Le nouveau campus d’IGENSIA Alternance (Photo : A. Delang)
Le nouveau campus d’IGENSIA Alternance a été officiellement inauguré le 23 janvier à Nanterre en présence de Valérie Pécresse, présidente de la Région Île-de-France. Pour ses 50 ans le groupe s’offre un outil unique comme nous l’explique Nizarr Bourchada, directeur général adjoint du groupe IGENSIA.
Olivier Rollot : Igensia Alternance vient d’ouvrir un nouveau campus à Nanterre. Qu’en attendez-vous ?
Nizarr Bourchada : C’est le premier campus consacré à 100% à l’alternance. Avec une capacité d’accueil de 3 000 alternants, ce campus de 10 500 m² est le plus grand site dédié à l’apprentissage en France avec des formations du CAP à bac+5. Ces nouvelles infrastructures sont le fruit d’un investissement de 70 millions d’euros – dont 21 millions portés par la Région Île-de-France. Une région mobilisée historiquement en tant que pourvoyeuse majeure de contrats.
En 10 ans l’alternance est passée de « voie de garage » décriée par certains patrons – on se souvient d sorties médiatiques maladroites qui jugeaient des enfants trop « brillants » pour être apprentis – à un dispositif plébiscité par les familles. Notamment dans l’enseignement supérieur qui représente aujourd’hui 65% des contrats avec un poids très net sur les BTS et les BUT. C’est ainsi que beaucoup de jeunes ont accès à l’enseignement supérieur. 53% des alternants interrogés dans le cadre de notre Baromètre annuel publié en octobre 2024 affirment même que ce dispositif les a sauvés de l’échec scolaire. 28% de nos étudiants sont ainsi issus des QPV (quartiers prioritaires de la politique de la ville).
Devant le succès de l’alternance nous avons décidé de fusionner nos trois CFA (centre de formation d’apprentis) franciliens, de créer IGENSIA Alternance et d’ouvrir ce nouveau campus. Avec l’objectif de passer à 3 000 dans les deux ans nous y recevons aujourd’hui 2 200 étudiants: selon les années 40% préparent un BTS, 20 à 30% un bachelor, également 20 à 30% sont au niveau master et 10% sont inscrits en bac professionnel.

O. R : Plus il y d’alternants dans l’enseignement supérieur plus il y a de ruptures de contrats. Quels dispositifs mettez-vous en action pour assurer la réussite de vos étudiants ?
N. B : Des CFA que j’appellerais « opportunistes » ont profité de la réforme pour se développer sans offrir les conditions de réussite nécessaires. Pour notre part nous avons d’abord un taux d’encadrement bien supérieur à la moyenne : un cadre pédagogique pour 100 jeunes contre un pour 300 pour l’ensemble des organismes de formations en France. Cela nous permet de limiter les ruptures de contrats entre 5 et 10% quand elles atteignent en moyenne les 30% tout secteur confondu.
Surtout notre taux d’insertion à six mois dépasse les 90%. Les dix derniers renouvellements de titres RNCP (Répertoire national des certifications professionnelles) que nous avons effectués montrent des taux d’emploi entre 91% et 100%. Nous tenons notre promesse d’amener nos apprentis à un emploi durable car les entreprises nous sont reconnaissantes du travail que nous effectuons pour les y préparer.
O. R : Vous évoquiez des CFA « opportunistes ». Comment garantir la qualité des formations alors que la création d’un label de l’enseignement supérieur privé reste en gestation ?
N. B : Chaque année nous récupérons dans nos CFA des centaines d’apprentis qui n’ont pas été bien traités. Nous pensons qu’il faudrait plutôt labelliser des établissements que des formations. Nous avons assisté ces dernières années à une explosion du nombre de CFA –En quatre ans, il a triplé en dépassant le cap des 3500 – dans la mesure où le label Qaliopi peut être obtenu assez facilement. Nous sommes favorables à la création d’un Qaliopi +.
O. R : N’êtes-vous pas inquiet de la récente diminution des aides à l’embauche des apprentis, notamment dans les entreprises de plus de 250 salariés telle qu’elle est annoncée ?
N. B : Nous formons les maitres d’apprentissage dans beaucoup d’entreprises, au-delà des grands comptes, pour établir un système vertueux. Quand une entreprise goûte à l’apprentissage peu importe ensuite le montant des aides. L’apprentissage devient un sas vers l’emploi s’il est bien accompagné par les organismes de formation. Du moins ceux qui ne veulent pas se faire une marge indécente de 30 à 40% pour préparer à un BTS.
Aujourd’hui nous constatons que les entreprises resserrent le nombre de leurs partenariats avec les écoles et les organisme de formation – elles passent de 100 à 10 parfois – pour s’appuyer sur des formateurs dont les offres sont plus claires et mieux régulées. Les organismes de formation « opportunistes » vont devoir monter patte blanche s’ils veulent conserver leurs accords.
IGENSIA est le seul groupe associatif parmi les 10 premiers groupes d’enseignement supérieur privé. Nous n’avons donc pas de pression des actionnaires et nous réinvestissons tous nos résultats dans l’accompagnement de nos alternants.
O. R : Le budget 2025 a été voté et un décret réformant quelque peu les conditions d’accès à l’apprentissage devrait bientôt être officiellement publié. Qu’est-ce que cela va changer ?
N. B : D’abord le niveau de financement de l’aide à l’embauche que vous évoquiez : 5 000 € pour l’embauche d’un apprenti la première année du contrat pour les entreprises de moins de 250 salariés et 2 000 € pour les autres entreprises. Mais ces aides ne pourront plus être versées pour un nouveau contrat dans la même entreprise.
Un autre décret précise que les employeurs devront participer à la prise en charge des contrats d’apprentissage lorsque le diplôme, ou le titre à finalité professionnelle, que prépare leur apprenti est de niveaux 6 et 7. Cette participation viendrait en diminution de la prise en charge assurée par l’OPCO.
Dans tous les cas on attend encore les décrets d’application qui tardent parfois. Pour notre part nous pourrions proposer des services complémentaires aux entreprises.
O. R : L’une des limites de l’apprentissage c’est la difficulté de réaliser un séjour à l’étranger. Que proposez-vous à vos apprentis en ce sens ?
N. B : Ce n’est pas impossible. Pour notre part nous avons ouvert des campus au Maroc et à l’ile Maurice pour permettre à nos apprentis de vivre une expérience internationale. Aujourd’hui 800 de nos alternants partent en mobilité internationale . Ils devraient être 1 500 en 2026 et 3 000 dans les trois ans.
Nous avons signé beaucoup d’accords-cadres avec des entreprises et avec EAM (EuroApp Mobility) dans ce sens. Si c’est bien prévu dans le calendrier de l’apprentissage il est tout à fait possible de partir plus de deux mois à l’international.