L’université Lyon 3 Jean-Moulin fait partie de ces grandes universités orientées vers les sciences humaines avec une forte composante de droit et de gestion. Son président, Jacques Comby, accorde une importance toute particulière au placement de ses étudiants et à ses bonnes relations avec le monde de l’entreprise. Alors qu’une nouvelle loi sur l’enseignement supérieur et la recherche va voir le jour, il revient aussi sur quelques points importants sur la gouvernance des universités.
Olivier Rollot : Lyon 3 propose de nombreuses disciplines mais le droit et les sciences de gestion, notamment avec un IAE, semblent les plus importantes. Comment gérez-vous cet ensemble?
Jacques Comby : Le droit et la gestion ont joué un rôle essentiel dans la fondation de notre université, née d’une scission au sein des universités lyonnaises il y a de cela quarante ans. Ces composantes représentent à elles deux 60% des étudiants, et sont des piliers essentiels auxquels s’ajoute d’ailleurs un IUT en droit et gestion, mais au-delà nous sommes riches d’une grande diversité de formations et spécialités de recherche dans notre établissement. Ainsi, nous avons également une puissante faculté de langues qui intègre les sciences de la communication, mais aussi une faculté des lettres et civilisations de très grande qualité qui héberge les départements de lettres, de communication, de géographie et d’histoire, et enfin une faculté de philosophie des plus réputées.
C’est notre capacité à faire vivre cet ensemble et à respecter toutes les spécialités dans leur singularité qui rend notre université dynamique et performante. En moins de 10 ans les effectifs ont progressé dans toutes les disciplines pour passer de 17 000 à plus de 25 000 étudiants. Si cet accroissement se vérifie dans les inscriptions en première année, comme dans la plupart des établissements, nous observons à l’Université Jean Moulin Lyon 3 les plus fortes hausses en valeur relatives dans les masters. C’est un signe qui traduit notre capacité à attirer les étudiants par la qualité de nos formations et de la recherche.
O. R : Au niveau licence participez-vous aujourd’hui au mouvement qui tend à créer des licences plus pluridisciplinaires?
J. C : Oui car il est essentiel de permettre aux étudiants d’explorer différents champs de compétences, certes pour ensuite se spécialiser, mais aussi pour se nourrir d’une vision plus globale et systémique. Cependant, nous le faisons sans perdre de vue le fait que nous devons amener progressivement les étudiants à maîtriser un domaine disciplinaire qui doit répondre aux besoins d’employeurs et/ou aux exigences d’une carrière scientifique pour lesquels une formation disciplinaire donne aussi de la lisibilité.
À Lyon 3, nous gardons ces deux objectifs en tension : l’un ne doit pas se développer au détriment de l’autre. C’est ainsi que nous pouvons renforcer chez nos étudiants des compétences utiles aux employeurs et à la recherche. Ils doivent être crédibles dans leur discipline mais aussi agiles et créatifs pour aller puiser dans d’autres univers pour lesquels nous leur aurons donné des clés, et une autonomie d’apprentissage.
O. R : Avant de lancer un nouveau diplôme professionnalisant vous faites justement une étude d’opportunité auprès des acteurs du monde professionnel.
J. C : Certes, un diplôme doit pouvoir se nourrir d’une équipe enseignante impliquée, qui mobilise des connaissances nouvelles produites au travers de son activité de recherche. Cependant, ce diplôme doit aussi être une réponse à une attente. Nous sommes dans le dilemme de l’offre «poussée» et «tirée» dont on sait depuis longtemps que les deux sont indispensables, et sont dans une relation récursive. Nous étudions l’opportunité en considérant si des programmes similaires existent par ailleurs, et s’ils couvrent les besoins. Ensuite, nous consultons nos partenaires, de toute nature et y compris les collectivités locales qui ont une vision des besoins du territoire.
Ces attentes peuvent émaner de professions organisées, qui souhaitent que notre université créée une spécialité pour répondre à des besoins d’expertise qui n’existaient pas il y a cinq ans. Elle peut aussi venir d’entreprises, qui attendent que nous proposions des programmes nouveaux pour faciliter leur développement, par exemple à l’international. Mais l’attente peut aussi être celle de la Société, qui attend que notre université propose des formations qui fassent entrer ses meilleurs éléments dans les PME ou qui compte sur notre faculté de philosophie pour proposer un programme de haut niveau en développement durable, permettant que des décideurs soient capables de saisir ces enjeux de manière authentique.
