POLITIQUE DE L'ENSEIGNEMENT SUPERIEUR

Qui sont les femmes dirigeantes dans l’enseignement supérieur?

La nomination annoncée le 27 mai 2020 d’Isabelle Huault à la tête de emlyon BS sonne comme un symbole. Depuis le départ de Véronique de Chanterac de la direction de ESCP BS aucune femme n’avait plus dirigé une école du « top 5 ». Sans arriver encore à la parité les écoles de management montrent la voie vers un pouvoir plus égal entre hommes et femmes. Parmi les 37 directeurs des écoles menant au grade de master dix sont des femmes (27%) : Isabelle Barth (qui doit bientôt quitter la direction de l’Inseec), Céline Fauchot (SCBS), Alice Guilhon (Skema), Patricia Hart (ICD), Isabelle Huault (emlyon), Stéphanie Lavigne (TBS), Florence Legros (ICN), Delphine Manceau (Neoma), Lamia Rouai (EBS) et Florence Roudier (ESC Clermont).

Une parité encore bien lointaine

Nous avons calculé un indice « plafond de verre » en y incluant les instituts d’administration des entreprises (IAE) et les instituts universitaires de technologie (IUT). La bonne nouvelle c’est que les IAE sont très féminisées avec plus d’une tiers de femmes à leur tête. La mauvaise c’est qu’a contrario les IUT n’ont que 13,2% de femmes à leur direction. Notre indice global de féminisation, établi à partir d’un peu plus de 500 établissements d’enseignement supérieur, s’établit donc à 17,3%.

60 universités organisent des élections en 2020. Y aura-t-il plus de femmes à leur tête alors qu’on ne compte aujourd’hui que 8 femmes parmi leurs 73 présidents soit 11%. Un pourcentage en baisse par rapport au début des années 2010. Côté Grandes écoles le pourcentage est identique avec 40 dirigeantes parmi  239 écoles.

Qui sont les femmes dirigeantes ?

Frédérique Vidal ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, Anne-Sophie Barthez à la Dgesip, Anne-Lucie Wack présidente de la Conférence des grandes écoles (CGE), Elisabeth Crépon de la Commission des titres d’ingénieurs (CTI), Christine Gangloff-Ziegler vice-présidente de la Conférence des présidents d’université (CPU), Sophie Mougard vice-présidente de la Conférence des directeurs des écoles françaises d’ingénieur (Cdefi), les femmes sont très bien placées dans les instances dirigeantes de l’enseignement supérieur. Beaucoup moins à la tête des établissements.

Et en 2020 on recule encore. Alors que la totalité des universités toulousaines étaient jusqu’ici dirigées par des femmes (Corinne Mascala à Toulouse 1, Emmanuelle Garnier pour Toulouse 2 Jean-Jaurès et Régine André-Obrecht pour Toulouse 3 Paul Sabatier) elles ne sont plus que deux après que Jean-Marc Broto ait élu président de Toulouse 3 Paul Sabatier le 21 janvier. En élisant un homme à sa tête Bordeaux 3 Montaigne fait également encore reculer la parité. Le départ  de Catherine Lespine de la direction du Groupe Inseec U. est un autre recul alors qu’elle était l’une des personnalités les plus puissantes de l’enseignement supérieur privé.

Côté universités elles sont quatre sur une quinzaine d’universités et de Comue à Paris : Annick Allaigre pour Paris 8, Christine Clerici pour l’Université de Paris, Isabelle Huault à Paris-Dauphine et Sylvie Retailleau à Paris-Saclay. Les autres présidentes d’université sont Michèle Cottier (Saint-Etienne), Nathalie Dompnier (Lyon 2), Christine Gangloff-Ziegler (Haute-Alsace) et Brigitte Pradin (Albi).

Et même dans les Grandes écoles d’ingénieurs tout évolue avec aujourd’hui un pourcentage qui se rapproche peu à peu de celui des autres établissements avec 28 femmes dirigeantes pour 202 écoles. Jusqu’au plus haut : Odile Gauthier dirige l’Institut Mines-Télécom, Elisabeth Crépon l’Ensta ParisTech, Sophie Mougard Les Ponts ParisTech, Florence Darmon l’ESTP alors qu’Anne-Lucie Wack porte le nouvel Institut Agro réunissant les équipes de Montpellier SupAgro et d’Agrocampus Ouest.

Et le mouvement s’accélère. Alors que début janvier 2020 ont été nommées deux nouvelles directrices (Véronique Carré-Ménétrier pour l’EISINe, Sabine Brun-Rageul pour Bordeaux Sciences Agro et Marie-Catherine Mouchot à l’Enssat) beaucoup de nominations sont intervenues depuis août 2017. « Cela correspond aux embauches de femmes dans les années 90 qui arrivent aujourd’hui dans des postes de direction », analyse le président de la Cdefi, Jacques Fayolle.

Après Elisabeth Crépon ont ainsi suivi depuis 2017 Sylvie Begin-Colin (EECPM), Marylise Buron (ESIR), Françoise Delpech (Polytech Grenoble), Carole Deumié (Centrale Marseille), Isabelle Gosse (ENSCBP), Nadine Guillemot (Grenoble INP – Esisar), Laurence Hafemeister (ENSEA), Marie Lummerzheim (UniLaSalle Rouen), Laure Morel (ENSGSI), Annick Razet (EICnam), Judith Sausse (ENSG) et Christine Travers (IFP School). Auparavant ont été nommées et sont toujours en poste Véronique Bonnet (ESME Sudria), Jocelyne Brendle (ENSCMu), Sophie Commereuc (Sigma Clermont), Myriam Comte (Polytech Paris-UPMC), Emmanuelle Soubeyran (VetAgro Sup), Rose Noëlle Vannier (ENSCL) et Anne Vilcot (Grenoble INP – Phelma). Et n’oublions pas ces directrices qui ont fondé leur école : Florence Dufour à l’EBI et Chantal de Turckheim à Elisa Aerospace.

