ECOLES DE MANAGEMENT

« A Audencia nous conjuguerons enseignement distanciel et présentiel à la rentrée »

Entre enseignement à distance et présentiel, le casse-tête que sera la rentrée 2020 n’en finit pas de remettre en cause certitudes et habitudes. Christophe Germain, le directeur général d’Audencia BS, revient avec nous sur les adaptations nécessaires.

Olivier Rollot : Vous avez rouvert vos campus à certains personnels cette semaine. Une première étape test pour préparer la rentrée des étudiants. Comment envisagez-vous cette rentrée 2020 ?

Christophe Germain : Elle s’effectuera à des dates différentes selon les programmes. La première année du programme Grande école (PGE) sera forcément décalée de quelques semaines pour laisser le temps aux étudiants, qui n’auront effectué leur choix d’école que le 12 août, de trouver un logement et de gérer leur installation. Pour les formations en mastère spécialisé®, cela a toujours été un peu plus tard en septembre et la date initialement prévue devrait être respectée. Enfin, les programmes internationaux démarreront vraisemblablement en distanciel.

Dans tous les cas, nous conjuguerons enseignement distanciel et présentiel. Nous ne ferons pas du 100% à distance. L’idée est d’alterner de façon à pouvoir recevoir le nombre d’étudiants maximum sur place en fonction des conditions sanitaires que nous allons avoir à respecter. Ce qui signifie pour nous recevoir moitié moins d’étudiants sur les campus. Mais si demain toutes les consignes de distanciation venaient à être levées, nous reviendrons bien sûr au tout présentiel. C’est très important pour construire le lien social de venir sur les sites. Mais il faut aussi que les étudiants soient conscients des enjeux sanitaires alors que les sondages montrent que les jeunes se sentent moins concernés que le reste de la population par la crise sanitaire.

O. R : Comment envisagez-vous l’arrivée des étudiants internationaux ?

C. G : Nous n’avons pas encore d’idée précise sur les effectifs. Au-delà de nos institutions, c’est la possibilité de venir en France qui est en question. Dans ce contexte, nous allons proposer aux étudiants internationaux un début de programme en distanciel puis en présentiel lorsque cela sera possible. Mais qu’est-ce que ces étudiants vont décider le jour où on leur proposera un début de formation en distanciel ? Espérer que les frontières vont s’ouvrir dans l’année académique ou attendre un an de plus pour aller à l’international ? Il est impossible aujourd’hui de savoir quel sera le taux de déperdition.

Un de nos atouts est de pouvoir délivrer nos cours sur notre campus chinois de Shenzhen – qui vient de rouvrir ses portes mi-mai – et Chengdu pour le BBA. Nous pouvons y recevoir des étudiants chinois avec une faculté dédiée composée de professeurs internationaux et un staff chinois.

O. R : Autre défi pour vous : l’emploi des jeunes. Les entreprises françaises connaissent et vont connaître d’importantes difficultés économiques cette année. Comment pourvoir stages et contrats d’apprentissage auprès de vos étudiants, un emploi à vos diplômés?

C. G : Des périodes de stage ont été arrêtées avant de reprendre à distance. C’est le cas par exemple d’étudiants qui effectuaient leurs stages à l’étranger. Si beaucoup de secteurs vont recruter comme ils l’avaient envisagé, d’autres vont être très impactés. Quant à l’apprentissage, j’ai l’intuition que si les conditions sanitaires sont résolues, cela repartira très vite.

O. R : S’il fallait voir un aspect positif dans la crise que nous vivons, les yeux se tourneraient vers l’enseignement à distance. Votre passage au 100% distanciel s’est bien passé !

C. G : C’est effectivement une vraie satisfaction d’avoir su mener à bien aussi vite la bascule à 100% en distanciel. Nous avons progressé beaucoup plus vite qu’en période normale. Là où il existait des réticences vis à vis de l’enseignement àdistance, elles se sont tues. Nous avons d’ailleurs été favorisés dans cette démarche par une évolution des modalités de réalisation du plan de charge de nos professeurs.

