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Concours et examens : comment optimiser le passage des épreuves ?

Avec la fin de la prise en compte des épreuves de spécialités du bac dans la sélection, les épreuves écrites des concours postbac connaissent un renouveau. Jusqu’à Sciences Po qui entend proposer de nouveau des épreuves écrites « impactantes » alors qu’il ne subsistait plus qu’un essai permettant seulement aux examinateurs de donner une appréciation. Mais ces écrits pourraient-ils avoir lieu à distance ? La question se pose de plus en plus…

Le casse-tête de l’évaluation postbac. L’équation est simple : nombreux sont les lycées qui semblent évaluer de façon disons « consensuelle » leurs élèves – et pas forcément les meilleurs lycées – quand, a contrario, les meilleurs lycées sont souvent plus durs dans leur notation. A l’arrivée un paradoxe : ce ne sont pas forcément les meilleurs élèves qui ont les meilleures notes en première et terminale. Une solution : redresser les notes en fonction de la valeur des classes comme le font depuis toujours les professeurs de classes préparatoires. Ce à quoi se refuse le directeur général de Sciences Po, Mathias Vicherat : « Ce n’est pas à Sciences Po d’inventer je ne sais quelle péréquation pour affirmer qu’un 12/20 dans un établissement vaudrait un 18/20 ailleurs. Même si le contrôle continu ne compte que pour un tiers du dossier d’admission, nous ne pouvons pas redresser les notes en fonction des villes ou des lycées ». Et le directeur d’insister (relire son entretien à Ouest France) pour que les grands lycées fassent évoluer leur processus : « Mais des choses changent : des grands lycées parisiens ou en région se sont rendu compte qu’ils sous-notaient les élèves. Or, la sous notation est un élément déplorable sur le plan éducatif, qui peut fragiliser des profils par ailleurs excellents. Je lance un appel solennel aux chefs d’établissement et aux profs : arrêtez de sous-noter ! Sans tomber dans les excès inverses, notez juste ! Car nous, nous ne pouvons pas rattraper les écarts lors des admissions ».

Dans ce contexte la plupart des concours d’admission postbac mêlent examen des dossiers et épreuves. En 2024 tous les candidats du concours d’entrée dans les école d’ingénieurs Puissance Alpha recevront ainsi une note composée à 50% d’évaluation du dossier (notes de 1ère et terminale) et 50% d’épreuves écrites. Du côté du concours d’entrée dans les écoles de management Accès le dossier scolaire sera pris en compte en plus du concours en 2024. Il s’agit notamment de favoriser les candidatures de filles. « Les jeunes femmes sont souvent plus nombreuses que leurs homologues masculins à afficher d’excellents dossiers scolaires. Elles sont également plus nombreuses à s’autocensurer en s’interdisant de tenter le concours ACCÈS. Nous espérons donc que la prise en compte du dossier les encourage à présenter leur candidature, car elles réussissent en général très bien dans nos écoles et dans nos programmes et sont investies dans leurs études », précise Caroline Roussel, la directrice générale de l’IÉSEG. De plus va être créée une catégorie de « grands admissibles » qui seront reçus sans avoir à passer les épreuves écrites. « Nous envoyons un signal à ces lycéens qui ont un bon dossier tout en conservant le concours. Ces grands admissibles pourront représenter 15 à 20% maximum avec la garantie que leur qualité est bien validée par leur établissement. Ils devront ensuite comme tous les autres passer les épreuves d’admission », définit Jean Charroin, le directeur général de l’Essca.

Le distanciel ça marche ! Comme il semble loin le temps où les réseaux sociaux s’alarmaient de voir les candidats profiter du passage au distanciel pour tricher. Cette année les concours se sont déroulés comme une lettre à la poste. Les épreuves écrites du concours d’entrée dans les écoles de management Sesame a ainsi été passé à distance par 11 075 candidats cette année. Sans aucun problème de triche ! Pour clarifier le passage de ces épreuves la Cnil a publié une recommandation début septembre 2023 dans laquelle elle établit notamment « nécessaire de rechercher un juste équilibre entre la lutte contre la fraude et la protection des droits et libertés des personnes ». De plus selon elle le recours à des systèmes d’analyse automatique devrait se « limiter à l’environnement des candidats, et à des circonstances justifiant l’utilisation de tels systèmes. Toute analyse automatique du comportement des candidats devrait être exclue ».

