POLITIQUE DE L'ENSEIGNEMENT SUPERIEUR

20 défis pour l’enseignement supérieur en 2020

L’année 2020 sera celle des mutations : d’organisations pour les nouvelles universités expérimentales, de processus après la réforme de l’apprentissage et de la formation continue, d’actionnaires pour de grandes enseignes. Du tangage dans les voiles à prévoir, des changements dans les gouvernances à anticiper, de l’actualité à maîtriser… Les 20 défis de 2020.

1. Accroitre l’égalité des chances. « Bonifier » les notes des boursiers, créer des filières dédiées comme à Sciences Po, limiter la part de la culture générale dans les concours ou tout simplement soutenir les élèves défavorisés sur le modèle des Cordées de la Réussite, les idées fusent pour rendre l’enseignement supérieur plus perméable aux boursiers. Et pas seulement les Grandes écoles mais aussi les filières universitaires les plus sélectives comme la médecine ou le droit. Au premier rang c’est l’Ena qui devrait bientôt être réformé. « Tout changer pour que rien ne change ? »

2. Trouver les moyens de se développer. Tout l’enseignement supérieur français qui manque de moyens. Et si l’Etat ne peut pas en faire plus, la seule solution n’est elle pas d’augmenter les frais de scolarité tout en ajustant le montant des bourses pour les moins favorisés ? Le débat est récurrent et n’avance guère au péril de voir les meilleures filières publiques, nos grandes universités de recherche comme les grandes école d’ingénieurs, se paupériser.

3. Faire éclore les nouvelles universités « expérimentales ». Grenoble Alpes Université, Université de Paris, PSL, etc. de grands ensembles universitaires naissent ou se transforment en ce début 2020. Objectif : resserrer la gouvernance pour la rendre plus efficace et… répondre aux demandes du jury des Idex et Isite généralement pas pleinement satisfaits. Ces nouveaux ensembles vont-ils mieux fonctionner que des Comue qui disparaissent les unes après les autres ?

4. Intégrer les Grandes écoles dans les nouveaux ensembles. Cela reste un point d’achoppement majeur comme l’a illustré la valse-hésitation de Centrale Nantes à intégrer le projet d’Isite nantais. Comme un cheval devant l’obstacle les Grandes écoles d’ingénieurs n’en finissent pas d’hésiter à franchir la barre. A Grenoble l’INP a franchi le pas mais beaucoup hésitent encore de peur d’être absorbées. Garder la personnalité morale ?, c’est possible mais est-ce suffisant pour rester vraiment indépendants à moyen et long terme.

5. Enseigner les enjeux du changement climatique. « Ne croyez pas que deviez choisir des entreprises vertueuses uniquement. Allez dans toutes les entreprises et montrer leur les enjeux. » Venu à la rentrée 2019 au Pôle Léonard de Vinci faire participer les étudiants à sa Fresque du climat, Cédric Ringenbach les y a sensibilisés aux enjeux. Comme il le fait un peu partout. Mais d’autres voies portent également le sujet dans les entreprises. « Ce qui va le plus impacter les entreprises dans les années à venir c’est la transition écologique », soutient le directeur général de l’Organisation mondiale du commerce et actuel président de la Fondation Jacques Delors, Pascal Lamy. Deux points de vue qui se complètent et commencent sérieusement à impacter tout l’enseignement supérieur.

6. Etre en phase avec la montée en puissance de l’IA. Que ce soit ou pas une évolution des Big Data, la gestion de l’intelligence artificielle (IA) sera au cœur du développement des entreprises dans les années à venir. Comment l’enseigner ? Comment s’en servir ? En faisant venir de HEC Montréal le professeur Thierry Warin pour développer un laboratoire complet et implémenter des solutions d’IA dans ses programme SKEMA a pris un tourbant décisif. Emlyon, TBS… d’autres s’emparent aussi du sujet.

7. Savoir profiter de la réforme de l’apprentissage. C’est LE gros morceau de l’année. La réforme de l’apprentissage pose à la fois des questions existentielles aux Grandes écoles, essentiellement de management, qui se sentent flouées par le niveau de financement de leurs formations, et ouvre de grandes possibilités d’expansion. Libérés de ses carcans l’apprentissage peut se développer et être une solution de financement massive pour beaucoup de jeunes.

8. S’adapter à la réforme de la formation continue. Concomitamment à l’apprentissage c’est toute la formation professionnelle qui est réformée en ce début 2020. Fin 2019 l’application du compte personnel de formation (CPF) a déjà permis à un certain de nombre de salariés de mesurer leurs droits acquis. Quel usage vont-ils en faire maintenant ? La formation tout au long de la vie (FTLV) va-t-elle enfin se développer en France ? Et quelle part y prendront les grands acteurs de l’enseignement supérieur ?

9. Accroitre la part de la France sur le marché mondial de l’enseignement supérieur. C’est un marché sur lequel la France entend se développer et même doubler le nombre d’étudiants étrangers. C’est en tout cas ce que définit sa stratégie « Bienvenue en France ». Certes les grèves à répétition obèrent notre modèle mais il n’en reste pas moins robuste avec un rapport qualité/prix imbattable. A l’heure du Brexit, de la guerre commerciale sino-américaine et d’une Australie qui brûle les cartes peuvent-elles être rebattues au bénéfice de la France ?