O. R : Tout le monde adhère à ce modèle?
J. C : Vous l’aurez compris, notre université est ouverte sur la société, les entreprises, les collectivités mais aussi le monde de la culture, non par nécessité mais par vocation et parce que cela la rend plus efficace dans ses missions. Nous voulons former des étudiants qui trouvent rapidement une insertion professionnelle de qualité qui correspond à leurs espérances et à ce pour quoi ils ont été formés.
En rencontrant nos partenaires lors de cours ou pour des conférences, lors de projets menés en commun ou même pendant des évènements festifs, nos étudiants s’imprègnent et renforcent leur professionnalisation. Mais cela ne signifie pas que nous soyons assujettis aux contraintes économiques. Nous travaillons ainsi avec le souci de créer des formations innovantes et prenons le plus grand soin dans le choix de nos partenaires.
Avec des composantes telles que l’IAE et le droit cela va de soi. Si cela peut sembler moins attendu dans d’autres disciplines, ce n’est plus le cas à l’université Jean Moulin Lyon 3 où chaque faculté est devenue très sensible à cette approche : par exemple en langues mais aussi avec nos philosophes qui ont créé des masters professionnels, etc. Notre doyen de la faculté des lettres, une professeure de lettres, est pleinement engagé dans cette réflexion pour une professionnalisation nouvelle des étudiants.
O. R : Cette professionnalisation se retrouve-t-elle dans les méthodes d’enseignement?
J. C : Nous travaillons beaucoup sur l’apprentissage de la culture de projet, et même souvent sur l’ingénierie de projet. Les étudiants ne veulent pas seulement écouter un cours magistral mais veulent aussi conduire des projets impliquant qui, au cours du temps, mobilisent les acquis des séminaires. C’est un modèle pédagogique qui ne dissocie plus réflexion et action. Il est aussi plus ouvert car il favorise la mobilisation d’intervenants extérieurs et provoque des échanges concrets et solides avec le monde socio-économique. Notre université mobilise, à des niveaux d’intervention différents, plus de 2000 professionnels dans ses séminaires.
O. R : Dès la première année?
J. C : Pas dès leur entrée à l’université, non. Entrer en première année de licence suppose de faire d’abord ses premières armes dans une discipline et d’en acquérir les fondamentaux. C’est un socle nécessaire à la réussite en licence, sur laquelle nous portons une attention toute particulière. Ainsi, beaucoup d’étudiants des années supérieures viennent aider les plus jeunes que nous avons identifiés comme étant en difficulté. Nous essayons de créer un encadrement de proximité qui ne soit pas pour autant du «cocooning».
Ensuite, assez vite, nos étudiants sont mis en lien avec des professionnels pour acquérir les pratiques de l’entreprise, de la recherche, pour apprendre à en utiliser les outils mais aussi à s’imprégner du fonctionnement et de l’organisation de ces entreprises, des laboratoires.
O. R : Cette maîtrise des codes de l’entreprise va être un argument majeur pour convaincre ensuite les employeurs?
J. C : Nous apprenons à nos étudiants qu’un bon CV n’est pas celui qui aligne l’acquisition successive de diplômes disciplinaires. Je suis moi-même géographe mais qu’est-ce qu’une licence ou un master de géographie, voire une thèse, pour un employeur? Ce qui importe, ce sont les compétences que l’on a acquises (diagnostic de projet, techniques d’enquêtes, etc.) et qui dépassent le cadre d‘une discipline. C’est l’ensemble qui est utile à l’entreprise.
Nous formons ainsi beaucoup de cadres intermédiaires et supérieurs qui trouvent toute leur place dans l’entreprise, et je dirais même progressivement. Nous sommes fiers de lire, dans nos enquêtes d’insertion, que nos anciens diplômés voient l’utilité d’un certain nombre de discours ou de méthodes se révéler au fur et à mesure des opportunités professionnelles qu’ils trouvent dans leur entreprise ou en changeant de situation professionnelle.
O. R : Vous insistez beaucoup sur la durée des compétences que vous apportez à vos étudiants.
J. C : Notre université ne forme pas uniquement pour un poste immédiat. Nous préférons les couches en profondeur que le seul verni que l’on voit parfois dans des formations trop clinquantes et dans le seul air du temps. Nous devons aider nos étudiants à convaincre les employeurs de leurs qualités. Cela passe aussi par des formations sur le comportement, la prise de parole… et par l’abandon de quelques complexes mal placés. Pour travailler constamment avec les entreprises, les dirigeants savent pertinemment que les jeunes diplômés restent à former aux spécificités de leurs entreprises. Pour cela, ils ont besoin de jeunes diplômés capables d’adaptation, mais aussi capables de comprendre que les postes qu’ils envisagent doivent se conquérir au travers de l’expression de leurs compétences et de leur engagement.
