POLITIQUE DE L'ENSEIGNEMENT SUPERIEUR

Former à la transition écologique, oui mais comment?

Dean Lewis, président de l’université de Bordeaux et Anne-Sophie Barthez, directrice générale de l’enseignement supérieur et de l’insertion professionnelle du MESR ouvrent le colloque avant que Luc Abbadie, Jean Jouzel et Magali Reghezza-Zitt lancent les débats.

« Nous pourrons dire plus tard : « Nous y étions » » En organisant la journée Former à la transition écologique dans l’ESR : défis et solutions, qui a eu lieu le 20 octobre au sein de l’université de Bordeaux, Anne-Sophie Barthez, la directrice générale de l’enseignement supérieur et de l’insertion professionnelle du MESR, a bien mis en valeur l’importance qu’avait le sujet des transitions pour l’enseignement supérieur. Un sujet qu’elle veut « aborder dans la joie ! » Le président de l’université de Bordeaux, Dean Lewis, rappelait quant à lui l’important particulière qu’avait le sujet dans une région Nouvelle Aquitaine après un été synonyme de feux dramatiques et un automne exceptionnellement chaud.

Généralisation de l’enseignement des enjeux de transition écologique et de développement durable dans l’enseignement supérieur. A la suite du rapport remis par le climatologue Jean Jouzel et le professeur Luc Abbadie, Sensibiliser et former aux enjeux de la transition écologique et du développement durable dans l’enseignement supérieur, ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, Sylvie Retailleau, a annoncé le 20 octobre la généralisation de l’enseignement des enjeux de transition écologique et de développement durable dans l’enseignement supérieur.

Toutes les formations déjà existantes devront ainsi évoluer pour intégrer les enjeux de la transition écologique alors que des enseignements spécifiques à la transition écologique devront être apportés aux étudiants au plus tard en 2025. Un socle de compétences à acquérir va être défini, et servira de boussole pour la création de ces nouveaux enseignements. De plus des nouvelles formations seront proposées aux étudiants pour former aux nouveaux métiers de la transition écologique en mobilisant les ressources de l’appel à manifestations d’intérêt « compétences et métiers d’avenir » de France 2030. L’intégration des enjeux environnementaux devra ainsi dépasser les contenus de formation et irriguer la stratégie globale des établissements ».

Les enjeux. « Ce qui m’a surpris en démarrant ce travail c’était que beaucoup de choses se faisaient déjà. Après la publication de notre rapport, à l’exception des facultés de médecine, ce que je regrette beaucoup, toutes les disciplines ont réagi », établit Jean Jouzel six mois après la remise de son rapport quand la géographe Magali Reghezza-Zitt, directrice du Centre de formation sur l’environnement de l’ENS, s’inquiète : « Nous voyons des étudiants qui s’effondrent dans leurs amphis tellement ils sont anxieux. Nous n’avons pas à porter la charge mentale de ce qui se passe ».

Optimiste, l’enseignante-chercheuse se félicite de voir arriver à l’université des étudiants qui ont « été formés aux questions environnementales dans les collèges et lycées et auxquels il faut apporter de nouvelles compétences ». Volontariste elle rappelle également que la « transition environnementale va créer de très nombreux emplois non délocalisables auxquels l’enseignement supérieur doit former ».

Passer dans le concret. Pour Luc Abbadie, professeur à Sorbonne Université, le défi pour l’enseignement supérieur est aujourd’hui de « passer vite à des actions concrètes au-delà de la transmission de connaissances ». Et d’insister : « Répondons à la demande des 10 à 20% d’étudiants très motivés par la question en montant des partenariats avec les entreprises et les institutions ».

Pour Luc Abbadie la question est aussi cette de l’obligation ou pas de suivre des modules de formation pour tous les étudiants de niveau bac+2 : « Si cela devient obligatoire il va falloir dégager du temps pour des personnels qui sont déjà occupés à 120 ou 150% ». Des enseignements nécessaires partout sans être pour autant très techniques assure Magali Reghezza-Zitt : « Il faut d’abord sensibiliser et cela c’est possible dans toutes les formations, pas seulement en sciences dures, puis former à de nouveaux métiers. En langues par exemple il va falloir inventer de nouveaux mots, en histoire de travailler sur des archives pour parler d’aménagement, etc. »

Transformer les enseignements. Si la création d’un socle commun à tous semble relativement illusoire, tant les débats seraient sans doute vifs et interminable, ce sont aujourd’hui un tiers des établissements qui ont créé des enseignements obligatoires en première ou deuxième année de licence et 55% une gouvernance dédiée à ces questions. « Les meilleures obligations ce sont celles qu’on s’impose à soi-même », rappelle le président de France Universités, Manuel Tunon de Lara, pour lequel « les meilleurs atouts de l’université c’est sa recherche alors que dans certaines « petites écoles » on pratique plutôt le « vernis vert » en le faisant beaucoup savoir pour des questions de concurrence ».

Pour le président de la Conférence des Grandes écoles (CGE), Laurent Champaney, la problématique pour les établissement est de former des jeunes pour des entreprises qui « cherchent à la fois des diplômés bien formés au cœur des métiers et capables d’engager des transitions. Mais comment trouver le temps de les former nous demandent nos professeurs ? » Il regrette d’ailleurs que trop de jeunes aient une « vision déformée de l’entreprise, totalement capitaliste, alors que beaucoup de belles choses s’y déroulent » tout en reconnaissant que ces mêmes entreprises « doivent évoluer pour être plus au service de la société ».

La formation des formateurs est centrale selon Jacques Fayolle, le président de la Cdefi (Conférence des directeurs des écoles françaises d’ingénieurs) : « Nos intervenants ne veulent pas souffrir du syndrome de l’imposteur. Il faut absolument les former pour qu’ils forment les jeunes ». Jacques Fayolle qui rappelle également que « 80% de notre consommation provient de nos matériels de recherche. Nous appelons un plan d’investissement dans la recherche ».

La Conférence des directeurs des écoles françaises de management (Cdefm) travaille de son côté à la création d’un socle de compétences pour toutes ses écoles. « Il faut que tous nos étudiants aient les mêmes compétences dans la transition écologique. Nous remettrons nos préconisations en ce sens fin mai 2023 à la Cefdg (Commission d’évaluation des formations et diplômes de gestion) », explique Bruno Neil, président de la commission RSE et développement durable de la Cdefm et directeur du groupe Excelia. Dans le même esprit des tableaux d’impact vont être créés par chaque école de management pour montrer comment elles avancent sur la voie de la décarbornisation.

Bruno Neil insiste également pour que « les critères des classements des écoles de management évoluent alors que beaucoup de critères sont obsolètes et pas assez qualitatifs pour évaluer l’implication des écoles dans les mutations ».

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Olivier Rollot est directeur du pôle Information & Data de HEADway Advisory depuis 2012. Il est rédacteur en chef de "l’Essentiel du Sup" (newsletter hebdomadaire), de "l’Essentiel Prépas" (webzine mensuel) et de "Espace Prépas". Ancien directeur de la rédaction de l’Etudiant, ancien rédacteur en chef du Monde Etudiant, Olivier Rollot est également l'un des experts français de la Génération Y à laquelle il a consacré un livre : "La Génération Y" (PUF, 2012).

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