Plusieurs acteurs du passage des examens à distance, concours, établissements et opérateurs, se sont justement réunis cette année pour créer GAEL, le Groupement des acteurs des examens en ligne, afin de « prôner l’éthique dans la surveillance d’examens en ligne et d’unifier les pratiques ». « Avec la crise Covid beaucoup de choses ont été faites mais parfois trop vites, avec des solutions étrangères ou artisanales qui ne respectent pas la réglementation européenne », commente Clément Régnier, le directeur et co-fondateur du leader du passage des examens et certifications en ligne TestWe qui procure notamment les solutions de passage des concours Puissance Alpha et Sesame mais permet également à de nombreux établissements de faire passer des examens. « Cette année plus de 200 000 personnes ont passé au moins une épreuve avec nos outils. Pour les organismes de formation nous avons développé cette année des outils passage de certifications professionnelles », détaille Clément Régnier qui propose une solution complète de passage des épreuves comme de leur surveillance quand le grand acteur américain qu’est Procter U se concentre sur leur surveillance.

On le sait, ces processus de passage à distance ont été boostés par le Covid. Le concours de recrutement post bac+2 et +3 Passerelle est ainsi passé au tout en ligne en 2021 en utilisant d’abord deux outils : Theia et Proctor U. « Nous étions dans une logique d’utilisation d’outils informatique nous permettant de digitaliser, en vue de leur sécurisation, les grandes familles de tâches propres à l’organisation d’un concours : la conception des épreuves, la correction des copies, la surveillance des étudiants », commente la directrice du concours, Catherine Gautier de La Plaine : « Ce fut une belle avancée car elle a permis de mettre fin aux échanges papiers et/ou mails entre les différents acteurs, et d’améliorer la sécurité et la confidentialité des documents et des données, mais pas d’alléger le temps passé à organiser le concours dans son ensemble ni de réduire le caractère anxiogène pour les candidats de la passation en ligne à une date imposée. Ce qu’il était pourtant légitime d’espérer dans le cadre d’un processus de digitalisation ».

En 2022, Passerelle décide d’aller plus loin en sous-traitant la conception des épreuves et la surveillance à distance à un seul et même prestataire extérieur également concepteur de sa propre plateforme d’examen, MEREOS, tout en simplifiant le format des épreuves (100% QCM depuis 2022). « Aujourd’hui, les écoles sont satisfaites du potentiel d’évaluation des candidats offert par ce dispositif ; et les candidats apprécient de pouvoir passer leurs épreuves au jour et à l’heure de leur choix, évitant ce faisant la quasi-totalité des sources de stress potentielles le jour J », se félicite la directrice. De plus la fraude n’existe pratiquement plus : un seul cas en 2023 pour plus de 1 000 épreuves passées, détecté automatiquement par le logiciel. En l’occurrence le candidat n’était pas seul dans la pièce et un mouvement anormal a été détecté automatiquement par le logiciel avant même la relecture manuelle des vidéos des candidats.

La force des écrits. La possibilité de passer les épreuves en distanciel a-t-elle redonné aux écrits plus de poids ? Ils restent en tout cas indispensables pour valider la valeur des candidats, que ce soit en distanciel ou en présentiel comme en atteste Jean Charroin : « Nous tenons aux épreuves écrites parce que nos candidats doivent disposer des éléments de culture générale nécessaires pour réussir dans nos cursus. C’est-à-dire notamment l’aptitude à réaliser des raisonnements en français ou en mathématiques. Et c’est d’autant plus important qu’il y a des établissements dans lesquels on note sèchement et d’autres plus légèrement ». Des écrits qui peuvent également se dérouler de manière électronique. En 2016 pour la première fois les étudiants de médecine passaient ainsi leur examen classement national sur tablette. Depuis la formule est rentrée dans les mœurs en permettant notamment une correction beaucoup plus rapide.

Aujourd’hui la montée en puissance de l’Intelligence artificielle (IA) offre de nouvelle perspectives aux correcteurs. Depuis la rentrée 2023 TestWe propose ainsi une pré-correction des épreuves gérée par une IA. « Nous avons examiné les copies des deux dernières années pour arriver à un taux de convergence entre l’IA et les correcteurs de 95 à 96%. Nous leur offrons donc une pré-correction qu’ils doivent valider ou pas », commence Clément Régnier. De plus la solution permet de donner plus facilement des appréciations aux étudiants – il ne s’agit que d’examens, pas de concours – quant à leur résultat. L’IA avenir des écrits des concours ? A suivre…

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Olivier Rollot est directeur du pôle Information & Data de HEADway Advisory depuis 2012. Il est rédacteur en chef de "l’Essentiel du Sup" (newsletter hebdomadaire), de "l’Essentiel Prépas" (webzine mensuel) et de "Espace Prépas". Ancien directeur de la rédaction de l’Etudiant, ancien rédacteur en chef du Monde Etudiant, Olivier Rollot est également l'un des experts français de la Génération Y à laquelle il a consacré un livre : "La Génération Y" (PUF, 2012).

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