Notre université propose à ses étudiants une capacité d’insertion professionnelle que nous voulons durable. C’est sans aucun doute ce positionnement qui explique la qualité de notre insertion professionnelle, unanimement reconnue. Dans le même esprit, qui vise aussi au développement d’une identité universitaire dans le monde professionnel, nous soutenons les réseaux d’anciens diplômés et les juniors entreprises. Nous travaillons à reconstituer un réseau des anciens de l’Université Jean Moulin Lyon 3 dont beaucoup occupent des postes à responsabilités et qui sont très heureux de revenir dans « leur » université pour transmettre et accompagner comme ils auraient peut-être voulu qu’on le fasse pour eux il y a de nombreuses années.
Bien sûr toutes les universités se positionnent dans cette problématique qui vise à favoriser l’emploi de leurs diplômés, mais c’est véritablement l’une des marques de fabrique de l’université Jean Moulin Lyon 3.
O. R : On entend souvent que les étudiants ont beaucoup changé ces dernières années, les fameux « Y ». C’est quelque chose que vous ressentez également?
J. C : Ils pensent moins à la réussite économique et plus à une « qualité de la vie », à se préserver un cadre familial ou privé, à avoir du temps pour eux en somme. Cela ne veut pas dire qu’ils ne s’engagent pas pour l’entreprise, mais on sent qu’ils cherchent les conditions d’un équilibre, sans doute pour être plus sereins. C’est vrai pour les étudiants en lettres mais également en management. N’oublions pas que nos rythmes de travail sont assez décalés par rapport à ce que l’on peut rencontrer dans le monde anglo-saxon, ou en Allemagne par exemple, pays dans lesquels les horaires sont plus maîtrisés et l’organisation du travail une réflexion centrale des dirigeants. Nous avons peut-être une génération qui s’inscrit dans cette logique, et c’est un défi plutôt qu’une contrainte pour les entreprises.
On ne peut pas dire que les entreprises allemandes ou britanniques, pour rester en Europe, soient moins efficaces que les nôtres, évidemment. Il ne faut pas traduire cela comme des ambitions trop mesurées, calculées, car par ailleurs cette génération s’attend à un monde professionnel assez difficile. Même nos étudiants entrepreneurs, et par exemple ceux de notre incubateur, parlent de qualité de la vie. Ils entreprennent pour adopter un style de vie, se construire un mode de vie et sans être naïf quant aux difficultés qu’ils vont rencontrer. Je trouve cela rassurant et très intéressant.
O. R : Avec l’approche « compétences » que vous avez évoquée, vous voilà proche de la façon dont travaillent de plus en plus les grandes écoles, notamment d’ingénieurs?
J. C : Si nous pouvons partager une finalité, les modèles et les solutions ne sont pas les mêmes. Nos volumes d’étudiants et nos budgets par élève n’ont rien à voir avec ceux des grandes écoles. Les projets que nous montons doivent rester « faisables ». Nous prenons les bonnes idées là où elles se trouvent et inversement, nous avons vu des concepts pédagogiques que nous avons initiés se développer « ailleurs ». Nous pouvons effectivement apprendre d’eux, d’autant qu’aujourd’hui ils viennent également vers nous pour acquérir une nouvelle approche des sciences humaines et sociales.
Nous avons d’ailleurs de plus en plus de partenariats dans les diplômes. Nous allons au-delà de la seule « double » compétence, pour proposer des programmes de spécialité par exemple en gestion mais aussi en droit ou même en philosophie, comme avec l’Ecole Centrale de Lyon, en géographie avec l’Insa, etc.
O. R : Un institut d’administration des entreprises (IAE) c’est un peu une grande école à l’université?
J. C : Les grandes écoles sont une spécificité purement française et nous serons amenés à travailler toujours plus avec elles dans les années à venir. Les IAE sont une vraie marque nationale. L’IAE n’est pas « un peu » une grande école. C’est un autre modèle, celui d’une école universitaire de management qui répond aux meilleurs standards et qui, contrairement aux écoles, offre un spectre de spécialités particulièrement large. C’est une alternative très convaincante aux écoles pour un coût universitaire. Mais notre faculté de droit est également un modèle de grande école universitaire et elle est incontournable dans le paysage national pour la préparation aux grands métiers du droit. Ces modèles peuvent-être également déclinés avec nos autres facultés et composantes. C’est dans tous les cas notre pari mais surtout notre ambition.