Les quatre ENS sont dirigées par des hommes et une seule femme dirige un regroupement d’universités et Grandes écoles : Sylvie Retailleau pour Paris-Saclay. Les alliances ne se conjuguent pas encore au féminin.

Des conseils d’administration quasi paritaires

Sur la thématique « Ni candidates, ni élues ? » le 5ème Séminaire de l’AFDESRI : Femmes de l’ESRI s’est tenu le 17 janvier au ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation. L’occasion de rappeler qu’en 2011 un décret institue que les listes électorales aux élections des conseils d’administration des université doivent être composées au vu de « l’objectif de représentation égal des femmes et des hommes ». Cela n’amène aucun résultat. Changement en 2013 où la loi ESR institue la nécessité que chaque liste soit « composée alternativement d’un homme et d’une femme ». De plus la parité doit être totale au sein des personnalités extérieures. Résultat alors qu’avant 2013 les femmes ne représentaient que 31,9% des membres des conseils d’administration aujourd’hui on est passé à 47,3%.

Mais pas dans tous les postes. Si les femmes sont que 15% parmi les présidents d’université ce chiffre monte à 38% dans les IAE selon l’enquête menée par l’AFDESRI, la CPU, la CPED et l’ANVPCA fin 2019, auprès de 61 universités et 3 INP. Elles dirigent également plus d’un tiers des Inspé, Ipag, Cuej ou IEP environ un quart des facultés ou UFR et des écoles (respectivement 26% et 24,2%) mais seulement un IUT sur six (16,8%). Si 26 établissements ont une femme à la tête de la direction générale des services c’est dans les établissements de plus petite taille.

Enfin alors qu’on trouve plus de 50% de femmes chez les vice-présidents formation vie universitaire, elles sont seulement 30% à la tête des laboratoires et des écoles doctorales. « Le champ du domaine d’investissement est très différent selon qu’on assiste à un conseil scientifique, où les hommes sont majoritaires, ou de formation où on retrouve plus de femmes. Et cela ne s’arrange pas car nous avons du mal à trouver des femmes pour diriger les laboratoires », déplore Sylvie Retailleau, présidente de l’université Paris-Saclay. Première femme à la tête d’une école d’agro, première femme présidente de la Conférence des grandes écoles, Anne-Lucie Wack conseille : « Il faut y aller, ouvrir la porte et mettre une cale dedans pour que d’autres femmes puissent suivre. Pouvoir répondre constamment à des stéréotypes de genre dans un monde où le leadership est essentiellement masculin. Mais comment faire en sorte que ces questions, notamment sur la maternité, ne se posent plus ? ». Et comme les mots sont aussi importants « la CPU pourrait devenir CPPU pour « présidentes et présidents d’université » », suggère son président, Gilles Roussel.

Et ailleurs n Europe ?

Dans l’Union européenne la part de femmes à la tête d’établissements d’enseignement supérieur est passée de 20% en 2014 à 22 % en 2017 selon le document She Figures 2018 dans lequel la Commission européenne présente une série d’indicateurs sur l’égalité femmes-hommes dans la recherche et l’innovation à un niveau pan-européen. On y apprend également que l’équilibre femmes-hommes est presque atteint au sein de l’UE parmi les étudiants en doctorat : en 2016 les femmes représentaient 47,9 % des titulaires de doctorats au niveau de l’Union. En revanche en 2015, seul un tiers des chercheurs dans l’UE était des femmes (plus de 42% dans l’enseignement supérieur pour seulement 20% dans les entreprises).

Les femmes sont surtout de moins en moins présentes plus on gravit les échelons académiques. En 2016, les femmes représentent dans l’Union européenne 46 % des postes académiques de niveau C, 40 % de ceux de niveau B et 24 % des postes de niveau académique A. L’écart entre femmes et hommes est encore plus important dans les domaines des sciences, des technologies, de l’ingénierie et des mathématiques ; alors que les femmes représentaient 37 % des étudiants en doctorat et 39 % des titulaires d’un doctorat, elles occupaient seulement 15 % des postes académiques de niveau A.

En comparant la proportion de femmes dans les universités (grades A, B et C) avec la proportion de femmes occupant des postes universitaires de haut niveau la Commission européenne calcule un « indice de plafond de verre »(« Glass Ceiling Index » ou GCI). Le GCI peut aller de 0 à l’infini. Un GCI de 1 indique qu’il n’y a pas de différence entre les femmes et les hommes en termes de leurs chances d’être promus. Un score supérieur à 1 indique la présence d’un effet plafond de verre. La France se situe quasiment dans la moyenne de l’UE avec un score de 1,63 quand l’Allemagne monte à 1,77 (avec une forte hausse depuis 2013) et que Chypre ferme la marche à 2,6. A l’inverse la Roumanie est la meilleure élève de l’UE avec un score de 1,04.

 

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Olivier Rollot est directeur du pôle Information & Data de HEADway Advisory depuis 2012. Il est rédacteur en chef de "l’Essentiel du Sup" (newsletter hebdomadaire), de "l’Essentiel Prépas" (webzine mensuel) et de "Espace Prépas". Ancien directeur de la rédaction de l’Etudiant, ancien rédacteur en chef du Monde Etudiant, Olivier Rollot est également l'un des experts français de la Génération Y à laquelle il a consacré un livre : "La Génération Y" (PUF, 2012).

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