10. Gérer l’irruption des investisseurs privés dans les Grande écoles consulaires. En 2019 emlyon est devenue une SA. En 2020 la Chambre de commerce et d’industrie Paris-Ile de France entend créer une holding pour gérer ses Grandes écoles. Mais les conflits qui ont marqué l’année 2019 du côté lyonnais sont là pour le rappeler : le passage d’une culture à une autre est synonymes de difficultés…

11. Suivre les mouvements capitalistiques dans l’enseignement supérieur privé. En 2019 le groupe Inseec U. a été vendu au fonds d’investissement Cinvent pour 800 millions d’euros. En 2020 tout le monde en parle même si ce n’est pas officiel, le groupe Galileo Global Education est à vendre. Et pas à un petit prix. On parle de plus de 2 milliards d’euros, presque trois fois le prix de l’Inseec U.

12. Accroitre sa dimension numérique. Sans même parler d’IA les établissements d’enseignement supérieur doivent de plus en plus utiliser les outils numériques dans leur gestion quotidienne comme dans leurs programme. Dans ce cadre la naissance d’un puissant réseau d’EdTech françaises pour les accompagner sera un élément déterminant de cette montée en puissance face aux Etats-Unis et à la Chine.

13. Enchanter l’expérience étudiante. Longs séjours à l’étranger, travail à distance quand vos étudiants sont de moins en moins présents sur vos campus comment en faire des alumni fidèles ? Sans doute en « enchantant » leur présence sur les campus par une expérience étudiante toujours plus réussie.

14. Faire vivre les réseaux d’alumni. Quand les alumni préfèrent Linkedin à leurs associations comment faire vivre le lien indispensable avec eux pour s’assurer de leur attachement à leur établissement ? Les associations d’alumni doivent repenser leur rôle, formel et informel, pour gérer de nouveaux réseaux qui leur échappent mais sont aussi plein d’opportunités.

15. Développer les fondations. Alors que de nouvelles règles fiscales s’appliquent aux donations des entreprises les fondations des établissements d’enseignement supérieur doivent pérenniser leurs revenus pour continuer à les soutenir. Dans ce contexte la préservation des liens avec les alumni est plus que jamais cruciale.

16. Former à des métiers qui n’existent pas encore. Que doit-on apprendre à ses étudiants ? Quel équilibre trouver entre soft skills et connaissances classiques ? Qu’est-ce que signifie l’antienne « apprendre à apprendre » ? L’enseignement supérieur s’interroge sur comment former ses étudiants à des métiers qui n’existent pas encore tout en les formant à des métiers qui n’existeront peut-être pas longtemps encore.

17. Préserver la liberté d’expression. Face à ceux qui veulent interdire certains de s’exprimer ou bloquent les campus l’enseignement supérieur est partagé entre le respect pour les opinions tranchées, son refus de faire appel aux forces de l’ordre et la nécessité de faire respecter les principes de tolérance et de liberté sur lesquels il est bâti.

18. Trouver sa juste place au bachelor (bac+3). Un grade de licence et un nouveau diplôme à bac+3, le bachelor universitaire de technologie, dans les IUT, c’est à bac+3 que se joue cette année le développement de l’enseignement supérieur. Pour les IUT c’est un développement logique dans le cadre du LMD. Pour les Grandes écoles c’est à la fois la satisfaction de voir leurs bachelors mieux reconnus et la perspective de vivre une nouvelle concurrence qui va obérer leurs admissions à bac+2.

19. Se mesurer les classements. Les classements sont un enjeu majeur pour les Grandes écoles, et d’abord celles de management, et les classeurs doivent prendre le plus grand garde quand ils les établissent. Après les écoles d’ingénieurs les écoles de management réussies au sein de leur Chapitre semblent également s’apprêter à consolider leurs données pour éviter les erreurs… qui viennent essentiellement des données qu’elles délivrent aux classeurs. Il est temps d’établir des processus plus rigoureux.

20. Trouver les profils susceptibles de gérer les 19 points précédents. C’est un mouton à x pattes que recherchent aujourd’hui les établissements d’enseignement supérieur. Alors que 60 universités vont remettre les mandats de leurs présidents en jeu en 2020, alors que le « mercato » des écoles de management n’en finit pas, comment trouver le profil idéal ? Doit-il être absolument académique ? Quel rôle doit jouer le président d’une Grande école ? Sa gouvernance ? Les chambres de commerce et d’industrie ? Alors que les structures évoluent, que la concurrence internationale est de plus en plus rude et les moyens de plus en plus contraints diriger une université ou une Grande école devient chaque jour un challenge de plus en plus édifiant !

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Olivier Rollot est directeur du pôle Information & Data de HEADway Advisory depuis 2012. Il est rédacteur en chef de "l’Essentiel du Sup" (newsletter hebdomadaire), de "l’Essentiel Prépas" (webzine mensuel) et de "Espace Prépas". Ancien directeur de la rédaction de l’Etudiant, ancien rédacteur en chef du Monde Etudiant, Olivier Rollot est également l'un des experts français de la Génération Y à laquelle il a consacré un livre : "La Génération Y" (PUF, 2012).

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