O. R : Le sujet du moment ce sont les MOOC (massively open online courses), ces cours gratuits en ligne que produisent les universités américaines. Quelle est votre position sur le sujet. Pensez-vous en produire?
J. C : Les MOOC sont un outil extraordinaire et il m’arrive d’aller suivre un cours d’Harvard sur Internet. Mais attention, ces cours n’ont pas la même force qu’un séminaire en présentiel, pour de nombreuses raisons qui sont difficiles à développer ici. On reste par ailleurs bien souvent dans un mode de séminaire filmé, sans réelle créativité spécifique. D’une certaine manière cela se fait à moindre coût, et on cherche surtout à jouer sur la réputation et à affirmer la mission de diffusion des connaissances pour des universités qui, par ailleurs, pratiquent des tarifs particulièrement élevés. En fait, ces MOOC sont des produits d’appel pour la plupart et lorsqu’il s’agit de programmes complets on comprend que le modèle économique s’oriente vers la certification, qui elle reste payante.
Quoi qu’il en soit, je ne crois pas au « tout numérique ». Il n’est pas à mettre en opposition à d’autres approches mais en synergie. Le cours présentiel garde l’avantage de donner l’envie d’avancer. Je n’enseigne plus beaucoup aujourd’hui au regard de mes fonctions mais, quand je le fais, je pense au fond de mon enseignement mais aussi à une dimension théâtrale porteuse de sens. Il faut pouvoir partager avec les étudiants plus que des compétences, mais du lien et bien souvent de la sympathie.
N’oublions pas la communauté qui se forme dans un cours et qui contribue pour beaucoup dans la qualité de l’enseignement. En tant qu’enseignant, je ne suis jamais aussi efficace que quand on vient me « chercher » dans mes retranchements et mes expériences. Ainsi le MOOC, est très utile pour des cours standards, souvent un peu aseptisés, mais pas pour tout ce qui relève de l’expérience que l’on veut transmettre.
O. R : Plus largement où en êtes-vous sur les apprentissages en ligne?
J. C : Nous sommes en mouvement sur cette question. Nous avons des axes numériques dans notre projet « Réussite en licence » pour mieux toucher ceux qui sont en difficulté. Enfin notre faculté de droit a développé un dispositif avancé, mais qui n’est pas ouvert aux non étudiants. Nous avons signé avec Radio-France un accord pour proposer des modules d’enseignement qui seront sur une plate-forme partagée par de nombreuses universités. Il serait d’ailleurs intéressant que l’Université de Lyon, dont différents membres ont signé après nous cette convention, se regroupe pour donner une visibilité globale et en exploite tout l’intérêt.
O. R : On n’est pas encore passé au stade des « communautés » voulues par la prochaine loi. Où en sont vos collaborations dans le cadre du PRES Université de Lyon et, plus particulièrement, avec l’université Lyon 2 Lumière, avec laquelle vous avez beaucoup de disciplines en commun?
J. C : Après 40 ans de séparation avec Lyon 2 nous n’avons jamais été aussi proches. Il faut mutualiser, penser nos recrutements, faire travailler ensemble nos enseignants. Tout cela sans qu’on parle pour autant de fusion systématique et surtout imposée. Notre futur est à construire ensemble et non pas à subir. Plus largement, en ce qui concerne le PRES, nous devons, par exemple, gérer ensemble nos relations internationales. Quand nous visitons de grandes universités à l’étranger, comme celle de la USP de Sao Paulo au Brésil, la seule masse critique de ce partenaire nous impose de parler d’une seule voix, sans négliger pour autant nos spécificités.
La loi devrait permettre à chacun de garder son identité et nous voulons travailler dans un modèle de confédération, auquel adhèrent d’ailleurs les grandes écoles. Ensuite, des fusions seront peut-être possibles un jour. Mais elles doivent découler d’une construction et non pas imposer des contraintes au développement de la recherche et de la formation du site, dont la lisibilité dépend autant de la richesse de sa diversité que de sa capacité à construire un projet commun. Il faudra qu’elles soient voulues par les établissements parce que cela aura du sens pour remplir leurs missions et que cette volonté est la première garantie d’un résultat efficace.
L’objectif n’est pas de créer une structure mais de constituer un site reconnu internationalement et en lien étroit avec son territoire. Ce site doit se construire sur des projets et des collaborations qui définiront rapidement la, les, structures, qui sont indispensables à la réalisation des objectifs. Je dis souvent qu’il n’y pas le PRES et les établissements mais que les 19 établissements du site sont le PRES. Ainsi l’Université Jean Moulin Lyon 3 est le PRES.