Mais il ne faut pas non plus oublier que l’enseignement à distance tel que nous l’avons pratiqué est un dispositif d’urgence qui ne présage en rien d’un dispositif totalement distanciel ou blended demain.

O. R : Sur quelle plateforme d’enseignement à distance travaillez-vous ?

C. G : Depuis 2008, nous utilisons Blackboard Collaborate. Et toujours en synchrone.

O. R : Comment avez fait évoluer le plan de charge de vos professeurs ? Cela doit être très compliqué.

C. G : Depuis la rentrée 2019, le plan de charges des professeurs est évalué en crédits ECTS et non plus en nombre d’heures de face à face. Ce changement avait été opéré pour promouvoir l’innovation pédagogique et permettre à chaque enseignant de remplacer, à hauteur de 20% les heures en présentiels par des dispositifs pédagogiques innovants.

Cette mise en place a nécessité 2 années complètes de façon à ce que nous homogénéisions le catalogue de cours et qu’il y ait une stricte équivalence entre les heures de cours et les crédits ECTS, tous programmes confondus.

Pour que cela ne se fasse pas au détriment de certains, nous avons conservé une double comptabilisation pendant deux ans. Aujourd’hui, 90% des plans de charge sont évalués avec cette nouvelle « unité d’œuvre ».

O. R : Les entreprises sont en plein désarroi. Quand la formation continue va-t-elle reprendre ?

C. G : Certains cours en présentiel ont été transférés en distanciel. Aujourd’hui, nous pouvons de nouveau recevoir des apprenants. C’est important car les entreprises ont une vraie appétence pour le présentiel. Il nous faut nous adapter aux nouvelles consignes de sécurité, de désinfection et d’équipements des locaux. Ce qui génère des coûts supplémentaires.

O. R : Le retour en activité va représenter beaucoup de coûts supplémentaires. Comment allez-vous y faire face ? Notamment pour les travaux que vous avez entrepris dans vos bâtiments.

C. G : Nous devons résoudre une équation compliquée avec différents scénarios budgétaires. Nos travaux sont presque finis et seuls certains seront décalés dans le temps. Mais il faut surtout raison garder, retirer des enseignements des deux mois écoulés et ne pas se précipiter Cette situation n’est peut-être qu’une parenthèse pour nos activités. La mobilité à l’international est certes peut-être à repenser, mais doit-elle pour autant être remise en cause ? Depuis les Lumières, on sait qu’il faut voyager et s’enrichir d’autres cultures pour parfaire son éducation.

O. R : C’est le meilleur moyen pour eux de se préparer à vivre dans un monde incertain ?

C. G : Nous vivons aujourd’hui dans une incertitude totale à très court terme. Une nouvelle information peut changer totalement la donne à chaque instant. Dans ce contexte, il nous faut repenser les équilibres en permanence. Comme l’écrivait Rudyard Kipling dans son poème : « SI »

« Si tu peux voir détruit l’ouvrage de ta vie
Et sans dire un seul mot te mettre à rebâtir,
Ou perdre en un seul coup le gain de cent parties
Sans un geste et sans un soupir… »

O. R : Audencia est justement en pointe en matière de RSE (responsabilité sociétale des entreprises). Vous venez d’ailleurs d’obtenir le renouvellement d’un label.

C G : Le Label Lucie est l’équivalent de la norme ISO 26000 de la RSE. Nous avons obtenu son renouvellement pour la seconde fois et pour la durée maximale pour notre approche responsable du management. Dans le même spectre, le Groupe Crédit Agricole SA a rejoint ces dernières semaines la chaire RSE en tant que grand mécène.

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Olivier Rollot est directeur du pôle Information & Data de HEADway Advisory depuis 2012. Il est rédacteur en chef de "l’Essentiel du Sup" (newsletter hebdomadaire), de "l’Essentiel Prépas" (webzine mensuel) et de "Espace Prépas". Ancien directeur de la rédaction de l’Etudiant, ancien rédacteur en chef du Monde Etudiant, Olivier Rollot est également l'un des experts français de la Génération Y à laquelle il a consacré un livre : "La Génération Y" (PUF, 2012).

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