d’ingénieurs et de management, donc sous statut associatif, il nous a fallu apporter aux banques 30% du montant de l’investissement immobilier car celles-ci se refusaient à financer la totalité du projet. Un montant élevé qu’il n’a été possible d’apporter qu’avec les excédents réalisés sur près de dix années d’exploitation. Pour nos écoles sous statut de société commerciale, 8% ont suffi ! Le statut associatif est plutôt adapté à de petites structures n’ayant pas de gros projets à financer à moins qu’elles soient adossées à des institutions solides du type CCI.

Notre schéma rappelle d’ailleurs celui mis en œuvre par les CCI avec les EESC (établissements d’enseignement supérieur consulaire). A côté des EESC, les CCI ont mis en place des fondations qui financent des bourses aux étudiants et d’autres activités d’intérêt général qui renforcent l’activité de l’EESC.

Il s’agit notamment pour nous de pouvoir financer des projets de recherche coûteux, des équipements lourds, informatiques (IA, blockchain, quantique…) par exemple, de se doter de moyens et compétences pour opérer les transformations induites par l’irruption de l’IA dans l’enseignement supérieur et la recherche, de soutenir la transition écologique ou encore d’assurer le développement des instituts du Pôle que nous avons récemment créés.

O. R : Vous avez une échéance en tête pour passer à ce statut de société à mission ?

P. B : Il y aura, le moment venu, toute une série d’étapes en lien avec des instances de représentation et une telle transformation ne pourrait prendre forme qu’au cours de la prochaine année académique.

O. R : Ce statut est le modèle d’avenir pour les écoles ?

P. B : C’est à nos yeux un modèle d’avenir qui allie l’efficacité économique des sociétés de capitaux et le déploiement des dimensions sociale et sociétale soutenues par une association. Les associations ne sont pas conçues pour développer des activités économiques alors qu’elles sont parfaitement adaptées au financement de bourses, de logements étudiants, etc.

O. R : Nous n’évoquerions pas vos projets si vous n’aviez pas relancé, depuis votre arrivée en 2013, le Pôle Léonard de Vinci. Comment expliqueriez-vous cette réussite qui vous amène cette année à dépasser les 10 000 étudiants et vous doter d’un campus multi sites de plus 30 000 m² à horizon 2025-2026 ?

P. B : Avec Nelly Rouyès, la vice-présidente du Pôle, nous avons effectivement remis d’aplomb le Pôle en nous appuyant sur de nombreux leviers. Le premier a été le développement de l’école d’ingénieurs à laquelle nous nous sommes attachés à donner un positionnement généraliste et différenciant. Parallèlement, nous avons développé les autre écoles avec notamment le recrutement de nombreux enseignants-chercheurs qui sont venus compléter les équipes pédagogiques de qualité que nous avions trouvées en arrivant au Pôle. Nous avons, bien sûr, et c’est aujourd’hui une marque de fabrique du Pôle, développé à tous les niveaux l’hybridation et la transversalité entre l’EMLV, l’ESILV et l’IIM. Et bien sûr, nous sommes entrés de façon volontariste dans la recherche des meilleures accréditations nationales et internationales et avons intégré les écoles dans de grands concours communs.

Nous nous sommes également appuyés sur des infrastructures de qualité pour recevoir les étudiants dans les meilleures conditions tout en créant des services transversaux efficaces. Pour ce faire, nous avons recruté des professionnels dans chaque métier.

Et surtout, nous nous sommes attachés à être innovant en permanence en créant par exemple des instituts comme celui des crypto-actifs mais aussi l’institute for future technologies en lien avec le MIT. Nous avons insufflé aux équipes le goût du développement et de la croissance pour créer une dynamique positive. Je définis souvent mon job comme celui de dire « oui » à toutes les initiatives proposées par les collaborateurs dès lors qu’elles sont innovantes et valorisantes pour le Pôle.

  • Le Pôle Léonard de Vinci est constitué de quatre établissements d’enseignement supérieur délivrant des diplômes et titres reconnus qui couvrent des champs disciplinaires complémentaires. L’école d’ingénieurs généraliste ESILV est habilitée par la CTI pour son programme ingénieur et grade de licence pour ses Bachelors, l’école de management, l’EMLV, est quant à elle, accréditée AACSB, AMBA et EFMD Master pour son programme grade de Master et grade de Licence pour ses Bachelors, l’école du digital, l’IIM et l’institut de formation continue DeVinci Executive Education délivrent une vingtaine de titres enregistrés au RNCP. En 2023, le Pôle compte 10 000 étudiants et apprenants (dont 3 100 alternants) au sein de ses trois écoles et de son activité de formation continue, 20 000 diplômés et 460 collaborateurs (dont + de 200 enseignants et enseignants-chercheurs).
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Olivier Rollot est directeur du pôle Information & Data de HEADway Advisory depuis 2012. Il est rédacteur en chef de "l’Essentiel du Sup" (newsletter hebdomadaire), de "l’Essentiel Prépas" (webzine mensuel) et de "Espace Prépas". Ancien directeur de la rédaction de l’Etudiant, ancien rédacteur en chef du Monde Etudiant, Olivier Rollot est également l'un des experts français de la Génération Y à laquelle il a consacré un livre : "La Génération Y" (PUF, 2012).

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