O. R : On a commencé à parler de la loi à venir sur l’enseignement supérieur. Si les communautés sont le premier sujet de tension, qui dépasse même les universités, pour ces dernières c’est la notion de «conseil académique» qui cristallise beaucoup d’interrogations. Quel est votre sentiment sur ce que certains craignent devoir devenir un «conseil d’administration bis»?
J. C : Je suis à en désaccord avec ces dispositions car la loi risque de créer ainsi deux pouvoirs parallèles et contre-productifs. Par ailleurs une partie des principes de la loi est déjà en cours dans de nombreux établissements. C’est le cas dans notre université où les avis du conseil scientifique et du conseil des études et de la vie universitaire sont considérés comme des décisions et sont votés en quelques secondes par les membres du CA qui en ont pris connaissance avant le conseil. Ce n’est que lorsqu’un membre du CA estime qu’une question doit être plus instruite qu’elle fait l’objet d’un débat dans ce conseil.
Si les avis que donnent les conseils sont tous, pratiquement, votés sans nouveaux débats, c’est qu’ils sont discutés avec l’ensemble des parties prenantes de l’établissement avant d’arriver devant les conseils, dans des groupes de travail, des commissions et en totale concertation selon un modèle donc très démocratique et fondé sur la concertation. Cela constitue également un gain de temps appréciable qui nous permet de nous concentrer en CA sur notre politique de développement et nos grands projets. La plupart des établissements, comme le nôtre, ont aussi prévu que les trois conseils soient réunis plusieurs fois dans l’année pour débattre des grands projets et de la politique d’établissement.
Il y a un risque à laisser le choix aux établissements de la création ou non d’un conseil académique Ceux qui feront le choix de ce conseil, pourraient subir un processus de marginalisation. A qui s’adresser entre ces deux présidents potentiels de deux instances d’un même établissement? On évoque le droit de veto pour éviter les dérives et conserver au CA son pouvoir décisionnaire. Je ne crois pas que ce soit ainsi que l’on renforce le modèle démocratique de gouvernance des établissements et on prend un risque fort de tensions et divisions internes. Je reconnais sincèrement les véritables efforts du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, dont en particulier les créations de postes, mais sur cette question je pense qu’il est dans l’erreur.
O. R : Que doit-on attendre d’un bon président d’université aujourd’hui?
J. C : Il ne doit pas simplement administrer de manière technique. C’est d’ailleurs l’un des sens de la fonction que j’associe au renforcement de l’autonomie. Ceci est d’autant plus important dans une période économique difficile et compliquée. Un président doit aujourd’hui être plus qu’un administrateur. J’oserais dire, sans confondre les universités avec des entreprises privées car notre mission est de service public, qu’il doit être aussi un manageur. Il doit entreprendre. Ce n’est même plus un choix si nous voulons conserver notre efficacité dans la mission qui nous est confiée et qui plus est la renforcer.
Un bon président, selon moi, est donc celui qui a été élu sur un projet fort. Il doit le développer avec pugnacité pour qu’il ne reste pas qu’un discours mais il faut aussi qu’il s’adapte aux réalités qu’il découvre chaque jour. Il doit être aussi capable d’arbitrer en fonction d’une cohérence avec son programme qui l’a porté à ce niveau de responsabilité, pour mettre le projet d’établissement en œuvre. Il doit aussi s’exprimer et expliquer sa politique. Il doit faire œuvre de pédagogie car chacun a une idée de ce que doit être l’université. Il doit enfin donner de l’envie et motiver les initiatives autour de lui, contribuer à créer un esprit de cohésion autour d’un projet et d’un établissement, notamment quand la période est difficile.
Avec la loi d’orientation, je crains qu’on crée un système proche de la IVème République, certes potentiellement démocratique, mais sclérosant. Quel serait le rôle d’un président d’université qui n’aurait pas le droit d’assister à l’un deux grands conseils de son établissement? L’État nous a donné une certaine autonomie, je ne veux pas qu’on nous la reprenne. Nous ne pourrons avancer que dans un climat de confiance. La confiance en l’idée que chaque président se fait aujourd’hui du pouvoir dont il dispose et non pas de l’idée qu’il pourrait en abuser de façon autocrate. Dans mon cas, mais je sais cette conception largement partagée, mon pouvoir n’a de référence que dans les responsabilités qu’il m’impose. C’est d’ailleurs cette idée qui m’a conduit à m’engager et qui fait que ma fonction est difficile mais passionnante.