Il y a maintenant près de deux ans que NEOMA Business School est née de la fusion de Rouen BS et Reims MS. Aujourd’hui le cap est plus que jamais mis sur l’international explique Frank Bostyn, son directeur général, à la veille de l’installation de son école en Chine.
Olivier Rollot : Votre école vient de signer un accord avec une université chinoise qui préfigure pour elle un important développement en Chine. Quel est votre objectif ?
Frank Bostyn : Nous avons conclu une alliance stratégique pour la création d’une « joint school » entièrement autofinancée avec la Nankai University, une université créée en 1919 dont la renommée tient notamment à la notoriété d’un de ses anciens qui fut premier ministre, Zhou Enlai. Le campus sera basé à TEDA (Tianjin Economic-Technological Development Area), une technopole située à une trentaine de minutes de Pékin et qui regroupe 13 000 entreprises. Les programmes seront organisés en co-production avec l’Université de Nankai, avec des cours assurés par la faculté permanente de NEOMA Business School.
L’école proposera sur ce nouveau campus une large offre de programmes undergraduate et graduate à quelque 1500 étudiants : d’abord de niveau undergraduate à des étudiants recrutés en Chine – après le « Gao Kao », le bac chinois qui est très sélectif – puis ensuite à travers tout le continent asiatique dans les programmes graduate (master). Bien sûr nous aurons également des étudiants français qui viendront dans le cadre d’échanges mais il ne s’agit absolument pas de les regrouper tous ensemble sur un campus à l’étranger.
O. R : Par le biais de votre Confucius Institute for Business, vous venez également de passer un accord avec un grand média chinois, China Daily, alors que ce dernier s’apprête à lancer une édition française. NEOMA Business School est toujours plus chinoise ?
F. B: Basé sur notre campus de Rouen, premier Institut Confucius de France et septième au monde, le NEOMA Confucius Institute for Business joue un rôle de plateforme dédiée à l’optimisation des relations économiques entre la Chine et la France. Mais au-delà il s’agit pour nous d’être toujours présents sur les enjeux du moment. Nous voulons créer une dynamique propre à booster nos compétences pour que nos diplômés puissent faire carrière partout dans le monde. La Chine n’est pas la seule destination à laquelle nous nous intéressons.
O. R : L’international est la priorité de NEOMA Business School aujourd’hui ?
F. B: Aller à l’international c’est voir d’autres modèles et compétences. Aujourd’hui nous comptons 40 à 45% de professeurs étrangers et nous réfléchissons à nous associer avec d’autres business schools partenaires pour en recruter en commun à l’international. C’est nécessaire pour développer notre recherche et nous compterons 15 nouveaux professeurs en septembre prochain. Nous voulons être des experts de la dynamique internationale même si le niveau local reste également très important.
O. R : Certaines écoles de management se spécialisent dans les technologies, d’autres dans la finance, le vin, etc. En quoi NEOMA Business School est-elle particulièrement spécialisée ?
F. B: Nous sommes une école généraliste spécialisée dans des compétences pertinentes pour l’avenir de nos diplômés. Notre spécialité c’est le leadership transformationnel et l’agilité organisationnelle. Notre Talent & Career Developement Unit travaille sur les compétences des étudiants et aide les entreprises à trouver les compétences qu’elles recherchent. C’est ainsi que nous devenons graduellement une école de référence dont la valeur ajoutée est de former des experts capables de s’intégrer dans la dynamique de chaque entreprise. Nos diplômés sont conscients que chaque entreprise est différente.
O. R : L’année dernière vous aviez été assez mal classé (67ème) par le Financial Times parmi les business schools européennes. Cette année vous voilà 47ème dans ce même classement. Vous êtes soulagé de remonter ?
F. B: Le classement de l’année dernière était dû à une erreur. Une business school vend des produits d’investissement qui se réalisent sur une période assez longue. Il faut du temps pour valider la valeur d’un projet et les éléments de réputation, comme les rankings, sont importants. Seulement si les critères ne sont pas pertinents ils rendent le marché encore plus flou.
O. R : Question incontournable pour toutes les écoles de management sous tutelle des chambres de commerce et d’industrie : pensez-vous adopter le nouveau statut dit d’EESC (école d’enseignement supérieur consulaire) qui leur est aujourd’hui ouvert et devrait favoriser leur financement futur ?
F. B: Nous y pensons d’autant que nous sommes déjà une association. Nous, directeurs de business schools, gérons des situations pas forcément faciles à la différence du milieu universitaire dont le financement est quasi automatique. Notre mission est d’abord académique mais c’est aussi un business ! Heureusement nous dépendons à la fois peu de la taxe d’apprentissage [en baisse avec la réforme de la formation professionnelle] et de notre chambre de commerce et d’industrie [les financements des CCI sont également en baisse]. Nous sommes très solides et seulement impactés à la marge.
O. R : Dans ce contexte, les business schools françaises doivent-elles se réinventer?
F. B: Les business schools sont en mutation et particulièrement en France où elles n’ont jamais été bien traitées et où les chambres de commerce et d’industrie ont dû intervenir pour compenser ce manque. Ce sont aujourd’hui les écoles de gestion qui bénéficient d’une très bonne réputation internationale qui sont les plus affectées. Un défi pour les business schools mais un défi qu’une école de gestion doit relever !
Mais c’est dommage pour beaucoup d’étudiants issus de milieux moins favorisés qui sont désavantagés lorsqu’il s’agit d’intégrer une de nos écoles. Je ne demande pas de subvention de l’État pour ces étudiants. Je suis plutôt favorable à un système de « voucher » étudiant [chèque étudiant] qui permettrait à chacun de choisir son établissement. Le succès des bachelors montre tout l’intérêt de nos formations. Quand des étudiants préfèrent payer à 100% une formation plutôt que d’aller à l’université qui est gratuite, en quelque sorte ils « votent avec leurs pieds » !
O. R : Quels programmes pouvez-vous encore plus particulièrement développer ?
F. B: Il faut d’abord veiller à la qualité et nous resterons stables dans notre programme grande école. Les recrutements en MSc et Mastères spécialisés nous permettent d’atteindre globalement 35% d’étudiants internationaux mais notre progression va être en Chine où nous aurons demain 1500 de nos 10 000 étudiants. En France nos sites sont de toute façon déjà pleins.
O. R : Aujourd’hui vous diriez que votre fusion est un succès ?
F. B: Plutôt que de fusion je préfère parler de réorientation stratégique des deux écoles qui ont évolué parce que le monde avait changé. Si nous n’avions pas fusionné nous aurions dû relever les mêmes défis. Aujourd’hui la question de la fusion est derrière nous.