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Entrée en master : un système « opaque » selon la médiatrice de l’Education

En intitulant une partie entière de son rapport 2011 « Vers un véritable cycle du Master », la médiatrice de l’Education nationale et de l’enseignement supérieur, Monique Sassier, a rappelé les ambiguïtés qui restent consubstantielles à un diplôme auquel tous les titulaires de licence sont censés pouvoir accéder sans sélection s’ils postulent dans le domaine de leur licence. En théorie…

Des étudiants de l'université de Nantes (photo Patrick Miara)

Le principe : la non sélection en 1ère année
Souvenons-nous. Nous sommes en 2008. Valérie Pécresse, ministre de l’enseignement supérieur, et Bruno Julliard, alors président de l’Unef, discutent de la mise en place de l’autonomie des universités. Un sujet, l’entrée en master, est alors pris en otage par le syndicat étudiant : pas question de toucher au sacré saint principe de la non sélection en première année de master, qui remplace la maîtrise depuis 2002. Car il n’y avait de sélection avant 2002 qu’à l’entrée en DEA et DESS, les deuxièmes années de master.
Et voilà comment un diplôme dont beaucoup voulaient qu’il devienne une entité est resté séparé en deux parties avec une première année non sélective. Ou du moins ouvert du moment que le candidat possède une « licence dans un domaine compatible avec celui du diplôme national de Master ». Ce qui donne dans les faits matière à toutes les interprétations. Car, comme le souligne la médiatrice, «  cette inscription est soumise à des procédures complexes et des critères multiples ».

La réalité : une sélection qui ne veut pas dire son nom
La médiatrice cite par exemple dans son rapport le titulaire d’une licence de géographie se voit refuser par un conseil d’évaluation l’inscription au master « urbanisme et environnement » dans la même université. Sans motivation particulière. D’autres apprennent que leurs notes ne sont pas suffisantes. Un candidat évincé confie ainsi : « Le secrétariat des Masters m’a affirmé que les dossiers, bien que déposés selon les formalités requises, ne seraient même pas présentés au jury d’admission, ma moyenne n’atteignant pas les 13,50/20 que l’UFR juge nécessaire ».
Même mésaventure pour cette étudiante, titulaire d’une licence biologie-santé qui, très logiquement, demande son inscription dans deux master 1 (M1) du même domaine et qui est refusée pour « prérequis insuffisants » (entendez notes trop basses). Elle saisit le médiateur mais ses professeurs rejettent ses demandes compte tenu des capacités d’accueil, lui conseillant de doubler sa dernière année de licence ou de postuler pour d’autres masters. Le médiateur obtient finalement une place dans un master où il reste de la place « biologie, biologie des plantes ».
Comme le souligne le rapport : « L’étudiante accepte, en désespoir de cause, cette formation bien éloignée de ses souhaits initiaux et de sa Licence ». Et bien éloignée des principes d’accès au master aux titulaires d’une licence. Sans parler de temps de réponse sont très long, imputables aux « difficultés de mise en œuvre des masters et à l’indisponibilité des enseignants-chercheurs pour expliquer leurs attentes ». Elle cite le cas de ce candidat à un M1 Informatique qui apprend, quatre mois après le dépôt de son dossier, une semaine avant la rentrée universitaire, qu’il n’est pas retenu.

