ALTERNANCE / FORMATION CONTINUE

Quel avenir pour l’apprentissage dans l’enseignement supérieur?

La réforme de l’apprentissage représente un enjeu important pour le financement de l’enseignement supérieur. La Conférence des directeurs des écoles françaises d’ingénieur (Cdefi) vient à ce propos de publier une très intéressante étude qui en trace les nouveaux enjeux. Et notamment la façon dont le coût des formations va, ou pas, être pris en compte par les branches et l’organisme en charge de la régulation des coûts et de la qualité des formations : France Compétences.

Les chiffres. Au 31 décembre 2017, 429 900 apprentis suivent une formation en apprentissage dont 166 304 dans l’enseignement supérieur soit une hausse de plus de 9% après déjà +5,9% en 2016 et +3,8% en 2015. Depuis 2012 ces hausses ont permis de compenser la baisse des effectifs dans le second degré. Baisse qui s’est achevée en 2017.

Dans les écoles d’ingénieurs ce plus de 22 500 étudiants qui étaient concernés en 2017avec une hausse 8%. Le nombre d’apprentis préparant un diplôme d’ingénieur a ainsi augmenté de 42% en cinq ans et été multiplié par 2,5 en 10 ans.

La question du « coût contrat ». Comme pour les contrats de professionnalisation, les contrats d’apprentissage vont dorénavant être gérés au contrat et plus globalement par des Centre de formation d’apprentis (CFA). La question du montant auquel les établissements d’enseignement supérieur seront rétribués pour chaque formation est donc cruciale. Leur vigilance est d’autant plus de mise qu’ils ne font pas partie de la gouvernance de France Compétences. « Fixer des coûts en n’ayant que les « clients » atour de la table c’est pour moins étonnant », s’interroge le président de la Cdefi, Marc Renner, qui s’interroge : « On nous a toujours expliqué que nous étions le « modèle vertueux » de l’apprentissage. Ce serait dangereux de faire porter nos formations par apprentissage par nos dotations sous statut étudiant ».

Dans la nouvelle configuration, toute formation a un « coût au contrat » versé par l’OPCO (« opérateur de compétences » qui succèdent aux OPCA). Défini au plus tard le 28 février 2019 par la branche professionnelle dont est issue l’entreprise recrutant en apprentissage, ce coût sera le même que l’école soit à Poitiers ou Paris. Si son montant est inférieur à son coût de revient, l’établissement peut demander à l’entreprise un abondement. Un dispositif de péréquation devrait également permettre d’obtenir un complément de la part de France Compétences mais rien n’est certain.

La Cdefi a créé en 2015 un observatoire de l’apprentissage qui en arrive à une moyenne de coût complet par an et par apprenti de 10 197€ pour une moyenne affichée en préfecture de 9 976€. « Si le coût au contrat est très faible nous allons entrer dans une dynamique où les écoles n’auront plus les moyens de développer l’apprentissage, s’il est proche nous pourrons poursuivre », analyse Jean-Louis Allard directeur de Cesi école d’ingénieurs et spécialiste du sujet au sein de la Cdefi, qui demande que soit établi « un dialogue avec les branches pour définir les coûts ». Non sans anamnèse, le vice-président de la Cdefi et directeur de Télécom Saint-Etienne, Jacques Fayolle s’inquiète de son côté : « La réforme s’inscrivait dans une philosophie de simplification. Si le coût n’est pas en adéquation nous allons devoir demande des abondements aux entreprises puis à France Compétences et cela va devenir au contraire très compliqué ».

  • La création d’un OPCO interprofessionnel est toujours en discussions.

Les autres évolutions. Dans le précédent système l’établissement qui souhaitait proposer des contrats d’apprentissage devait obtenir une autorisation de la région, trouver un CFA qui accepte de gérer cette formation et être habilité à la faire par la Commission des titres d’ingénieurs (CTI) pour les écoles d’ingénieurs. In fine le CFA récupérait les montants issus de la taxe d’apprentissage, des fonds des régions et d’autres au titre des transferts de l’alternance, etc. qu’il redistribuait à l’établissement sur la base d’un coût horaire fixé par le CFA. A la fin de l’année l’équilibre financier était ainsi parfait. Et si un apprenti supplémentaire devait être pris en formation il fallait reprendre toute la chaîne. « C’était système lourd, complexe dans lequel le gouvernement a voulu mettre de l’agilité en supprimant notamment l’intervention des régions et en permettant ) tout organisme de formation de se lancer dans des formations en apprentissage », note Jean-Louis Allard.

Dans le système qui démarre le 1er janvier 2019, tout organisme de formation peut se lancer dans l’apprentissage si cela entre dans ses statuts. Les entreprises peuvent également créer des CFA internes. Le tout est soumis à de nouvelles obligations : les organismes de formation doivent se déclarer à leur direction régionale des entreprises, de la concurrence, du travail et de l’emploi (DIRECCTE), être certifiés par le Comité français d’accréditation (COFRAC) et contrôlé par les OPCO (habilitées par la CTI les école d’ingénieurs sont dispensées de la certification du COFRAC). Dans ce cadre Jean-Louis Allard estime qu’on « va plus développer plus l’apprentissage que le contrat de professionnalisation ». Des formations qui étaient jusqu’ici en contrat de pro pourraient passer en apprentissage. Ce que craint Jaques Fayolle : « Il ne faudrait pas que des écoles glissent sur ce type de formation pour des raisons financières. On s’attend à ce que le système soit chahuté avec l’arrivée de nouveaux acteurs qui vont disparaître ensuite au moment des audits qualité ».

 

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Olivier Rollot est directeur du pôle Information & Data de HEADway Advisory depuis 2012. Il est rédacteur en chef de "l’Essentiel du Sup" (newsletter hebdomadaire), de "l’Essentiel Prépas" (webzine mensuel) et de "Espace Prépas". Ancien directeur de la rédaction de l’Etudiant, ancien rédacteur en chef du Monde Etudiant, Olivier Rollot est également l'un des experts français de la Génération Y à laquelle il a consacré un livre : "La Génération Y" (PUF, 2012).

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