Une réforme inachevée
Devant l’opacité des procédures, les candidats sont contraints de multiplier les candidatures avec, comme le souligne le rapport, un coût de prospection non négligeable pour les étudiants (frais de constitution des dossiers, photocopies, affranchissements, déplacements, entretiens devant des jurys…) qui représentent une véritable « barrière sociale car ils ont un coût économique important et parfois dissuasif ».
Quant au changement d’établissement, s’il est normalement facilité par l’entrée en vigueur du LMD, dans les faits il s’apparente souvent à un véritable parcours du combattant car « les universités créent parfois des procédures complexes qu’elles ne maîtrisent pas toujours ». Et de citer l’entrée dans le master convoité d’une université francilienne qui nécessite non seulement la licence et sa mention, mais les différentes notes obtenues. « Or son logiciel de saisie ne récupère pas les notes qui proviennent d’une université d’une académie voisine, ce qui entraîne l’invalidation de la candidature. » CQFD vous y êtes, vous pouvez y rester sinon restez au loin…
En fait les premières années de master sont, dans les faits, sélectives, mais dans l’opacité – les prérequis sont « occultes » constate la médiatrice – plutôt que dans la transparence. Ce qui conduit à toutes les frustrations et à tous les passe-droits possibles pour ceux qui savent naviguer dans le système. « Toute l’ambiguïté réside entre un accès de droit en première année, et un accès sur évaluation en seconde année pour le même diplôme », explique encore une médiatrice qui regrette le « non-achèvement de la réforme LMD avec une sélection en milieu de Master, par analogie avec les anciens DEA et DESS, et non à l’entrée en Master comme le voudrait la logique ».

Le casse-tête de l’entrée en M2
C’est dit clairement par la médiatrice, « l’accès à la seconde année de Master, le M2, est assurément la principale difficulté rencontrée par les étudiants en Master ayant validé le M1 ». Car c’est là que les titulaires du M1 découvrent qu’ils « ne sont pas tous attendus en deuxième année, que leur accès au M2 n’est pas automatique ». Le principe de la non sélection se referme alors comme un piège sur beaucoup. Ils ont subi en première année une sélection qui ne disait pas son nom, les voilà qui subissent en seconde année une sélection qui laisse parfois sur le carreau la moitié des étudiants. Les langues étrangères appliquées (LEA) offrent ainsi 3 200 places en M1 mais 2 000 places en M2. Pire encore les places en M2 de psychologie sont deux fois moins nombreuses que celles en M1 (11000 pour… 5000). Or seul le M2 donne le titre de psychologue. « Le Master étant un cycle, l’interruption de leurs études après quatre années réussies, et sans accès organisé à des professions intermédiaires ou connexes, a des conséquences particulièrement lourdes », constate la médiatrice.
D’autant que les places en M2 des étudiants de M1 sont parfois prises par des étudiants des grandes écoles. « Cet accueil des élèves des écoles à partir du Master est conforme à la vocation d’ouverture des universités. Mais l’ouverture ne doit pas se faire au détriment des étudiants issus de leurs propres M1 », suggère la médiatrice, pointant qu’il « n’est pas loyal que les étudiants d’une université soient écartés en deuxième année d’un Master dans lequel ils se sont engagés. Chaque établissement devrait reconnaître les qualités de ses propres formations, et donc des étudiants qui y ont réussi leur première année ». Sans parler de prérequis là encore bien opaques car, comme le regrette la médiatrice, « l’absence de transparence des critères d’accès à la seconde année du Master se traduit par des difficultés de compréhension par les étudiants ». Du travail en perspective…

Olivier Rollot (pour me suivre sur Twitter : @O_Rollot)

  • Le master en bref
    Le master aujourd’hui c’est 300 000 étudiants, 2000 appellations et 5000 spécialités.
    Le « grade de Master » est une qualification commune à de nombreux diplômes préexistants qui, comme le Master, sont au niveau deux ans après la Licence (soit à Bac + 5). Il s’agit, par exemple, des diplômes d’ingénieurs, d’arts, de santé, d’architectes, de comptabilité, ou des diplômes d’écoles de commerce reconnues par le ministère chargé de l’Enseignement supérieur. Le grade confère les mêmes droits que le diplôme.
    Source : Rapport du médiateur de l’Education nationale 2011
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Olivier Rollot est directeur du pôle Information & Data de HEADway Advisory depuis 2012. Il est rédacteur en chef de "l’Essentiel du Sup" (newsletter hebdomadaire), de "l’Essentiel Prépas" (webzine mensuel) et de "Espace Prépas". Ancien directeur de la rédaction de l’Etudiant, ancien rédacteur en chef du Monde Etudiant, Olivier Rollot est également l'un des experts français de la Génération Y à laquelle il a consacré un livre : "La Génération Y" (PUF, 2012).

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